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Façon graines de pissenlit.

Publié le 15 mars 2016 par Rolandbosquet

pissenlit

         Journée harassante occupée à tailler, couper et élaguer une haie, transporter les branches au fond du courtil, scier les plus grosses et entasser les bûches sous abri en prévision d’un hiver prochain. Ne me reste plus guère d’énergie pour toute autre activité sinon somnoler devant la télévision sous le prétexte de "prendre les nouvelles". Dans l’espoir d’échapper à un bouquet publicitaire, je rejoints un "talkshow" du Service Public. Traduit en français courant, il ne s’agit en réalité que d’un débat entre causeurs professionnels, diseurs de riens et autres chevaucheurs de querelles assis sur des tabourets inconfortables qui s’expriment sur les sujets les plus considérables choisis en fonction de l’actualité la plus brûlante. Le réchauffement climatique pourrait-il être provoqué par ces extraterrestres qui voyagent en ovni au-dessus de nos têtes ? Que penser de la phrase sibylline de Nostradamus à propos des échéances annuelles en Mésopotamie Occidentale ? Connaître l’âge du capitaine peut-il aider à calculer la distance entre la Terre et la Lune à marée haute ? La question, absolument cruciale, de ce soir interpelle au plus haut point les sommités intellectuelles du moment. Décrypter le destin d’un peuple à travers son Histoire immédiate. Un philosophe médiatique évoque le parcours transcendantal de son aïeul pendant la Révolution Française. Une paléontologue attachée à l’université étasunienne de Philadelphie conteste les conclusions, hasardeuses selon elle, de ses consœurs de Patagonie septentrionale. Un "spécialiste" des affaires extérieures narre les aventures rocambolesques d’un envoyé du Quai d’Orsay en Transnistrie. Et une militante écologiste reconvertie dans l’étude quantique du marché de l’immobilier en milieu rural critique ouvertement les mesures ministérielles prises pour endiguer les inondations hivernales au pied du mont Aigoual. De toute façon, conclut le porte-parole de la Société des Optimistes Invétérés, la France demeure la meilleure au monde dans les domaines les plus prestigieux tels que l’apéro, la pétanque et la baguette de pain. C’était vrai avant ! Car, de nos jours, tout va manifestement à vau-l’eau. L’apéro, comme disent les abonnés de Télérama du XVIème arrondissement de Paris, est de plus en plus contesté. Les populaires boissons anisées sont aujourd’hui délaissées au profit de produits importés spécialisés dans le récurage des chandeliers en cuivre et des poignées de portes d’immeubles haussmanniens. Quant à la pétanque, on a vu des champions de la boule lyonnaise d’origine nippone se hisser en tête du classement à l’issue de compétions marseillaises du plus haut niveau. Mais il y a plus grave encore. Depuis près d’un siècle sinon depuis toujours, le Français moyen est communément représenté par un individu d’origine campagnarde, coiffé d’un béret crasseux et porteur d’une baguette de pain callée sous son bras. Or, lors du dernier championnat international de la boulangerie qui s’est déroulé au parc des expositions de Villepinte à Paris, ce sont les candidats taïwanais qui sont montés sur la plus haute marche du podium. Les Français n’étaient classés qu’en troisième position en dépit de leur longue pratique de la boulange artisanale autant qu’industrielle. On voit par-là que les "fondamentaux" de notre bel hexagone s’éparpillent désormais en tous sens, façon graines de pissenlit sous le vent coulis de l’hectisie culturelle. Ce qui laisse bien des choses à penser à propos de l’avenir.

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