Magazine Humeur

Sur l’économie (un)

Publié le 23 juin 2008 par Saucrates
Réflexion quatre (13 avril 2007)
Les multinationales, les délocalistations et la justice

Je pense qu'il y a une Justice en économie. Non pas une justice humaine, même si celle-ci existe mais ne soit pas toujours juste, mais une Justice Divine.
Il me suffit de voir les différents problèmes judiciaires que rencontrent notamment la multinationale Danone en Inde et en Chine ! Voilà de grandes entreprises françaises, qui ont choisi depuis quelques décennies de produire de plus en plus à l'étranger et de délocaliser leur production industrielle hors de France pour grossir, pour prendre des parts de marché, et pour demeurer rentables.
Mais dans quel intérêt ses grands groupes choisissent-ils cette politique ? Conserver de l'emploi en France ? Etre capable d'être des prédateurs sur les marchés boursiers au lieu d'être des proies, pour que leur capital demeure 'français' ? Balivernes que tout cela ! Ces groupes ne visent réellement que le seul intérêt de leurs équipes de direction, de leurs dirigeants, et même pas de leurs equipes d'encadrement qui sont également ignorées, même si on leur demande de défendre un certain nombre d'idées (même pas d'idéaux).
Dans quel modèle de société vivons-nous pour que seules les volontés d'une miniscule minorité d'entre nous puissent s'imposer à toute une entreprise, à toute une société, à tout un système social ?
La Justice viendra de la justice humaine. Nous avons des groupes internationaux qui délocalisent à tout va pour prendre des parts de marché. Bourbon, par exemple, dans le transport maritime, qui transfère ces activités en Thaïlande ... Majorette qui transférait ces usines de production à l'étranger, pour ne plus garder que quelques dizaines d'emplois en France ...
Mais ces groupes s'implantent dans des pays dont ils ignorent les usages économiques et culturels ... dans des pays qui ignorent nos règles de droit commercial ou de droit civil. Ainsi, Danone est actuellement poursuivi judiciairement en Inde par le groupe indien 'Britannia Industries' au sujet des droits internationaux de commercialisation de la marque de biscuits Tiger (selon le Financial Times).
Pour information, la marque Tiger a été créée en 1995 par Britannia Industries, une société de biscuits indienne cotée à la Bourse de Bombay, et détenue à 51% par le groupe agroalimentaire français, le solde appartenant au conglomérat indien Wadia. En 2004, Britannia a découvert que Danone vendait des biscuits sous la marque Tiger en Indonésie, Malaisie, à Singapour, au Pakistan ou en Egypte et avait déposé la marque dans près de 70 pays. Selon la plainte déposée, Danone n'aurait pas averti le conseil d'administration de Britannia, ce que Danone dément. Le groupe serait par ailleurs en négociation avec Wadia au sujet de la propriété de Britannia.
Danone connaît aussi des déboires en Chine, où le groupe a engagé des poursuites judiciaires (pour rupture de contrat) à l'encontre d'un de ses partenaires chinois (Zong Qinghou), qui leur avait permis de fonder la coentreprise Wahaha. Danone détient 51% de Wahaha, qui est basé dans la province de Hangzhou, dans l'est de la Chine. Le groupe français estime que Zong Qinghou a violé les accords commerciaux conclus en 1996 en commercialisant des produits sous son nom.
Des procès de ce genre suffiront-ils à réguler le capitalisme occidental, à l'empêcher de broyer les individus dans nos sociétés occidentales et dans les pays en développement ? Ce n'est pas sûr. Les 'nouvelles' valeurs éthiques derrière lesquelles ces groupes essaient de masquer leur inhumanité inchangée, l'inhumanité de leurs dirigeants et leur soif inextinguible d'enrichissement ne sont que des paravants censés nous faire accroire qu'ils ont changé, un costume publicitaire, un peu comme le loup dans la fable du petit chaperon rouge ... une société éthique avec de grandes oreilles et de grandes dents ...
La régulation ne pourra venir que de nous ? Nous sommes en fait leur faiblesse. Pour se développer à tout crin et détruire nos emplois, ces groupes ont introduit la plus grande partie de leur capital en bourse. Pour cette raison, il est idiot de dénoncer les actionnaires arrogants de ces groupes obèses. Nous sommes leurs actionnaires ! Nous tous, occidentaux, en direct, à travers des fonds communs ou à travers nos caisses de retraites ou nos edges funds. Lorsque ces groupes licencient pour faire grimper leurs cours de bourse, lorsqu'ils délocalisent, c'est en fait pour notre bénéficie en tant qu'actionnaire. Il nous faut en fait reprendre le pouvoir dans ces sociétés, pour que l'humain retrouve une place dans ces entreprises !
Réflexion trois (16 décembre 2006)
Du capitalisme en Chine

Le journal 'Le Monde' traitait mardi 12 décembre 2006 du débat qui agite l'état chinois, au sujet de l'origine de la fortune de ses plus célébres entrepreneurs millionnaires. Comme le cite l'article du Monde, "Faut-il leur pardonner de s'être enrichis par des moyens pas toujours légaux ?" Par journaux (chinois) interposés, partisans des vues néolibérales et partisans du courant dit de "nouvelle gauche", soucieux d'un rééquilibrage social, croisent régulièrement le fer.
Plusieurs millionnaires chinois ont déjà été condamnés par la justice chinoise. En septembre 2006, elle avait condamné Zhang Rongkun, 16ème fortune de Chine, pour avoir financé ses entreprises grâce aux fonds de pension de Shanhaï. En décembre 2006, elle condamnait à la prison à vie Zhou Yiming, 32 ans (le plus jeune des millionnaires chinois, pour obtention frauduleuse de prêts bancaires. Hang Guangyu, fondateur de Gome, première fortune de Chine en 2006 selon Forbes, est également suspecté par la Sécurité publique chinoise du non-remboursement d'un prêt de 165 millions de dollars accordé par la Bank of China.
D'après l'article du Monde, ces problèmes trouvent leur origine dans l'organisation du système économique et politique chinois, qui a longtemps privé les entreprises privées de l'accès aux financements bancaires et à une protection juridique appropriée. Elles étaient alors obligées de recourir à des méthodes illégales, telle la corruption pour obtenir des prêts ou des licences d'activité.
Ces débats et ces condamnations reposent le problème de l'importance d'une stabilité politique pour le développement du capitalisme. Les pays occidentaux bénéficient ainsi d'une stabilité juridique, et d'une égalité formelle devant la loi, dont l'influence est déterminante pour le développement du capitalisme. Par le passé, avant la mise en oeuvre de système démocratique, il faut se rappeler que tout homme d'affaires qui s'enrichirissait courrait le risque de provoquer la colère de son suzerain. C'était le cas dans tous les états africains, où le roi spoliait facilement les biens de tout sujet dont la richesse approchait la sienne. Cela a aussi été le cas de Fouquet sous Louis XIV qui a été accusé de s'être enrichi aux dépens de la couronne et a été embastillé puis ruiné sans aucun procès.
La Chine est aujourd'hui dans le même cas, comme d'autres pays comme la Russie. Leur système judiciaire est-il capable de fonctionner de manière indépendante du pouvoir exécutif et des pressions du peuple, ou est-il inféodé aux décisions d'une caste, d'un parti ou d'un homme ? Ce n'est manifestement pas le cas aujourd'hui en Chine. Le risque, c'est de rendre dangereux l'enrichissement personnel.
Risque ou bien avantage ? Est-il vraiment important qu'il y ait des millionnaires dans un pays, lorsque la grande majorité des habitants sont terriblement pauvres. Il y a une époque où la richesse me paraissait être un crime. Le problème de cette criminalisation aléatoire de la richesse, c'est que le capitalisme ne peut pas fonctionner dans de tels états. L'Afrique, où cette spoliation était la normalité, n'a jamais décolé économiquement. La France absolutiste ne s'est pas non plus développée économiquement, à la différence de l'Angleterre à la même époque qui avait mis en oeuvre une charte des droits civils pour ces sujets, qui les mettaient à l'abri de l'arbitraire de leur suzerain.
Une justice indépendante, un droit inaliénable et commun pour tous, sans distinction, est la première nécessité pour une démocratie et pour obtenir un développement économique équilibré. Evidemment, on me dira que la justice française ne traite pas les pauvres de la même manière que les riches, et que le capitalisme écrase ou fabrique les pauvres au bénéfice des riches. Le capitalisme est une construction à l'usage des riches, au détriment des pauvres. Mais le capitalisme a aussi réussi à constuire une classe moyennement riche, moyennement heureuse, dans le monde occidental. Tout le débat est résumé ici. Cette classe moyenne est-elle une aberration du système, une anomalie historique en voie de disparition, ou bien est-ce un élément normal, amené à se développer dans toutes les économies en voie de développement, la norme du capitalisme.
Si c'est le cas, il est important de mettre en oeuvre une justice indépendante, impartiale et mesurée. Sinon, on peut peut-être envisager de criminaliser la richesse des millionnaires partout dans le monde.
Réflexion deux (10 août 2006)
Capitalisme et philosophie chinoise

Le propre de la pensée chinoise, par opposition à la pensée occidentale, est de considérer la réalité comme une donnée objective, vis-à-vis de laquelle l’homme ne dispose que d’une seule option : s’adapter. Par opposition, la pensée occidentale croit en la possibilité de la révolution, de la modification fondamentale de la réalité, afin de la faire ressembler à ce que l’homme souhaite.
Il est drôle dans ce contexte de se rappeler que la Chine vécut malgré tout une révolution marxiste léniniste de grande ampleur. Il est également drôle de se rappeler le concept de révolution culturelle mis ensuite en avant par Mao Tsé Toung pour conserver le contrôle du parti communiste.
Mais cela explique peut-être le processus actuel de libéralisation rampante de la société communiste chinoise, sans révolution ni remise en cause des dogmes marxistes et maoïstes sur lesquels la Chine continue de reposer. Cela peut ainsi éclairer l’apparente chizophrénie du pouvoir communiste chinois parfois diagnostiquée par des observateurs étrangers.
L’âme ou la pensée chinoise ne pense pas la révolution comme un moyen honorable d’atteindre un but. Ce qui compte n’est pas tant l’atteinte du but fixé mais le chemin utilisé pour y parvenir. D’où l’impressionnante patience de ce peuple pluri-millénaire, pour nos yeux d’occidentaux pressés. Et au fil du chemin apparaissent parfois d’autres possibilités, qu’un esprit pressé d’atteindre son but, quels que soient les moyens utilisés, n’aurait pas envisagé.
La Chine va peut-être réussir ainsi à conjuguer libéralisme et communisme d’une manière harmonieuse. Elle obtient déjà une croissance économique exceptionnelle, de l’ordre de 10% par an. Mais la croissance est-elle une bonne mesure de la réussite économique et sociale d’un pays ? A côté de cette croissance effrénée, des centaines de millions de chinois vivent dans des conditions de misère insupportable, certain(e)s étant enfermé(e)s (parqués) dans des ateliers (usines/prisons) de fabrication.
La Chine, sans révolution, marche à pas forcé vers un capitalisme sans âme, sans protection sociale, ce capitalisme que notre occident a connu au cours du dix-neuvième siècle, à une époque également où nos sociétés bénéficiaient de taux de croissance économique très élevés (accompagnés cependant de violentes récessions économiques). Et c’est la principale différence entre nos deux époques, le fait que la Chine puisse aujourd’hui bénéficier de nos connaissances techniques et financières, auprès de nos firmes multinationales, connaissances que nous avons apprises au prix de tant d’erreurs et d’accidents (dont la crise économique de 1929). Et ce sont ces connaissances qui lui permettent de connaître une telle expansion économique pratiquement inarrêtée, sans récessions et faillites bancaires en cascade.
Le rattrapage de développement que l’Occident appelait de ses voeux existe donc effectivement, malgré les échecs répétés enregistrés en Afrique. La Chine en est un bon exemple, tout comme Taïwan auparavant, Singapour ou bien l’Inde.
Oublier le concept de révolution et de grand soir des travailleurs. A la place, tenter d’appréhender l’économie et la mondialisation des échanges comme des réalités indépassables, les comprendre et envisager les possibles adaptations des gens, des groupes et des structures pour en améliorer le fonctionnement et la distribution des richesses.
Réflexion une (1er mai 2006)
Délocalisations et contrefaçons

Des français rentrant de vacances à l’étranger sont régulièrement condamnés par les douanes françaises pour détention de produits dits de contrefaçon, achetés à moindre coût sur leur lieu de vacances. Que faut-il en penser ?
Prenons le cas des produits textiles (Lacoste, Ralph Loren) qui représentent une forte proportion des prises des douanes, il me semble utile de réfléchir aux raisons expliquant la production de produits presque conformes aux originaux dans certains pays en développement. Il y a plusieurs dizaines d’années, ces sociétés ont eu à choisir entre maintenir leur production en France, ou bien délocaliser (ou sous-traiter) cette production à des pays à faible coût de main d’œuvre (Maurice, Asie de Sud Est). En choisissant pour des raisons économiques de délocaliser leur production pour réaliser de plus grands profits, elles ont également été obligées de transférer leurs secrets de fabrication à leurs nouveaux fabricants.
N’est-il pas aberrant aujourd’hui d’entendre ces mêmes sociétés se plaindre d’être copiées à moindre coût, et de voir les douanes françaises les protéger en faisant la chasse aux touristes et aux produits de contrefaçons ? Si ces sociétés ne voulaient pas être copiées, peut-être n’aurait-il pas fallu qu’elles délocalisent en transférant leurs secrets de fabrication, mais qu’elles conservent leurs usines et leurs salariés en France. N’appelle-t-on pas cela vouloir gagner sur tous les plateaux ? Ou avoir le beurre, l’argent du beurre, et l’estime de la crémière ?
Cela ne concerne pas seulement les grandes marques d’habillement. NIKE ne produit pas ces chaussures de sport elle-même, mais les sous-traite en Asie du Sud Est pour un coût de production de 10 dollars, pour les revendre après avoir apposé sa griffe plus de 100 dollars. La différence ? Les salaires des dirigeants, des quelques employés qui restent dans la société, et les publicités et contrats de sponsoring pour nous conforter dans notre achat. Mais cela concerne également les jouets, et jusqu’aux pneumatiques.
Selon le dictionnaire, la définition du terme ‘contrefaçon’ est : « imitation ou reproduction frauduleuse de l’œuvre d’autrui ». L’usage de ce terme par les douanes françaises est-il conforme ? Je ne le pense pas parce que ce sont souvent les mêmes fabricants qui alimentent le marché local à bas coût et en même temps produisent comme sous-traitants pour les grandes marques occidentales. Et même dans le cas où il s’agit d’un ancien sous-traitant remercié (pour cause de nouvelle délocalisation vers un pays à plus faible coût de main d’œuvre), il ne s’agit toujours pas de contrefaçons puisqu’il ne s’agit toujours pas d’imitations.
Il est donc regrettable que le gouvernement nous tienne un discours moralisateur sur les pertes causées par la contrefaçon aux industries françaises, et que les douanes françaises se transforment en bras armés du capitalisme français délocalisateur. Ils seraient peut-être plus utiles à protéger les citoyens français des exportations d’emplois et des délocalisations.
Saucratès

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