Magazine Journal intime

« On a besoin des PME pour porter l’activité économique de ce pays »

Publié le 20 juin 2012 par Pierrepaperblog

La première fois que nous avons rencontré Pascal Peyroutas, c’était au marché d’Aubervilliers. Directeur général d’une PME, à la recherche de deux contrats en alternance, il avait accepté de participer à un forum pour l’emploi des jeunes, organisé par la communauté d’agglomération.

« On a besoin des PME pour porter l’activité économique de ce pays »

Pascal Peyroutas aux "Quartiers de l'alternance" sur le marché d'Aubervilliers, en mars 2012. © E.R

Pendant plusieurs heures, nous l’avions vu prendre le temps de répondre à des questions décalées ou maladroites, d’examiner le C.V de tous, même quand ils semblaient loin du profil recherché, de les réorienter vers les employeurs assis aux tables voisines, de rassurer et de conseiller des parents inquiets pour leur progéniture. Chaleureux mais toujours professionnel, jamais condescendant.

Deux mois plus tard, il nous accueille avec la même jovialité au sein de son entreprise, Cottrez. Installée dans la zone industrielle de La Courneuve, elle est spécialisée dans les machines et produits d’entretien et d’hygiène des collectivités. Le forum de l’emploi n’a pas porté ses fruits, ni les autres démarches entreprises ces derniers mois : des deux contrats en alternance qu’il cherchait à pourvoir, l’un de commercial, l’autre au service après-vente, aucun n’est encore pourvu. Et les candidatures intéressantes se font plutôt rares. « On est toujours surpris de voir que, à un moment où il y a de plus en plus de chômeurs, des postes restent vacants. Mais on se rend aussi compte au quotidien que ce n’est pas si facile de relier les deux, fait-il remarquer. Nous quand on diffuse une annonce, on n’a pas tant de retours que ça. » En cause selon lui, d’abord le fait que son entreprise soit installée en Seine-Saint-Denis : « il y a des gens réticents à venir, c’est certain. Alors qu’on n’a pas plus de problèmes d’insécurité ici qu’ailleurs ». Mais aussi le fait qu’il s’agisse d’une PME. « On vend tellement aux gens l’idée que l’avenir n’appartient qu’aux grands groupes qu’ils hésitent à signer chez nous. »

Pascal Peyroutas sait de quoi il parle. Il a travaillé 21 ans dans la même multinationale spécialisée dans les produits d’entretiens avant de tout quitter pour diriger cette entreprise de 33 salariés. « J’avais 50 ans quand j’en suis parti. Et je ne me voyais pas passer là-bas encore 15 ans de ma vie professionnelle, raconte-t-il. J’avais envie de faire autre chose. J’avais l’impression même à un poste d’encadrement d’avoir de moins en moins de responsabilités et d’autonomie : tout était de plus en plus piloté loin de nous, par l’international. » Lui s’enthousiasme pour sa petite entreprise où il dit prendre « goût au quotidien à son travail ». « Avant, j’étais dans le même secteur, mais je ne voyais jamais un produit ! Ici je suis toute la chaîne : le commercial, les achats, la comptabilité, la logistique. Le matin, mon plan de travail n’est jamais le même, c’est beaucoup plus vivant. » Son entreprise a en effet fait le choix de sous-traiter le moins possible et dispose ainsi, au-delà des services commerciaux, de son propre entrepôt et de son service de logistique et de livraisons, juste au bout du couloir de son bureau.

Pascal Peyroutas dans l'entrepôt de stockage des produits et outils d'entretiens distribués par son entreprise. © E.R

Pascal Peyroutas dans l'entrepôt de stockage des produits et outils d'entretiens distribués par son entreprise. © E.R

Pascal Peyroutas insiste aussi sur l’importance pour lui de travailler dans un contexte agréable, où « l’on n’a pas à mentir ou à se méfier du personnel ». Et où la tendance n’est pas à la réduction chaque fois plus forte des effectifs : « dans le groupe où j’étais, j’ai connu de nombreux plans de suppressions de postes ». Aujourd’hui, bien que le contexte de crise et l’incertitude de la période électorale aient freiné les investissements des clients depuis le début de l’année, la PME se porte bien, et ne songe pas à renoncer aux deux contrats en alternance qu’elle espère recruter. « Certaines entreprises pourraient embaucher mais préfèrent tirer sur la corde, en attendant un contexte plus favorable, juge-t-il. La bonne entreprise c’est celle qui arrive à prendre en compte les deux aspects : économique et social. »

Implantée sur un territoire où le taux de chômage est nettement au-dessus de la moyenne nationale, l’entreprise s’enorgueillit de voir la plupart de ses salariés vivre sur le territoire de la communauté d’agglomération, et c’est d’abord dans ce bassin d’emploi qu’elle cherche à recruter. « Une part importante de nos employés sont chauffeurs-livreurs. Pour qu’ils puissent être là à 6h30 le matin, c’est un avantage pour nous s’ils habitent le secteur », explique Pascal Peyroutas. C’est ainsi plutôt logiquement qu’on compte une dizaine de nationalités différentes parmi les effectifs (portugais, tunisien, algérien, roumain, vietnamien, anglais…) , à l’image des populations vivant dans les villes alentours.

Dans l'entrepôt de l'entreprise Cottrez, à La Courneuve © E.R

Dans l'entrepôt de l'entreprise Cottrez, à La Courneuve © E.R

« Je suis convaincu qu’il y a vraiment là un axe de travail pour créer des emplois : en aidant les PME, on peut développer tout un tissu local qui contrebalancera la tendance aux réductions d’effectifs dans les grands groupes », affirme, convaincu, le directeur général qui ajoute : « Je crois qu’il y a eu une vraie prise de conscience, on l’a vu dans la campagne électorale, du fait qu’on a besoin d’un tissu de PME pour porter l’activité économique. Cette fois, je crois que cela ne restera pas un vœu pieu. » Si l’arrivée des socialistes au pouvoir a effrayé nombre de chef d’entreprises autour de lui – « je n’en connais aucun qui ait encore fait ses bagages » –, lui regarde cette alternance politique de façon relativement sereine. « Depuis 30 ans que je travaille, le fait que le gouvernement soit de droite ou de gauche n’a jamais changé fondamentalement la vie au sein de l’entreprise, estime-t-il. Les entreprises ne doivent pas lier leur destin à un gouvernement de gauche ou de droite. L’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires, votée sous Nicolas Sarkozy, nous a bien aidés. Mais si la gauche supprime cette mesure, il y aura sans doute un autre dispositif qui nous aidera autrement. »

A.L


Retour à La Une de Logo Paperblog