On ne peut pas dire qu’on a un beau mois d’avril, le temps est plutôt maussade ; d’un autre côté, ça vous donne un prétexte pour lire cette rubrique dominicale au lieu d’aller cueillir des pâquerettes.
LUNDI 4 AVRIL
C’est seulement à mon retour de Paris que j’ai appris que Jean-Pierre Coffe, qui méritait que l’on retînt de lui autre chose que sa publicité pour Leader Price, avait rejoint Coluche, Bruno Carette, Thierry Gilardi, Gilles Verlant, Jean-Luc Delarue et Alain De Greef au paradis des fondateurs de « l’esprit Canal » ; avant d’être patron du restaurant « La Ciboulette », Coffe avait été comédien et meneur de revue : gastronome ET show-man, ce personnage haut en couleurs avait le profil rêvé pour être chroniqueur culinaire à la télé, ce qu’il fit sur Canal+ durant les meilleures années de la chaîne cryptée puis sur France 2 – les Guignols ont alors pris un malin plaisir à représenter la vie de Jean-Pierre Coffe sur le service public comme un calvaire, ce qui n’avait pas grand’ chose à voir avec la vérité mais avait à voir avec le désarroi qui fut celui des gens de Canal devant le départ d’un des « historiques » de leur chaîne : son « remplaçant » au sein de La Grande Famille est d’ailleurs tombé dans un quasi-oubli… Saint Jean-Pierre Coffe, priez pour nous, au nom du père, du fils et du saint-esprit Canal ! Aux professionnels de la nostalgie, l’ami Michel Serres répond volontiers que tout n’était pas mieux avant et que les bouleversements suscités par les nouvelles technologies sont sources d’émerveillement : comme quoi on peut être à l’Académie française et ne pas écrire que des conneries ; effectivement, il est assez merveilleux que des savoirs et des pratiques jadis réservés à une élite ou, du moins, à un groupe restreint soient devenus accessibles au plus grand nombre. L’année où je suis né, il aurait été encore inimaginable qu’un jeune homme sans ressources financières élevées ni connaissances techniques élevées puisse réaliser, monter et diffuser des vidéos en libre accès dans le monde entier : c’est pourtant ce que je fais aujourd’hui en bricolant des émissions pour 2nine TV, la chaîne YouTube finistérienne dont je suis contributeur. Bien sûr, ce serait encore plus merveilleux si les logiciels de montage vidéo n’avaient pas cette tendance à faire de la résistance telle une feuille sur laquelle on peinerait à écrire…MARDI 5 AVRIL
Cette affaire Panama Papers m’indigne mais ne m’étonne absolument pas : j’ai moi-même le malheur de faire partie des Cassandre qui, depuis des années, prêchent dans le désert que la « dette » publique n’est que le trou laissé par les sommes scandaleuses qui échappent au fisc grâce à des bidouillages plus que douteux (je reconnais que je ne crie pas très fort) ! La présence de Patrick Balkany et des proches de Marine Le Pen sur les listes ne m’étonne pas non plus : ce serait plutôt leur absence qui aurait été étonnante ! Bref, encore un secret de polichinelle qui éclate au grand jour et qui, de toute façon, sera oublié dans deux mois, noyé dans l’avalanche de foot subséquente au début de l’euro 2016 ! Enfin trouvé : le numéro 2 d’Epiphanot, le magazine des étudiants en lettres de l’Université de Brest ; j’avais moi-même contribué au numéro 1 en proposant, entre autres, le premier strip d’un cadavre exquis. Imaginez donc ma surprise en découvrant que le dessinateur qui a entrepris de dessiner la suite…n’était autre qu’Obion ! Je le croyais plus occupé que ça : faut-il qu’il ait du temps à perdre pour participer à un jeu lancé par un gribouilleur de troisième zone comme moi ! Plus sérieusement, c’est un honneur pour moi d’avoir pu l’inspirer et je le prends comme un encouragement. La première partie du cadavre exquis, dessinée par votre serviteur.MERCREDI 6 AVRIL
Wiki-Brest fête ses dix ans d’existence, ce qui lui vaut les honneurs du journal Côté Brest ; la rédactrice en chef de mon hebdomadaire brestois préféré y mentionne l’article consacré au Chapiteau d’hiver du Relecq-Kerhuon que votre serviteur a publié sur Wiki-Brest, signalant même que j’en suis l’auteur (ce que les lecteurs du site ne sont pas censés savoir) : cela dit, quand elle écrit que l’article en question est « exhaustif », il ne faut pas le prendre au pied de la lettre, elle veut dire par là que j’ai commenté en détail chaque spectacle que j’ai vu, mais ça ne rend pas l’article « exhaustif » au sens premier du terme puisque je n’ai pu parler que de ce que j’ai vu, c’est-à-dire, une bien infime partie de ce qui avait été proposé au cours de ce festival définitivement pas comme les autres, riche, varié et réussi.
C’est en feuilletant le trimestriel gratuit Bikini d’un doigt distrait que j’ai appris l’inconcevable : Sylvester Stallone est finistérien par sa grand’mère ! Je doute fort que je doive me féliciter d’être son compatriote ; en tout cas, s’il envisage de tourner un nouveau Rambo, il peut venir le faire à Brest : quand il rencontrera Bernadette Malgorn, il regrettera les Vietnamiens ! Et comme mission, il n’aura qu’à chercher un magasin ouvert le lundi voire un magasin ouvert tout court, ce sera une aventure en soi ! Un dessin prémonitoire réalisé après l’annonce de la candidature de Jean-Yves Le Drian aux élections régionales.JEUDI 7 AVRIL
En allant voir le médecin pour des raisons qui ne vous regardent pas, j’ai trouvé, dans une salle d’attente inhabituellement vide, le livre Poils partout où Babette Cole raconte SANS AUCUN DÉTOUR à son jeune public les changements corporels qui interviennent à la puberté ! Vous imaginez si un tel livre était écrit par un auteur français ? Ce serait le scandale assuré ! Décidément, la perfide Albion n’est pas si perfide qu’on le dit et a même des côtés merveilleux que notre beau pays des Droits de l’Homme peut légitimement lui envier : d’accord, les Britanniques n’ont pas le droit de dire ce qu’ils veulent de la famille royale, mais ils compensent en faisant fi des douze milliards de tabous sous lesquels croulent encore les froggies ! En d’autres termes, ils contrebalancent un gros interdit en jouissant à fond d’une multitude de libertés dont nous jouissons THÉORIQUEMENT chez nous mais dont nous ne faisons, en fait, absolument rien ! Les Frenchies aiment à se raconter qu’ils sont les plus libres du monde, mais le summum de l’impertinence à leurs yeux chassieux est le Hollande bashing qui plait tant à Dassault et Bolloré… Vous trouvez que j’exagère ? Alors dites-moi pourquoi c’est chez eux que sont nés les Monty Python à une époque où Robert Lamoureux était encore l’humoriste le plus en vue en France ? Expliquez-moi pourquoi les Beatles et les Rolling Stones sont nés en Grande-Bretagne et pourquoi les Français ne jurent que pour Johnny Hallyday et Jean-Jacques Goldman ? C’est vous dire si je ne vois pas d’un bon œil la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne… En bon abonné, j’ai bien reçu le dernier Fluide Glacial et quand j’ai vu, en couverture, l’annonce du retour de Gai-Luron, j’ai cru à un canular ; mais en feuilletant le numéro, j’ai été bien obligé d’admettre que ça avait l’air sérieux ! La reprise du personnage par Pixel Vengeur et Fabcaro a beau avoir la bénédiction de Gotlib, je ne peux m’empêcher d’être sceptique : je ne vois pas bien, pour l’instant, l’utilité de ce retour plus de trente ans après la parution de Gai-Luron en slip qui me semblait offrir une conclusion satisfaisante à la saga de l’antihéros de Gotlib… La « reprise » d’une série est, dans le monde de la bande dessinée, une pratique courante aux résultats plus ou moins heureux dont l’effet pervers premier, et non le moindre, est de favoriser la stagnation au détriment de l’innovation : jusqu’alors, Fluide Glacial, sorti du cas très particulier de Superdupont, s’était toujours tenu à l’écart de cette pratique, je trouve un peu dommage qu’ils se commettent à ça ; alors qu’ai-je fait pour protester ? Et bien je me suis réabonné. Pour deux ans. Quand on est fan, on est vachement logique, je sais…VENDREDI 8 AVRIL
Pour un article, à paraître dans le prochain Côté Brest, consacré au mouvement citoyen Brest Debout dont on fête les vingt ans cette année, je suis allé interviewer Hervé Cadiou, l’ancien président de l’Université Européenne de la Paix : en l’écoutant me raconter l’histoire de ce mouvement de protestation qui avait mobilisé toutes les « forces vives » de la ville contre le « plan Million » et pour le maintien de l’emploi à l’Arsenal de Brest, j’ai été moins impressionné par l’histoire elle-même, que je connaissais déjà en partie, que par l’aisance oratoire de mon interlocuteur qui parlait littéralement comme un livre ! J’ignore son âge et son origine sociale exacte mais je me doute qu’il a amplement l’âge d’être mon père et qu’il ne fait pas à proprement parler issu d’une élite sociale : quand je compare à beaucoup de gens de ma génération qui, bien qu’ayant fait d’assez longues études, n’ont que trois mots de vocabulaire, ça réveille mes inquiétudes : ma génération est-elle seulement capable de construire quoi que ce soit de grand ?Je l’ai appris de source sûre : Ségolène Royal, invitée à intervenir dans une université parisienne en tant que ministre de l’environnement, a réclamé 12.000 euros en échange ! Une somme dérisoire par rapport à ce que demande Nicolas Sarkozy mais qui n’en est pas moins indécente étant donné les difficultés financières que rencontrent l’Université en générale et les étudiants en particulier ! Voilà une anecdote qui en dit long sur l’ignorance crasse des problèmes des citoyens dans laquelle se complaisent, du haut de leur situation privilégiée, bon nombre de nos élus ! On nous rebat les oreilles du « divorce » entre le peuple et les élites, mais le mariage a-t-il seulement eu lieu un jour ?
SAMEDI 9 AVRIL – DIMANCHE 10 AVRIL
Ce n’est qu’une semaine après les faits que j’ai enfin eu vent des échos, dans la presse locale, du salon du bien-être animal de Guipavas que j’ai co-animé en tant que caricaturiste avec mes camarades de l’association DécouverteS ; le correspondant local n’a pas oublié de mentionner l’asso et je l’en remercie mais j’avoue que j’ai ri en découvrant la légende de la photographie où j’apparais caricaturant une jeune fille : « l’espace caricatures a séduit petits et grands » ! « L’espace caricature » ! Une malheureuse surface, moitié moins grande que la plupart des stands, sur laquelle j’avais installé, à l’arrache, deux chaises, une pour m’asseoir et une autre pour recevoir les clients, c’est tout ! Il y a des collègues qui ne craignent pas les noms pompeux ! Quand on pense qu’il m’a fallu attendre deux heures pour obtenir l’assiette qu’on m’avait promise et que j’ai été obligé de payer, ça ressemble fort à une sorte de promotion de langage du même tonneau que celle qu’on a offerte aux instituteurs en les appelant « professeurs des écoles » ou aux pays pauvres en les nommant « pays en voie de développement » ! On reste le cinquième roue du carrosse, mais alors, avec quels égards ! Un exemple de ce que peut constituer mon « espace caricatures »…La privatisation des radars automatiques ne passe pas ; ça se comprend : mes récentes mésaventures ferroviaires m’en ont dit plus que bien des longs discours sur ce à quoi il faut s’en tenir dès qu’on ouvre un marché public à la concurrence ! Les automobilistes peuvent s’attendre à recevoir des PV pour des excès de vitesse qu’ils n’auront pas commis mais qui permettront d’augmenter la marge bénéficiaire des fournisseurs de radars sans que l’État ne contrôle quoi que ce soit ! Une raison supplémentaire pour ne pas passer le permis, tiens !
À dimanche prochain si on veut bien !
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