« Comment tu veux changer la vie si tu balises pour ton bien ? » (Renaud)
« Quand on exécute au mois de mars, de l’autre côté des Pyrénées, un anarchiste du Pays Basque pour lui apprendre à se révolter, ils crient, ils pleurent et ils s’indignent de cette immonde mise à mort mais ils oublient que la guillotine, chez nous aussi, fonctionne encore. » Cette vieille canaille de Renaud chantait cela sous Giscard : en 2007, jugeant que ses concitoyens n’avaient pas fait le moindre progrès en trente ans, il chantait exactement la même chose, remplaçant juste les deux derniers mots par « ça plaît encore ».
Ce couplet reste d’actualité : il y a présentement une quasi-unanimité pour condamner la répression dont le vote catalan a fait l’objet, l’indignation suscitée par ces images de violence disproportionnée est telle que l’enjeu du scrutin, qui est tout de même l’intégrité du territoire d’un Etat, est pour ainsi dire oublié ; mais parmi les bonnes âmes qui plaignent les citoyens tabassée par la Guardia Civil, combien ont la même réaction quand des faits similaires se déroulent chez eux ? Est-ce qu’ils s’émeuvent tout autant quand, en France, des contestataires pacifiques se font charger par les CRS ? Les entend-on pousser les hauts cris quand les opposants à la loi travail ou les zadistes sont traités comme des criminels par les forces de l’ordre ?
En fait, cette vague d’indignation est révélatrice d’une mentalité très courante, celle du type qui veut bien, comme dans la chanson de Fugain, « que ça change et que ça bouge » tant que ça ne menace pas son petit confort : il est d’accord pour qu’on loge les immigrés mais il n’en veut surtout pas dans son voisinage, il veut bien que les homosexuels aient les mêmes droits que les hétérosexuels mais il tuerait son fils s’il apprenait qu’il était gay, il est pour l’écologie à condition qu’il puisse continuer à bousiller les terres cultivables pour y faire construire son pavillon avec garage pour deux bagnoles… Bref, il est pour le changement tant que ça ne le concerne pas : la révolution, d’accord, mais pas chez lui, et s’il sent que ça le concerne aussi, il appelle les flics. La contestation chez les autres, d’accord, mais, chez lui, priorité à l’ordre et à la sécurité : l’autonomie pour les Catalans, d’accord, mais les autonomistes corses, des terroristes ! Barack Obama président des Etats-Unis, d’accord, mais en France, il faut voter Nicolas Bush ou Emmanuel Trump ! La révolution en Tunisie, d’accord, mais alors que les Arabes restent entre eux et qu’ils ne viennent pas répandre leur mauvais esprit chez nous, sinon on les expulse ! L’écologie, d’accord, mais alors chez les pauvres : nous, nous sommes des occidentaux, nous avons tous les droits, alors laissez-nous bétonner Notre-Dame-des-Landes et foutre ces sales zadistes en taule !
Non, ne m’accusez pas de faire du french bashing : je sais très bien que les Français n’ont pas le monopole de cette mentalité – après tout, la bêtise n’a pas de frontières. Mais quelles que soient les latitudes sous lesquelles elle se manifeste, reconnaissez qu’elle est mesquine. Vous ne trouvez pas ?