Le journal du professeur Blequin (80)

Mercredi 2 mai

20h40 : Je me suis permis de prendre un week-end très prolongé, mais j’ai quand même eu vent de ce qui s’est passé à Paris avec le « black bloc »… Certaines bonnes âmes s’étonnent que les forces de l’ordre aient mis autant de temps à réagir alors qu’elle sont habituellement si promptes à foncer sur les manifestants pacifiques. Moi, ça ne m’étonne pas : les flics ne sont pas plus cons que vous, ils tapent quand il n’y a pas de danger ! Il faut vraiment être fan de Jean-Pierre Pernault pour croire encore que les policiers sont là pour protéger les citoyens : ils font ce boulot de merde pour gagner leur vie, pas pour sauver la vôtre, qu’est-ce que vous croyez ? De temps en temps, il y en a bien un qui se fait tuer dans l’exercice de ses fonctions, mais je suis sûr qu’à ses obsèques, ses collègues ne peuvent s’empêcher de ricaner et de se dire : « Ah, le con, s’il s’était contenté de tabasser des étudiants et des bougnoules comme nous autres, il n’en serait pas là ! »

23h50 : J’aurais pu vous dire tout le bien que je pense de la reprise de Burger Quiz malgré les réticences que j’ai pu exprimer par ailleurs, mais comme j’ai toujours tendance à voir le verre à moitié vide, je vais plutôt vous dire tout le mal que je pense des chaînes de télé diffusées en direct sur Internet malgré l’enthousiasme que ça a pu m’inspirer par ailleurs. Quand on regarde en replay sur son ordinateur, on doit se taper les pubs, bon, mais quand on regarde « en direct », non seulement on a les pubs mais en plus ça s’interrompt toutes les cinq minutes ! Je ne sais pas si c’est le site ou ma connexion qui est pourrie ou les deux (on dirait un thème du « Sel ou poivre », pas vrai ?), toujours est-il que ça gâche quelque peu (doux euphémisme) le plaisir que j’éprouve à retrouver l’ami Chabat et ses facéties : même les VHS de mon enfance étaient moins pénibles à visionner ! En tout cas, ça me servira de leçon, à l’avenir, j’attendrai le lendemain pour pouvoir regarder en replay quand je le voudrai, comme un vrai garçon de ma génération, au lieu d’attendre benoîtement l’heure annoncée dans le programme TV comme le faisaient mes grands-parents : pour ce que ma patience est récompensée, merci bien !

Srinivassan met la dernière touche à un dessin à six mains.

Jeudi 3 mai

23h40 : Je reviens d’une séance de « Tac au Tac » dans un bar  de Brest avec mes collègues graphistes Srinivassan Peroumal et Jean-Yves Le Fourn : dorénavant, je me rappellerai que pour avoir un minimum de public, il vaut mieux éviter d’organiser ça un soir de match de foot ! Il faudra donc que je surveille le calendrier des matches, ce qui est nul de chez nul quand, comme moi, on s’intéresse autant au ballon rond qu’au premier caleçon de Dick Rivers… En rentrant chez moi, j’ai vent d’une anecdote pas piquée des vers : un homme a tiré un feu d’artifice en pleine rue devant la prison de Vannes pour l’anniversaire de son fils qui y est détenu ! Il était en état d’ivresse… Il est presque regrettable qu’on ait conscience de ce détail qui aura sûrement son importance devant un juge à la vue basse mais qui gâche quelque peu cette belle histoire où l’amour paternel se révèle plus fort que les murailles, les barreaux et les verrous… Mais tout le monde n’est pas sensible à l’amour filial et, une fois de plus, la France haineuse et revancharde s’est exprimée par le biais d’une consternante baderne qui a osé publié ce commentaire : « Il devrait aller le rejoindre !!!!!! C’est encore une fois un acte illégal et dangereux !!!! » Rien qu’à lire ces mots, je vois d’ici le petit papy conservateur qui reste bien au chaud devant le JT de Jean-Pierre Pernault, le citoyen honnête et travailleur qui dénonce le « clandestin » par lettre anonyme et porte plainte pour tapage nocturne si des jeunes rappeurs font du raffut après 20 heures… Qui a dit « Nous avons fait mai 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus » ?