LUNDI 13 JUIN
Non, mon bon monsieur, ce n’est pas la « communauté homosexuelle » qui a été attaquée à Orlando ! Ce n’est pas non plus l’Amérique, c’est encore moins l’Occident ! Et ceux qui croient que c’est la Chrétienté… Non, ce que cet illuminé qui se revendique de Daech a attaqué, c’est tout simplement la différence : comme tout intégriste qui se respecte, ce qu’il déteste au-delà de tout, c’est ce qui n’est pas comme lui. Et comme l’humanité n’est faite que de différence, je ne pense pas exagérer en affirmant que cette tuerie est un crime contre l’humanité. C’est tout.
Devant les images des saccages causés par les hooligans, il s’est trouvé de bonnes âmes pour se demander pourquoi on les laisse venir assister à l’Euro. Pauvres pommes : ils n’ont pas encore compris que pour un chef d’État ou de gouvernement, un citoyen de base n’est que de la merde et que ces messieurs ont donc tout intérêt à laisser se développer un maximum de violence urbaine, éventuellement en important des hooligans par centaines, pour justifier l’omniprésence policière… Ajoutez à cela qu’une part non négligeable de ces hooligans viennent tout droite de Russie, un pays dont le président n’a de cesse de nuire à l’Occident : l’envoi de voyous déguisés en supporters participe, venant de Poutine, de la même stratégie que le soutien financier aux partis nationalistes anti-européens…
MARDI 14 JUIN
Henri Guaino se déclare candidat au nom des valeurs gaullistes. Le gaullisme, pour ce que j’en connais, du moins dans sa version « sans De Gaulle », c’est une sorte de sarkozisme qui y mettrait la forme : on vous encule, mais dans la dignité ! Bref, merci Guaino, depuis la mort de Jean Lacanuet, ça nous manquait, un vieux-barbon-qui-ne-représente-qu’un-immense-néant-politique-mais-qui-croit-dur-comme-fer-à-son-destin-national ! Peut-être qu’avec la note folklorique que vous apporterez, les télés se sentiront un peu moins obligées d’inviter Le Pen aussi souvent ? Ce serait déjà ça de gagné !
Henri Guaino vu par votre serviteur.Charles Miossec, ancien président du conseil général du Finistère, est passé à la faculté Victor Segalen pour revenir sur son parcours politique, notamment les raisons qui l’avaient poussé à s’engager sous l’étendard du Général De Gaulle. Je me moquais du gaullisme il y a un instant, mais force m’est de reconnaître l’espoir que le grand Charles pouvait représenter, en pleine guerre d’Algérie, pour les futurs appelés du contingent (dont monsieur Miossec faisait alors partie) qui se passaient volontiers d’aller au casse-pipe… Ceci pour dire que le gaullisme, en effet, c’est chouette…en 1958 ! En 2016, en revanche, il faudrait penser à trouver autre chose, monsieur Guaino !
MERCREDI 15 JUIN
Encore des victimes innocentes du terrorisme : quelqu’un pourrait-il m’expliquer pourquoi on se sent obligé de souligner que l’un des tués était policier alors qu’il n’était pas en service au moment de sa mort ? C’est pour rabattre leur caquet à ceux qui se gaussaient des manifs de poulets contre la « haine anti-flics » ? Si tel est le cas, ce n’est vraiment pas malin, car cette « haine anti-flics », qu’elle soit réelle ou (ce qui est plus probable) supposée au sein de la société française, n’a aucune commune mesure avec la haine, plus générale, dont ce pauvre type et sa femme ont été les victimes à sa voir la haine qu’éprouvent les intégristes de tout poil envers tout ce qui n’est pas comme eux ! De toute façon, ce lâche assassinat n’incite pas à un plus grand respect de la police puisqu’il confirme que les forces de l’ordre sont composées de pauvres types comme vous et moi qui passent leurs journées à attendre l’heure de rentrer à la maison (malgré les apparences, ce n’est pas une critique) qui ont trop à perdre pour être vraiment efficaces face à des individus fanatisés ! Pour résumer, les défenseurs des flics : si vous comptez vraiment sur vos braves pandores pour vous sauver de la menace terroriste, c’est que vous êtes victimes du syndrome de Stockholm !
Conférence de votre serviteur sur Tintin au Congo : un exercice éprouvant mais toujours gratifiant quand les retours de l’assistance seront positifs. Je peux d’ores et déjà vous annoncer que cette causerie fera l’objet d’une publication dans Ridiculosa, la revue universitaire dédiée à l’image satirique. Une personne présente dans le public m’a fait part de l’opportunité qu’il y aurait à comparer Tintin au Congo avec d’autres caricatures, publiées à la même époque, dont les peuples colonisés par l’Europe faisaient les frais ; de fait, on découvrirait alors que la représentation hergéenne des noirs africains est finalement bien innocente en comparaison de caricatures particulièrement abjectes consacrées aux troupes coloniales : Hergé, au moins, n’ose pas douter un instant de la bravoure des soldats noirs qu’il montre arrêtant sans difficultés les gangsters qui tentent de faire main basse sur la production de diamants de leur pays…
Affiche de votre serviteur pour la conférence.JEUDI 16 JUIN
Tombant encore une fois sur cette « perte de repères » dont on nous rebat les oreilles concernant notre époque, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la fameuse image des bestiaux qui, une fois sortis de leur enclos ou de leur cage, continuent à agir comme s’ils étaient encore enfermés. Parce qu’enfin, quels étaient-ils, ces fameux « repères » qu’il faudrait pleurer à chaudes larmes ? Le plus souvent, voilà de quoi il s’agit : un boulot pour se faire exploiter jusqu’à être bon pour la casse, un foyer avec une maman aux fourneaux et un papa qui peut taper impunément sur sa progéniture, une nation dont on se doit d’être fier au point de se sacrifier pour elle. Vous avez reconnu, je pense, un triptyque tristement célèbre : travail, famille, patrie… Et c’est ÇA que nous avons perdu ? Oh, quel dommage… Bande de cons !
Tout comme l’ami Cédric Boyon, je sais ce que c’est, se retrouver du « mauvais » côté de l’altérité, c’est-à-dire du côté vers lequel les gens « comme il faut » pointent leurs fourches, jettent leurs pierres ou dirigent leurs tondeuses (le courage à la française…) : en effet, adolescent, j’ai commis la faute de goût impardonnable d’être bon élève, j’étais « donc », aux yeux de mes « camarades », le fayot de service, celui qu’il est légitime de harceler, de rendre névrosé à vie ; pire, j’étais autiste avec les troubles de comportement que cela implique, j’étais « donc » aux yeux de beaucoup de mes profs, un individu excentrique et désagréable cherchant à se faire remarquer à tout prix… Bref, la bêtise des amalgames, je la connais, je l’ai subie de plein fouet, et chaque fois que je lis un éditorialiste prétendument « sérieux » enfiler comme des perles tout ce qu’on peut exprimer comme jugements débiles sur la base d’amalgames tels que « syndicalistes = casseurs » ou « musulmans = djihadistes », je me demande s’il y a des gens qui deviennent adultes un jour… Bref, y en a marre des amalgames, à commencer par celui-ci, peut-être le plus stupide de tous : « Valls = gauche » !
VENDREDI 17 JUIN
Assassinat d’une ministre anglaise pro-européenne : quelle façon intelligente de débattre, bravo ! Voilà la vraie nature de l’extrême-droite ! Et accessoirement, voilà l’avenir radieux que nous proposent les nationalistes : alors que les démocrates, les vrais, tentent tant bien que mal (et avec plus de mal que de bien, il est vrai) d’opérer une synthèse de toutes les tendances qui cohabitent au sein d’une même société, simplement pour rendre celle-ci vivable, les nationalistes, eux, en considérant qu’une seul tendance est la bonne, condamne toutes les tendances, la leur y compris, à s’entretuer ! Bref, être farouchement hostile à l’extrême-droite comme je le suis, c’est simplement être ami de la vie !
À Brest, on est en plein préparatif des fêtes maritimes ; à propos, saviez-vous pourquoi l’édition de cette année s’appelle sobrement « Brest 2016 » et non plus « les tonnerres de Brest » comme celle de 2012 ? J’avais cru naïvement, comme vous peut-être, que c’était dû au fait que les gens n’avaient pas accroché au changement de nom et avaient continué à dire « Brest 2012 », comme ils avaient continué à dire « Foire Saint-Michel » faute d’adopter le nom « Braderie Saint-Michel ». En fait, non : c’est tout simplement dû au fait que le nom « Tonnerre de Brest » a déposé par un marchand de bières… La loi du fric, encore et toujours !
« Tonnerre, tonnerre, tonnerre de Brest, mais nom de Dieu, que la pluie cesse… »SAMEDI 18 JUIN – DIMANCHE 19 JUIN
Aujourd’hui, c’est la fête des pères : je l’ai souhaitée à mon père mais personne ne me l’a souhaitée car je n’ai pas d’enfants et je ne veux pas en avoir. Non, je ne veux pas jouer à un petit être sans défenses le tour de cochon de l’obliger à vivre dans ce monde horrible ; je ne veux pas faire vivre à une femme cet interminable calvaire que l’on appelle la grossesse suivi de l’accouchement qui transforme la plus jolie fille du monde en boudin informe ; je ne veux pas faire reprendre le collier à mes parents vieillissants alors qu’ils ont déjà eu tant de mal à s’occuper de moi et de mon frère ; je ne veux pas devoir me forcer à être un athlète complet doté d’une intelligence infaillible qui n’a pas le droit à l’erreur sous peine de traumatiser le (ou la) cher(e) petit(e). Bref, je ne veux pas obliger un pauvre petit être innocent à avoir un père comme moi : je suis trop dégueulasse.
Désolé d’avoir été tardif, mais j’ai passé la journée à l’école Diwan de Kerangoff (Brest) pour y exercer mes talents de caricaturiste : une journée positive à bien des égards malgré la météo capricieuse. Le dessin étant une activité ontologiquement solitaire, et aller faire des animations dans des manifestations diverses et variées est encore le meilleur moyen, à ce jour, que j’ai trouvé pour aller à la rencontre du public et faire connaître mon travail (les histoires de succès bâtis rien que grâce à Internet, c’est du bidon !) : il y a bien entendu quelques esprits chagrins qui ne conçoivent pas qu’on puisse payer pour se faire défigurer (c’est trop souvent comme ça qu’on traduit « caricaturer ») mais quand un gamin vous demande si vous faites des livres, exprimant par là l’estime qu’il a pour votre talent, vous êtes vraiment récompensé…
Oui, c’est bien moi, le personnage adipeux et grotesque qui croque la ravissante créature assise à gauche de la photo. Photo de Ronan Floc’h.À dimanche prochain si on veut bien !