Certains comparent déjà Emmanuel Macron au capitaine Haddock : ce n’est pas très sympathique… Pour le capitaine Haddock qui, certes, est loin d’être un modèle d’amabilité mais a su élever, lui, la science de l’insulte au rang d’art majeur ! Avouez que « moules à gaufres », « satrapes » et « bachi-bouzouks », ça a quand même une autre gueule que les jurons d’amateur que notre président a lancé depuis Athènes : « fainéants », « cyniques », « extrêmes »… Pas de quoi casser cinq pattes à Milou ! S’il n’a trouvé que ça pour fustiger ceux qui manifestent contre ses projets, il va être vite démuni quand il faudra discuter avec les syndicats. A moins, bien sûr, qu’il reste sourd à la contestation et alors c’est plutôt à Tournesol qu’il faudra le comparer !
Il faut cependant reconnaître un mérite à ce gouvernement : grâce à lui, depuis la rentrée, on parle des vrais problèmes, c’est-à-dire de l’emploi et des conditions de travail et non plus de l’immigration et des « racines chrétiennes » (et mon cul, c’est le corps du Christ ?) de la France. On sort quand même de cinq années où l’extrême-droite en général, et le Front National en particulier, s’était arrogé le quasi-monopole de la contestation en France : il n’y a pas si longtemps encore, le débat politique et social s’enlisait encore dans des questions aussi inutiles que nauséabondes comme la place de l’Islam ou l’identité nationale. Les ordonnances Macron ont beau être inadaptées, elles auront au moins eu le mérite, même si c’est malgré elles, de recentrer le débat : les travailleurs vont à nouveau se mobiliser contre les exploiteurs au lieu de casser de l’immigré, la France Insoumise est bien partie pour remplacer le FN dans le cœur des déçus du système, et ça, c’est déjà très bien !
Un petit bémol quand même : vis-à-vis de LFI, je suis comme François Béranger vis-à-vis de la gauche française des années 1970 : « la seule chose qui m’inquiète, c’est le mec qui se trouve à leur tête, car plusieurs fois par le passé, il a sa veste retournée ». Tenez, lisez les propos suivants : Oui, je sais, ce n’est sans doute pas le plus honnête ni le plus sincère, il a un lourd passif derrière lui, mais au moins c’est quelqu’un de brillant et cultivé, il est bon orateur et il connaît bien les rouage du pouvoir, même les gens de droite le respectent, c’est le moins mauvais de tous nos leaders potentiels. Vous avez dix secondes pour me dire si la personne qui vient de parler était un soutien à François Mitterrand de 1974 ou un soutien à Jean-Luc Mélenchon d’aujourd’hui…
Pour revenir à notre jeune président, celui-ci ne manifeste pas plus d’imagination dans son vocabulaire que dans ses méthodes : à l’instar de ses prédécesseurs, il s’arrange pour être hors de métropole dès qu’il y a une manifestation à peu près importante ! Vous me direz qu’il est parfaitement légitime qu’il aille au chevet des sinistrés victime de l’ouragan Irma : je vous répondrai qu’en temps normal, nos chefs d’Etat successifs ont montré un intérêt plus que limité pour les habitants des DOM-TOM, toujours considérés comme des citoyens de seconde zone. La vérité est que cette catastrophe climatique arrange bien notre président qui a un prétexte en béton armé pour remettre à plus tard une éventuelle confrontation avec les syndicats : il ne fait donc guère preuve de courage ni même d’imagination, deux qualités qui lui seraient pourtant bien utile pour « réformer » le pays comme il dit en avoir l’intention… La France Insoumise et les syndicats n’ont pas un adversaire spécialement redoutable, on dirait !