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Le journal du professeur Blequin (60)

Publié le 24 mars 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (60)Guillaume Pépy, le patron de la SNCF.

Jeudi 22 mars

18h30 : Me voilà en route pour Lorient pour participer à un colloque, en co-voiturage et non en train, grève des transports oblige. Comme quoi on peut toujours trouver à se débrouiller, est « pris en otage » qui veut bien ! Cela dit, j’avoue que dans l’absolu, je préfère voyager en train quand j’en ai la possibilité : on n’est pas attaché, on peut travailler tout en voyageant et, surtout, on n’est pas obligé de parler avec son voisin ! Heureusement, mon co-voitureur était un jeune étudiant en psychologie qui était sensibilité à l’autisme et avec qui il était intéressant de converser. Et pour ne rien gâcher, grâce à lui, je suis arrivé plus tôt que prévu !

Vendredi 23 mars

Le journal du professeur Blequin (60)
La rade de Lorient vue du ciel.

 8h : Je me me mets en route pour l’Université de Bretagne Sud où a lieu le le colloque auquel j’ai été convié à participer. Je dois m’y prendre à deux fois pour trouver l’arrêt de bus d’où je dois partir, mon hôtel étant situé dans une zone commerciale où les rues sont mal (voire pas du tout) indiquées. Je croise une dame qui est dans un embarras similaire au mien et qui me fait remarquer qu’il y a de moins en moins de panneaux pour indiquer les noms de rues, sans doute parce que ça coûte trop cher ! Voilà comment, en faisant des économies de bouts de chandelle, on rend les villes de moins en moins accueillantes pour les étrangers et les handicapés ayant du mal à se repérer – à Lorient, je suis les deux à la fois !

Le journal du professeur Blequin (60)
Camus par votre serviteur

11h : Un colloque qui se déroule dans les temps, c’est rare : je ne peux que féliciter les organisateurs, puisque je passe à 11 heures comme prévu, ça me change de toutes ces manifestations, parfois chez moi à Brest, où on m’a fait attendre pendant presque une heure, partant sans doute du principe qu’un (encore) jeune chercheur comme moi peut attendre ! Mais non, là, j’ai pu parler à l’heure indiquée et bénéficier du temps qui m’avait été imparti dès le début. Et pourtant, j’étais un peu une erreur de casting, moi, le pauvre idiot d’antiquisant poussiéreux dans ce colloque consacré aux Amériques ! Je salue donc l’ouverture d’esprit des organisateurs et des autres participants qui m’ont félicité pour ma communication qui évoquait le voyage d’Albert Camus en Amérique du Nord en 1946. L’auditoire a quand même été bien étonné d’apprendre qu’aux yeux de ce grand philosophe, les Noirs « colonisaient à leur manière » les Etats-Unis de l’immédiat après-guerre où ils étaient encore traités comme des sous-citoyens ! Je suppose que certains ont dû interpréter ça, sans oser le dire, comme une évocation d’une version américaine de la théorie fumeuse du « grand remplacement » ! Bien sûr, ça ne pouvait pas être le cas pour la bonne et simple raison que, pour cet auteur pied-noir « coloniser » n’ a pas le sens qu’on lui attribue spontanément ; dans Le premier homme, son dernier livre, laissé inachevé, il avait entrepris de raconter l’histoire de ses ancêtres qui étaient partis de France pour coloniser l’Algérie : finalement, c’est l’Algérie qui les a colonisés ! Bref, le colonisateur n’est pas forcément un conquérant, de sorte que le plus important dans la citation de Camus n’est pas « coloniser » mais bien « à leur manière »…

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