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Ils parlaient foot.

Publié le 10 juin 2016 par Rolandbosquet

Oradour1

Le 10 juin 1944 aurait pu être une journée ordinaire pour le modeste bourg d’Oradour sur Glane, en Limousin. Le soleil inonde la campagne. Les vaches sont dans les prés où l’herbe est grasse. Il y aura du foin cette année. Les enfants sont à l’école. Les femmes font quelques courses à l’épicerie ou chez la mercière, leurs lieux de rencontres favoris avec l’église. Le maréchal-ferrant et le docteur échangent quelques mots au sujet d’une cohorte motorisée de l’armée allemande remontant vers la Normandie où les alliés ont débarqué quatre jours plus tôt. Mais on ne s’en inquiète pas outre mesure ici. Les Boches seront bien trop pressés de gagner leur nouveau front pour s’attarder dans un village sans histoire. Pourtant, vers 14 heures, un détachement du premier bataillon du quatrième régiment de Panzergrenadier "Der Führer" de la panzerdivision de la Waffen SS "Das Reich", se présente. Sous le prétexte de contrôler l’identité des habitants, ils les rassemblent sur la place du Champ de Foire. Après discussion avec le maire qui tente l’impossible pour protéger ses administrés les femmes et les enfants sont conduits jusqu’à l’église. Les hommes sont regroupés et entraînés vers les garages, les granges et les remises. Le Stuhrmann führer, soi-disant à la recherche d’un dépôt de munitions, ordonne une perquisition. L’attente est longue. Assis dans le foin, les jeunes discutent à propos du match de foot prévu pour le lendemain. Les SS, armes sur l’épaule, semblent décontractés et chahutent entre eux. (La plupart ont entre 18 et 20 ans.) Les mitrailleuses orientées vers les lieux ont sont parqués les hommes représentent la seule vraie menace. Soudain, une détonation retentit. Les SS se ruent sur leurs armes et font feu. Ils tirent pour tuer. Hommes, femmes et enfants. Pas de survivants ! Ils recouvrent les corps des hommes de paille et de fagots et y mettent le feu. Dans l’église, ils disposent une caisse de fumigènes dans le but d’asphyxier les femmes et les enfants. À moins que ne soit pour ne pas voir leurs corps s’effondrer car ils ouvrent les portes et mitraillent à l’aveuglette. Le village est ensuite incendié, méthodiquement, maison par maison, hangars, remises, appentis. Dans sa rage meurtrière, la force brune ne veut pas laisser de traces. Lorsqu’ils reprennent leur route vers le nord, les SS abandonnent derrière eux 642 victimes. Une femme et cinq hommes survivront malgré tout.

Oradour

Robert Hébras est l’un d’eux. Interrogé par Laurent Borderie, il raconte, une fois de plus, les événements tels qu’il les a vécus dans un beau livre témoignage, "Avant que ma voix ne s’éteigne". « Lorsque je me promène ici, dit-il, je ne vois pas le même paysage que vous. Je vois un village intact, celui que j’ai connu, jusqu’au jour où les SS sont arrivés ». Et malgré l’émotion qui l’étreint à chaque fois, Robert Hébras parle. Il s’en est fait un devoir. Il parle aux jeunes des écoles, des collèges et des lycées français comme aux jeunes allemands, à celles et ceux qu’il guide à travers les ruines, à la radio, à la télévision. Il raconte encore et toujours. Simplement. Avec ses mots à lui. Comme on l’a vu en septembre 2013 raconter, une fois de plus, aux présidents François Hollande et Joachim Gauck l’enfer qu’il a vécu et le martyre de son village. Parce que, comme disait le Général de Gaulle, "il ne faut plus jamais qu’un malheur pareil se reproduise". ("Avant que ma voix ne s’éteigne", Robert Hébras, propos recueillis par Laurent Borderie, Elytel éditions / Centre de la mémoire d’Oradour sur Glane)

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