Depuis que Siné est parti, il n’a pas raté grand’chose… Je trouve.
MARDI 17 MAI
J’ai fait l’impasse sur le lundi de Pentecôte car j’ai le droit moi aussi à mes jours fériés et puis, ce lundi-là, j’étais plutôt préoccupé par mon anniversaire qui tombait le lendemain. M’y voici donc : j’ai 28 ans. Mais je vous préviens : le premier qui me parle de « génération Y » ou de « génération sacrifiée », c’est ma main dans ma gueule ! Parce que si ma génération est sacrifiée, alors que dire de celles qui n’ont jamais appris à lire, qui n’ont pas connu la pénicilline, qui sont descendues dans la mine dès leur quinze ans, qui finissaient grabataires à cinquante ans, qu’on a envoyées se faire charcuter au champ d’honneur ? Je ne dis pas que la vie est forcément facile et confortable pour les gens de mon âge, mais je tiens à rassurer nos aînés : nous apprenons déjà à nous passer de ce qui avait été présenté comme indispensable à nos parents. Notre génération a bien compris qu’il y a mieux à attendre de la vie qu’une bagnole pour se taper les embouteillages matin et soir, un boulot inutile sous les ordres d’un adjudant qui ne dit pas son nom, un pavillon de banlieue où s’engueuler à longueur de journée et une télé pour avaler les conneries débitées par PF1 (Pompe à Fric n°1). Puisque le capitalisme a trouvé plus pauvre à exploiter, nous construirons nos vies nous-mêmes ! Toutes ces considérations ne m’ont pas empêché de trinquer à ma santé en me souhaitant un joyeux anniversaire, Benoît.
J’avais pensé un instant me rendre place de Strasbourg pour titiller Eric Brunet qui avait prévu de venir à Brest ce jour-là pour faire son émission auprès des « Jetées » que ses auditeurs crétins ont élu « bâtiment le plus laid de France ». Je me suis ravisé en me disant que je n’allais pas gâcher le jour de mon anniversaire en rentrant dans le jeu de ce crétin ; bien m’en a pris : l’émission n’a pas eu lieu, l’animateur ayant finalement été bloqué à Orly à cause des grèves ! Voilà qui doit doublement emmerder ce porte-parole indéfectible de la « droite décomplexée » ! Comme quoi j’ai de bonnes intuitions. Mais je ne jouerai pas au Quinté+ pour autant !MERCREDI 18 MAI
C’est au terme d’une journée de travail bien remplie que j’ai appris la nouvelle, bien visible, à la une du Monde : l’extrême-droite est aux portes du pouvoir en Autriche. On a beau savoir pertinemment que l’Autriche ne représente pas grand’chose en Europe et n’est même pas limitrophe de la France, difficile de ne pas avoir froid dans le dos ! C’est du moins ce que j’ai cru car, en France, nous sommes trop occupés à nous écharper autour de la loi travail et ce qui se passe en Autriche n’émeut personne ! Quand on pense au tollé qu’il y avait eu quand le parti du pas-du-tout-regretté Jorg Haïder, cette absence de réaction illustre bien la banalisation de la parole xénophobe, anti-européenne et nationaliste à l’échelle de l’Europe ! Allez, bande de cons, continuez à vous engueuler à propos d’une loi que vous n’avez même pas lue et de la haine anti-flics, on en reparlera à Auschwitz ! Pendant que les médias pignent sur une jeunesse qui serait, au mieux, apathique et fière de son inculture ou, au pire, tout juste bonne à tout casser dans les rues, les collégiens et les lycéens brestois, sous le patronage de l’université de Brest, traduisent des textes latins qui n’avaient encore jamais fait l’objet d’une traduction en français ! Le résultat de leur travail fait l’objet d’un « junior colloque » dont la dernière édition s’est tenue à la faculté Victor Segalen ce mercredi soir-là : voilà qui prouve que quand on se donne les moyens d’intéresser les jeunes à la culture classique, on obtient des résultats spectaculaires et que la jeunesse de France, quoi qu’en dise Yann Barthès, n’est pas irrémédiablement condamnées à Twilight, World of Warcraft et NRJ 12 !JEUDI 19 MAI
Trois ans après le suicide de sa fille, Nora Fraisse continue à lutter contre le harcèlement à l’école. Cette dame fait partie de ces gens qui m’inspirent le respect d’entrée de jeu, ceux pour qui l’engagement citoyen a un autre sens que hurler avec les loups, ceux qui préfèrent avoir raison seuls plutôt qu’avoir tort avec tout le monde. La lutte contre le harcèlement moral n’en est encore qu’à ses balbutiements : on va à l’école pour étudier, point barre, par pour se faire insulter, humilier et bafouer jusqu’à devenir aigri et névrosé à vie sous le regard indifférent des aînés ! J’ai vécu ça et je ne souhaite à aucun ado de le vivre ! Combien faudra-t-il encore de suicides pour que les harceleurs soient punis comme ils le méritent ?Il faut dire que le harcèlement n’entre pas dans les préoccupations majeures de nos ministres qui préfèrent pourrir la vie des enseignants avec des réformes à la mord-moi-l’nœud : à l’heure où je vous parle, un ancien camarade de fac, aujourd’hui professeur contractuel à l’université, se démène pour préparer l’application d’une énième réforme dans son département ! Ce n’est pas pour ça qu’il a été formé et ce n’est non plus pas pour ça qu’il a été engagé ! Le métier de professeur serait déjà beaucoup moins pénible si nos gouvernements successifs avaient fait un minimum confiance aux professionnels de l’enseignement au lieu de traiter l’école et l’université comme de vastes champs d’expérimentation à ciel ouvert !
VENDREDI 20 MAI
En 1991, à l’époque de la guerre du Golfe, les Nuls disaient, en présentant leur faux journal, « même s’il ne passe rien, nous trouverons quand même quelque chose à dire car parler à la télé est notre métier » ; dans le même ordre d’idée, en 1993, après le suicide de Pierre Bérégovoy, les Guignols disaient « quand il n’y a rien à dire d’un événement, le plus important, c’est d’en parler ». Ces paroles avaient été prononcées longtemps avant l’explosion, en France, des chaînes info en continu : depuis, le recours à la diarrhée verbale pour camoufler l’absence d’infos est passé au rang de norme, comme le confirme le traitement médiatique de la disparition du vol Paris-Le Caire ! Cela dit, déjà que je me traite de tous les noms dès que j’égare un petit objet (clé, crayon, lunettes, portable, etc.) que j’avais encore sous la main l’instant d’avant, alors imaginez ce que doivent se dire ceux qui égarent carrément un gros avion qui traversait la Méditerranée !Je relis Le génie des Alpages de F’Murr et je suis moins épaté par la douce folie de l’auteur, qui me repose de la dure folie de ce monde horrible, que par sa culture : ses trouvailles langagières et ses références sont la trace évidente d’un savoir encyclopédique comme ne peuvent en revendiquer que les vrais autodidactes ; ça change des BD autobiographiques larmoyantes sur lesquelles s’extasient les pseudo-intellos. Pour le reste, quand on sait que les ovins, loin de l’image d’Épinal du mouton doux et innocent, ont souvent mauvais caractère, on se dit que le troupeau de brebis cinglées dessiné par F’Murr est une caricature pas si éloignée de la vérité, beaucoup moins en tout cas que les poésies mignardes qui idéalisent la vie pastorale…
SAMEDI 21 MAI – DIMANCHE 22 MAI
Thalassa a consacré son édition de cette semaine aux vacances à la mer, histoire de marquer le coup des 80 ans du Front Populaire et des congés payés : de ce fait, ce soir-là, les émissions racoleuses ont perdu le monopole des filles en bikini qui ont fait leur apparition dans cette vénérable émission. Voilà qui a dû secouer plus d’un marin en retraite qui ne rate jamais ce rendez-vous du vendredi soir qui lui rappelle le bon vieux temps ! Pour ma part, ça m’a apporté un rayon de soleil bienvenu, avec le temps pourri qui règne actuellement en Bretagne… Un rayon de soleil quelque peu obscurci, je dois l’avouer, par le souvenir de ce bon vieux Léon Blum, que nos grands-parents ont bien laissé crever à Auschwitz avant de l’accueillir en triomphe à la libération ! Quand je repense à ça, je me dis que l’album de Lucky Luke L’empereur Smith est un récit réaliste…
Ils me font rire, ces braves gens qui rouspètent contre la pénurie de carburant : pauvres naïfs, ce n’est là qu’une répétition générale en attendant la grande pénurie de pétrole qui guette inexorablement notre monde ! Les lobbies pétroliers ont étouffé dans l’œuf toute tentative de développement d’une énergie équivalente et les sources s’épuisent aussi vite que la demande s’accroit ! Aujourd’hui, vous avez les grévistes comme bouc émissaires de l’immobilité temporaire à laquelle vous êtes condamnée : et quand il n’y aura plus la moindre de goutte de pétrole sur terre, à qui d’autre qu’à vous-mêmes pourrez-vous vous en prendre, vous qui aurez épuisé en un siècle les énergies fossiles qui avaient pis des millions d’années à se former ?
À dimanche prochain si on veut bien !
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