Lundi 4 décembre
19h : Avant de répéter un spectacle, je taille le bout de gras avec la metteuse en scène qui me parle de sa famille dont elle s’est éloignée sans regrets : une famille de catholiques intégristes de la pire espèce avec une conception étriquée de la répartition des rôles entre hommes et femmes… Rien qu’à entendre sa description, je voyais d’ici le visage de la grosse vache rébarbative, à la fois grasse à l’envi et sèche comme un pruneau, qui lui a tenu lieu de mère. Folcoche is not dead ! Quand je mets des personnages de de type dans mes caricatures, on me dit que j’exagère, que les cathos ne sont plus comme ça… J’ai maintenant la preuve du contraire. La seule différence entre les musulmans intégristes et les cathos intégristes, c’est que les seconds ont pignon sur rue et sont courtisés par les médias et les politiciens…
Caligula d’après des descriptions plus sérieuses que celle de Suétone.Mardi 5 décembre
10h : Je prépare, en vue d’un colloque qui aura lieu le mois prochain à Rennes, une communication sur Caligula et je me surprends à avoir de la sympathie pour ce souverain si décrié, ne serait-ce que parce qu’il était très jeune quand il arriva au pouvoir : 25 ans ! Et son prédécesseur, Tibère, est mort à 78, un âge déjà canonique, surtout pour l’époque : passer d’un vieillard taciturne à un jeune homme impétueux, ça a dû faire drôle aux sénateurs romains, les fameux « pères conscrits » qui n’étaient pas de la dernière fraîcheur non plus ! A tel point qu’on peut se demander si l’une des causes du divorce entre ce jeune prince et le Sénat n’était pas justement cet écart générationnel : quand on voit les vieux d’aujourd’hui qui se sentent agressé dès qu’ils voient arriver un type qui semble avoir moins de quarante ans… « Mais professeur, Caligula, il était méchant, il était criminel, il était pervers… » Objection : les trois quarts des faits qui lui sont reprochés par ce vieux con de Suétone sont invérifiables ou présentés de façon incomplète. On prétend qu’il couchait avec sa soeur : le seul fait sur lequel on a étayé cette assertion était son amour, dévorant il est vrai, pour elle ; à ce tarif-là, on pourrait moi-même m’accuser d’avoir fait une partouze avec ma mère, ma grand’mère et mes cousines ! C’est donc interdit, d’aimer sa famille ? On dit qu’il a exécuté l’homme qui l’a fait s’asseoir sur le trône : faux, il s’est contenté de le faire passer en jugement sous un prétexte (sans doute futile, il est vrai) parce qu’il craignait qu’il se retourne contre lui – il avait compris qu’en politique, on n’est jamais trahi que par ses amis, pas mal pour un prince qu’on présente comme un fou ! Du reste, l’accusé s’est suicidé avant même que soit prononcé le verdict ! Pour la petite histoire, saviez-vous comment s’appeler ce citoyen romain qui n’était visiblement pas un modèle de courage ? Il s’appelait… Macron ! Je vous jure ! Vous pouvez vérifier !
11h : J’apprends le décès de Jean d’Ormesson. Bien sûr, je ne souhaitais pas sa mort, mais je mentirais si je disais que je vais regretter de ne plus le voir déblatérer sa bouille de vieux réac sur toutes les plateaux télé : je ne supportais pas son attitude paternaliste envers les progressistes, qu’il avait l’air de voir comme d’éternels ados quelque peu illuminés. J’ai toujours vu en lui un écrivain bourgeois et chiant comme la pluie, je ne vais pas changer d’avis sous prétexte qu’il est mort : étant donnée ma situation sociale, si je me mettais à pleurer l’ancien patron du Figaro, j’aurais l’impression de ressembler à un noir qui porterait le deuil d’un négrier ! Désolé pour ceux que ça choque, mais je garde mes larmes pour le jour où Nadine Monfils, la romancière belge « rock’n’roll », nous aura quittés : heureusement que ce n’est pas demain la veille ! Enfin, j’espère…