Dialogue entre un cheminot en grève et un usager

Le cheminot : Salut, camarade ! J’te préviens, il n’y a pas un train qui circule, aujourd’hui !

L’usager : Je sais, je suis venu à la gare parce que c’est là que j’ai pris rendez-vous pour un co-voiturage…

Le cheminot : Ah, ça ! Vous pourrez pas dire qu’on vous aura pris en traîtres, le calendrier des grèves était publié dans tous les médias ! Et vous pouvez non plus nous ressortir le lamento de l’usager « pris en otage » : aujourd’hui, vous sortez votre smartphone et un un clic, vous avez un co-voiturage pour pas cher !

L’usager : C’est vrai. Mais dans l’absolu, je préfère quand même voyager en train : c’est plus confortable, on n’est pas attaché, on peut marcher, on peut mettre à jour son travail…

Le cheminot : J’te l’fais pas dire ! C’est justement pour que tu puisses continuer à bénéficier de tout ça demain qu’on fait grève aujourd’hui, figure-toi !

L’usager : Oh, je n’en doute pas ! Mais pour être franc, ça me choque quand même un peu…

Le cheminot : Et pourquoi donc ?

L’usager : Ben… Vous savez, mon fils qui a 25 ans est bardé de diplômes et il n’a même pas la possibilité de faire la grève : il passe sa vie à enchaîner les CDD et les missions d’intérim, il ne reste jamais assez longtemps dans une boîte pour pouvoir se plaindre de quoi que ce soit. Alors vous voir débrayer, vous qui avez un emploi stable…

Le cheminot : Bon. T’as voté pour qui, l’année dernière ? T’as pas une tête à avoir voté Macron ou Le Pen !

L’usager : Exact, j’ai voté Mélenchon.

Le cheminot : Alors écoute : ton fils, il sait conduire un train ?

L’usager : Pas du tout !

Le cheminot : Et bien imagine un instant que le gouvernement décide de remplacer le personnel gréviste par des intérimaires non-qualifiés : ton fils aurait un job, mais toi, est-ce que tu te sentirais à l’aise dans le train ?

L’usager : Ben… Non, pas tellement !

Le cheminot : Et bien voilà ! Tu préfères quoi : que les trains ne circulent pas parce que le personnel qualifié fait grève ou que le tes trains circulent quand même mais avec du personnel non-qualifié ? Hein ?

L’usager : Ben…

Le cheminot : J’te l’fais pas dire! Bon, j’m’excuse, c’est pas que j’m’ennuie, mais les collègues m’attendent pour la manif ! Allez, fais bon voyage !

L’usager : Il est parti. Je n’ai pas osé lui répondre que je préférerais que le personnel qualifié fasse son boulot : je suis quand même de gauche !