Le journal du professeur Blequin (35) Le péril jeune con

Samedi 3 février

14h : Alors que les inondations continuent à sévir en France, à Venise, les canaux sont à sec. Le monde est mal fait, pas vrai ?

18h : Un syndicat étudiant proteste contre la représentation d’une pièce posthume de Charb qui dénonce les connards qui ont pris l’antiracisme en otage pour faire taire ceux qui rappellent que l’Islam est une religion aussi conne comme les autres, ni plus ni moins… Il y a cinquante ans, c’était mai 68 : aujourd’hui, les slogans des étudiants sont plutôt « Censurez sans entraves », « Il est interdit d’interdire d’interdire » et « Sois athée et tais-toi’ ! Wolinski dirait probablement « Nous avons fait mai 68 pour que les jeunes ne deviennent pas ce qu’ils sont devenus » ! Et en plus, il s’agit des étudiants de l’université…de Paris-Diderot ! Diderot ! L’un des plus grands esprits, avec Albert Camus, que ce foutu pays de France ait eu l’honneur d’accueillir ! Diderot, l’encyclopédiste, l’anticlérical, le philosophe des lumières ! J’en ai vraiment ras le bol, de ma génération d’experts-comptables ! Où elle est, la jeunesse généreuse et ardente qui massacre les manteaux de fourrure des vieilles pétasses emperlousées et qui montre ses fesses à l’église ? Vive Charb ! Vive Diderot ! Et à bas toutes les calottes ! Et à bas les jeunes glands déjà aussi cons que leurs parents ! Et à bas Causeur, ce torchon de fachos qui n’a rien à faire parmi les défenseurs de Charlie !

Dimanche 4 février

14h30 : Je sors pour participer à une scène ouverte afin de diffuser mes poèmes. A l’aller et au retour, j’ai droit à la « compagnie » d’une troupe de jeunes qui ont tout de la caricature que l’on fait ordinairement dans les médias de droite : sweats à capuche, casquettes, ton agressif à chaque phrase… Ils ressemblent tellement au cliché que je ne peux pas m’empêcher d’être mal à l’aise, je n’ose même pas leur demander de parler moins fort bien que j’en meure d’envie tant ils me cassent les oreilles ! Con comme un lecteur du Figaro… Plus j’y pense et plus je me dis que ces jeunes jouent un rôle, qu’ils prennent une posture de caillera parce qu’ils sont encore en pleine construction de leur personnalité : ils s’imaginent être déjà eux-mêmes en se libérant du modèle parental, mais ils ne font que se conformer à un autre modèle, en l’occurrence celui que leur dicte la télé ou le mâle dominant de la classe… Ils sont plus à plaindre qu’autre chose. Cela dit, je réalise que j’ai un point commun avec eux ; moi aussi je rabat ma capuche sur ma casquette, pour une raison bien simple : c’est pour éviter que mon couvre-chef, qui fait maintenant partie de mon « image de marque », ne s’envole sous l’effet des vents qui battent ma région, et plus particulièrement la ville de Brest dont l’architecture, basée sur un plan orthogonal, offre des boulevards aux fils d’Eole. Tiens, j’y pense : étant donné que les rues des banlieues parisiennes ont la même configuration et sont donc elles aussi à la merci des vents, qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas aussi pour ça que les jeunes de ces cités ont adopté cette mode que ce vieux réac de Gerra envisage comme un signe extérieur de connerie ?