Si tu lis parfois le blog de ma femme, tu as peut-être saisi la subtile allusion qu'elle a réussi à placer il y a peu, sous le prétexte fallacieux de me brosser dans le sens du poil.
Allusion à un prochain déménagement.
En Bretagne.
Là où que l'air est pur, la cervoise bien fraîche et le porc omniprésent.
(ah non, on me signale que c'est l'omniprésence "des ports", parce que ça fait tout de suite plus aéré, ce côté brise marine salée, ces embruns sauvages...alors que les élevages de Sus scrofa domesticus, ça pollue la nappe phréatique et ça donne tout de suite une image plus cochonne).
Moi, j'en ai tellement plein le cul de Paris, de sa banlieue pourrie, de son métro rempli de joueurs de flûte de pan et de vigiles à la matraque toujours en érection, que tu imagines bien que je ne vais pas dire non.
Même si, quelque part, ça m'angoisse un peu de tout plaquer pour partir m'installer au pied d'un menhir, chasser le mammouth dans la forêt de Brocéliande avec une sagaie et cuire le steak du-dit mammouth sur un feu de bois entre deux prières enfiévrées adressées au dieu Lug, le cul à l'air sous un rayon de lune.
Mais passons.
D'autant que la Bretagne, j'en avais parlé aux premiers jours de ce blog.
Même que ça m'avait attiré le tout premier commentaire d'un étrange blogueur qui n'allait pas tarder à devenir un pilier en ces pages, et accessoirement mon frère de sang (après un rituel occulte et innommable dont je ne te parlerai pas ici, des fois que tu serais mineur et encore relativement innocent).
La Bretagne et ses autochtones, j'en disais à cette époque à peu près ceci:
La Bretagne, toujours d'après l'emmerdeuse qui n'y connaît rien, est une région remplie de fées qui portent des coiffes en dentelle et s'écrient "Ils nous ont volé not' recette! Pirates!". On y trouve un petit village qui résiste encore et toujours à l'envahisseur, du cidre et des mecs avec des costumes bizarres qui dansent au clair de lune. Bretons et Normands se déchirent depuis la Préhistoire, vu que le Mont Saint Michel est un attrape-touriste de première bourre, et que celui qui contrôle le Mont récolte la thune des Japonais en mal de vieilles pierres.
Bon, évidemment, c'est tout faux. La Bretagne, c'est d'abord des putain de paysages qui donnent envie de se faire appeler Le Guen et de s'établir définitivement à Peros Guirec.
Le Breton.
Ma foi, le Breton est un autochtone qui aime s'exprimer par bâche en plastique interposée. Faut voir le nombre de messages qu'on peut lire sur les routes de campagne, écrits à la peinture blanche sur des toiles cirées!
Messages politiques ("Merde aux déchets sur les landes!") et messages personnels ("Hascoët il a une petite bite"). Le Breton est souriant mais pas très causant. Il sait t'accueillir, en tout cas. Il ne te cherche pas d'emmerdes.
M'est avis qu'il faut pas non plus lui en chercher. La forêt bretonne est connue pour ses korrigans, lutins et fées. En s'y promenant, on s'émeut de trouver quelques vestiges de la vie gauloise, et on se dit que les Druides étaient des branleurs, vu qu'ils étaient infoutus de terminer une simple cabane en bois. Ils devaient sans doute aller se bourrer la gueule au chouchen dans une boîte locale, mais tout ça c'était avant que Clovis Cornillac et Gérard Depardieu ne décident de ruiner définitivement la réputation d'Astérix et Obélix en les faisant passer pour deux gros blaireaux avec un quotient intellectuel équivalent au prix moyen d'une passe au Bois de Boulogne.
La Bretagne, donc, ses galettes de blé noir, son air pur, ses menhirs mystérieux. Au fait, pour les menhirs, en fait ce ne sont pas des pistes d'atterrissage pour vaisseaux extra-terrestres, il parait.
Dommage, moi je trouvais l'explication assez rassurante, étant donné qu'aucun petit homme vert n'était encore passé nous voir (preuve de leur intelligence supérieure).
La Bretagne a aussi cette particularité étonnante: on ne se fait pas chier dessus.
Enfin, pas par les pigeons. Non, ce sont les mouettes qui te larguent des fientes.
Avoue que c'est tout de même plus classe.
Le truc qui m'embête le plus, si jamais je vais m'installer un jour en Bretagne, c'est qu'il va falloir que j'apprenne plein de nouveaux mots, histoire de faire un blog bilingue sans pour autant abandonner le vocabulaire fleuri, chic et de bon goût, qui fait le succès de celui-ci (non, je ne te dirai pas combien tu es à venir te peler les miches sur ces pages).
Bertrand?
Tu me noteras sur une belle feuille A4 la traduction en breton des mots "putain", "merde", "emmerder", "couille", "connard", "trépané du bulbe", "décérébré", "kikou", "lol" et "enculé".
Merci.