Incroyable ! Je vous rappelle que depuis mai dernier, notre président est Emmanuel Macron, un ancien banquier. Bon. Hier, son gouvernement en était encore à chercher que choisir entre deux options, l’une portée par des faiseurs-de-fric-encravatés-propres-sur-eux, l’autre défendue par des gauchos-écolos-cra-cra-chevelus-décroissants. Hier encore et toujours, l’issue d’une telle confrontation, qui plus est arbitrée par un tel exécutif, ne faisait aucun doute pour moi, je me voyais déjà dessiner Macron faisant semblant d’hésiter afin de faire croire qu’il a besoin de réfléchir pour entériner les décisions de la caste dont il est lui-même issu… Et puis l’invraisemblable s’est produit en ce jour du 17 janvier 2018 : c’était à peu près aussi probable que De Gaulle nommant Cohn-Bendit à Matignon !
Cela dit, cette décision est-elle vraiment si étonnante ? Pas tant que ça… Tout d’abord, ce projet était quand même dans les tuyaux depuis 1963 ! 55 ans ! Imaginez que la construction de la maison qu’on vous a promise prenne autant de temps à démarrer : attendriez-vous 55 ans pour dénoncer le contrat qui vous liait avec le promoteur qui vous a floué ? Vous me direz qu’on ne peut pas vraiment comparer une maison individuelle et un aéroport : c’est exact, on se loge à peu près de la même façon aujourd’hui que dans les années 1960 tandis que l’aviation a eu le temps, elle, d’évoluer de manière spectaculaire. Est-ce que, dans les années 1960, il serait venu à l’idée de quelqu’un de maintenir un projet de base à biplans conçue par les frères Wright au début du XXè siècle ? Alors pourquoi s’obstiner aujourd’hui avec un projet d’équipement qui datait de l’époque où l’on croyait encore que les gens se déplaceraient en fusée en l’an 2000 et que Maurice Chevalier et Tino Rossi avaient du talent ?
Mais surtout… Je me rappelle que le regretté Cabu disait régulièrement que Mitterrand n’aurait jamais pu tenir sa promesse d’abolir le service militaire pour la bonne raison que l’armée ne l’aurait jamais pardonné au fin lettré qu’il était et en aurait probablement fait un prétexte pour le renverser : une telle décision ne pouvait être acceptée par les militaires qu’à condition qu’elle vienne d’un homme de « leur » monde, en l’occurrence Chirac, l’élève de Saumur, l’officier de cavalerie, l’ancien volontaire d’Algérie. Pour Notre-Dame-des-Landes, c’est pareil : François Hollande ne pouvait pas prendre sur lui sans risque de décider de l’abandon du projet, les bétonneurs de chez Vinci ne l’auraient jamais pardonné à lui, le corrézien, le provincial ; il fallait que la décision vienne d’un autre faiseur de fric, d’un homme qui sait parler aux capitalistes parce qu’il raisonne comme eux : Macron était cet homme, il peut se permettre de prendre une décision décevante pour les capitalistes parce que ces derniers savent qu’il est clairement de leur monde et qu’il ne cherche donc pas à leur nuire.
Conclusion : en abandonnant le projet d’aéroport, le gouvernement a d’abord cherché à éviter à l’entreprise Vinci de jeter de l’argent par les fenêtres. Contrairement à ce qu’affirme Laurent Wauquiez, ce n’est donc pas une victoire des zadistes qui, de toute façon, ont déjà perdu étant donné ce que les gendarmes leur préparent… Vous trouvez ça triste ? Consolez-vous donc en vous rappelant que l’essentiel à retenir, c’est tout de même qu’il est un endroit en France où le chant des oiseaux et du vent dans les arbres ne sera pas couvert de sitôt par la cacophonie des bétonnières et des airbus…
Une pointe sur les partisans du projet, pour finir…