Mardi 16 janvier
11h : J’arrive à Lorient où j’ai été convié pour y préparer une conférence sur l’autisme : cette grande ville du Finistère partage avec ma ville de Brest le douteux privilège d’avoir été détruite pendant la guerre puis reconstruite avec un sens de l’esthétique discutable ; pourtant, tout chauvinisme mis à part, ma préférence va au centre-ville de Brest : quand je repense à la rue de Siam, avec sa perspective plongeant droit vers la mer et son ciel à perte de vue, le centre-ville de Lorient me parait plus banal. J’espère que les Lorientais ne m’en voudront pas pour cet avis qui n’engage que moi.
Mercredi 17 janvier
21h : Me voilà à Rennes où je dois participer à un colloque sur l’Empire ; prenant la peine de m’informer, je découvre qu’au hit-parade des sujets qui font bouillir le Landerneau, l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est talonné par la sortie de Trump sur les « pays de merde ». Je me rappelle que cette expression était régulièrement utilisée dans les Guignols de l’info, plus précisément par Monsieur Sylvestre qui désignait ainsi les pays du Tiers-monde où la World Company faisait fabriquer sa camelote ainsi que ceux où les Etats-Unis se comportent comme en pays conquis (c’est-à-dire presque partout) : Donald Trump étant lui-même un des grands patrons visé par cette caricature, nous pouvons affirmer que la caricature a été, une fois de plus, rattrapée par la réalité…
Jeudi 18 janvier
9h : Le colloque commence ; le président de la première séance, prestigieux professeur de droit, ne fait aucun mystère de ses opinions dont vous aurez une idée suffisamment précise quand je vous aurai dit qu’il portait une cravate avec des fleurs de lys dessus… Bien entendu, les jeunes chercheurs qui ont organisé le colloque ne partagent pas ses convictions, mais ils le font peu savoir, l’objectif du colloque étant de réfléchir autour d’une éventuelle définition de la notion d’empire et non de déclencher une polémique sur des « questions d’actualité ». Moi-même, je passe outre : venant d’un homme aussi âgé qui a tout du bourgeois ventripotent, je trouve ça plutôt folklorique, presque rigolo ; c’est dans la bouche d’un jeune que ça ferait vraiment froid dans le dos…
14h30 : A l’issue du déjeuner, on s’apprête à reprendre le colloque… Mais à peine le président de la deuxième séance a-t-il dit un mot que l’alarme incendie retentit ! Bien sûr, ce n’était qu’un exercice dont le seule effet aura été de nous retarder de trois quarts d’heure… Je pensais naïvement, jusqu’à présent, que les universités essayaient d’éviter ça quand se tenait dans leurs murs une manifestation accueillant des orateurs venus d’horizons divers : mais non, même pas. Chaque jour qui passe me fait désespérer un peu plus d’être un jour respecté pour mes titres universitaires…
Vendredi 19 janvier
10h : Un récent article de mon cru sur la vie d’un résistant, paru dans Côté Brest, a valu à l’homme m’ayant donné les renseignements nécessaires de recevoir une lettre anonyme due selon lui à un « vieux pétainiste »… Les collabos n’ont pas changé d’un iota depuis 1940, ils sont toujours aussi courageux : ça peut prêter à rire, mais ça veut dire aussi que le pouvoir peut toujours compter sur les délateurs professionnels pour l’aider dans ses viles besognes…
Et mon cul, c’est du poulet ?