Bon ben c'est l'été. Oui, j'adore balancer des platitudes météorologiques sans intérêt, disons c'est ma modeste contribution à la fan-attitude du groupe
méconnu mais ô combien utile des adorateurs d'Evelyne Dheliat.
C'est l'été donc, mais je ne te ferai pas l'affront de te jeter à la figure un article rempli de "kikou-lol" dans
lequel je dégoiserais à profusion sur les petites abeilles qui viennent butiner les deux ou trois marguerites pourries rescapées du gasoil qui poussent vaillamment sur le bord du périph', ou sur
les congés payés qui approchent et le bonheur d'aller se choper un cancer de la peau sur une plage de merde tellement noire de monde que tu passes trois heures à chercher la flotte (et quand tu
la trouves, si elle est suffisamment chaude, cherche pas, c'est que ton voisin de vague vient de pisser dedans). Non.
Je me refuse à faire de la démago de bas étage dans le seul but, vil s'il en est, de m'attirer des visiteurs et d'augmenter
mes statistiques en surfant sur un sujet brûlant qui, à cette époque de l'année, concentre l'essentiel des mots-clés avalés par les moteurs de recherche de la planète (essaie "sable chaud colle
aux couilles", "tourisme sexuel" et "baiser Pamela Anderson plage" sur Gogol, tiens). Nan, en fait je déconne, je suis une petite arriviste de bas étage et je suis prête à aborder n'importe quel sujet, pourvu qu'il soit
populaire. Dans mon inextinguible
soif de pouvoir et de popularité, je suis d'ailleurs à la recherche d'un boulot grassement rémunéré qui me donnerait
enfin l'occasion de me vautrer en permanence dans la fange tout en étant payée pour le faire.
Et tu sais quoi? Je crois que j'ai trouvé. Merci à Libération, d'ailleurs, d'être devenu un journal de merde servant la soupe à Carla Bruni et taillant langoureusement des pipes à son
époux.
Parce que sans Libération, jamais je n'aurais découvert le métier pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur, la
profession que je vais m'empresser d'étudier à fond afin de m'y reconvertir confortablement et de laisser tomber toutes ces conneries sur la solidarité, le souci de l'Autre et le dévouement
sanitaire.
Or donc, dans Libé, c'était l'histoire d'une nana qui, depuis trente ans, exerce le métier de
coach.
C'est quoi, un coach?
C'est toi, c'est moi, c'est le garagiste du coin de la rue, qui un beau jour décide de s'auto-proclamer "spécialiste en développement personnel".
Ben oui, parce qu'il n'y a pas de diplôme de coaching, et c'est ça qui relève du Divin.
Tiens, cette brave dame, elle le dit elle-même sur son site web:
"Une Life et Love coach du 21ème siècle nouvelle génération, et ce depuis plus de 20 ans!
Totalement passionnée, et investie dans son métier, elle permet à tout un chacun de se retrouver sur tous les plans :
personnel, professionnel, familial, social et émotionnel."
Et de nous donner un sacré paquet de références dans sa revue de presse: Voici, VSD, Femina, Elle, sans parler de TF1 (Le droit de savoir), de
Mireille Dumas, de Jean-Luc Delarue (une pointure s'il en fut), qui l'ont tous invitée pour parler de son job et de ses "80% de réussite".
Oui, parce que Madame affiche tout de même 80% de réussite.
De réussite à quoi?
Ben, 80% de ses clients ont trouvé un partenaire amoureux.
Et en extrapolant, je suis sûre que 80% ont aussi trouvé le job de leur vie.
Ou les amis qu'il leur faut.
Ou le style vestimentaire qui leur correspond.
Vu qu'elle propose de coacher dans le domaine amoureux, professionnel, social, elle fait même du relooking,
dis donc, et s'il le faut, je pense qu'elle sera prête à te coacher jusqu'au chiottes et à t'aider à découvrir la plus rentable des façons de faire caca.
C'est balèze, non?
Bon, évidemment, c'est pas tout à fait gratuit.
En premier lieu, le client potentiel doit rédiger un "mémoire", entre 50 et 150 pages, qui raconte (je cite) "son parcours, depuis ses premiers souvenirs d’enfance, à aujourd’hui, les personnes, femmes et hommes, qui l’ont marqué de façon positive ou négative, qui l’ont aidé à se
construire, puis, si la demande est celle d’un coaching émotionnel (amoureux), raconter ses plus importantes histoires de vie, d’amour (rencontre, positif et négatif de la relation et
rupture), sa vie professionnelle, etc ..."
Ensuite, un petit entretien, sans fioritures, histoire de savoir ce que la coach pense de ta situation personnelle.
Vu qu'elle s'est fadé ta prose (ça doit demander un certain courage, quand même), elle te facture (au forfait, bien sûr) 600 euros hors taxe.
Ensuite, tu peux décider de laisser tomber (vu que ton compte en banque se retrouve graduellement dans le rouge) ou bien de commencer le coaching.
A ce moment-là, madame te prendra 100 euros (hors taxes) de l'heure.
Par exemple, pour un coaching "environnement professionnel", elle te compte un total de 10 000 euros, payables d'avance bien sûr.
C'est moins cher si tu choisis l'option "Affirmation de soi dans un nouvel environnement social": seulement 7400 euros (hors taxes), et en plus, le relooking est offert.
C'est pas une super promo, ça?
- Coach...vous savez...j'ai du mal, au bureau, surtout à la machine à café.
- Mmmmoui? Racontez-moi ça.
- Ben, toutes mes collègues papotent comme si elles étaient de la même famille, et moi je me sens exclue...différente...à part, quoi.
- Mmmmoui, je vois. Classique. La solution c'est bien évidemment d'arrêter de lire ces horribles choses rectangulaires qu'on appelle des "livres". Pour vous intégrer, je vous recommande une
lecture assidue de la presse féminine et un visionnage quotidien des émissions de TF1, parce qu'à partir d'aujourd'hui, je vous le dis tout de suite, ARTE c'est fini!
- Et de grâce, arrêtez de penser. A notre époque, c'est complètement has been et pas du tout hype.
C'est pas un métier d'avenir, ça, peut-être?
Mon pote, avec ce qui s'annonce dans les mois qui viennent, les cancéreux qui pourront plus payer leurs anti-nauséeux après la chimio, les téléspectateurs de France 2 subjugués par le retour à l'ORTF, les petits vieux qui recommenceront à bouffer du Ronron quand on leur aura sucré leurs allocs' et un bon quart de la population qui sera en taule, les gens seront tellement dans la merde qu'ils seront prêts à tout pour retrouver un minimum de joie de vivre.
Et c'est là qu'interviendra le coach, qui les soulagera de leurs derniers euros en leur souriant avec la bienveillance et la compassion d'un vautour quand il contemple un buffle agonisant.
Par conséquent, c'est à ce moment-là que je plaque mon job d'infirmière et que je lance dans une carrière fulgurante, adhérant par la même occasion à l'UMP. J'ouvre un compte en Suisse sur le conseil d'un député qui fraude le fisc depuis trente ans, puis je deviens citoyenne monégasque. Ducasse et moi, on monte la plus grosse arnaque du siècle en proposant aux riches connards des plats pour anorexiques facturés mille euros l'assiette et une séance de coaching alimentaire à deux mille euros. De plus en plus riche, je nage dans les billets verts et dans la coke, je participe à toutes les soirées branchées du 7e arrondissement, je fais de la lèche à Arthur et je passe à la télé. Je rencontre Nicolas Sarkozy, qui me confie la gestion du coaching global de la population française (utilisation massive des jeux à gratter, du football, du salon de l'auto, du pastis et du poujadisme de base afin d'amener la conscience populaire à encore plus de débilité primaire) jusqu'au déclenchement prévisible de la Troisième Guerre Mondiale, qui a lieu deux jours avant l'arrivée des extraterrestres débarqués du trou du cul de la banlieue de Jupiter. ..... Bon. Je te l'accorde. J'aurais pas dû regarder Le dernier roi d'Ecosse, ça m'a porté sur le système, cette histoire de jeune médecin idéaliste parti en Afrique et qui finit par vendre son âme et devenir le conseiller personnel de ce boucher d'Amin Dada dans les années 70 (avant de le payer très, très cher, d'ailleurs). Au temps pour moi.Ce soir, ce sera Envoyé Spécial, avec un reportage dramatique sur la crise de la mozarella.