Vendredi 11 mai
14h45 : Je me rends à la librairie Dialogues où doit avoir lieu une rencontre avec François Hollande qui fait le promotion de son livre ; je suis bien décidé à profiter de la séance de questions, qui vient logiquement après la causerie de l’auteur, pour l’interroger en vue d’alimenter une page dans Côté Brest. A l’entrée de la librairie, j’entends une femme dire à la personne qui l’accompagne, à la vue d’une affiche annonçant la rencontre et ornée évidemment du portrait de Hollande : « Oh, la photo du petit François » ! Une fois à l’intérieur, douche froide : on m’annonce que la causerie, qui ne durera que 25 minutes, sera retransmise sur écran, qu’il n’y aura PAS de séance de questions et qu’on enchaînera tout de suite après sur la séance de dédicaces… N’étant intéressé que par la perspective de parler d’homme à homme avec l’ancien président et non pas d’écouter un énième discours politicien, je décide d’attendre la séance de dédicaces qui doit avoir lieu une heure et demie plus tard : heureusement que j’ai apporté un livre de Jean Teulé pour patienter…
15h : Le petit bureau prévu pour la séance de dédicaces a été installé dans le rayon « arts » de la librairie. A mon avis, les organisateurs sont partis du principe que c’était le rayon le moins fréquenté ou alors que la poignée d’intellos que ça allait gêner était quantité négligeable. Je profite du fait qu’il n’y ait encore personne pour prendre un siège qui était là et m’asseoir afin d’attendre gentiment l’arrivée de l’ancien président : à ma grande surprise, personne ne m’en empêche ! Ainsi, quand la séance commencera, je serai le premier de la file.
15h30 : Il y a encore une heure avant la séance, Hollande n’est même pas encore arrivé, mais il y a déjà une foule de personnes qui attendent derrière moi. Je suis un peu désolé pour les amateurs d’arts qui arrivent puis repartent la queue entre les jambes une fois que les employées présentes sur place pour organiser la file leur ont fait comprendre que leur rayon ne serait pas consultable aujourd’hui ! C’est vrai que la venue d’un homme politique qui bloque l’accès aux livres sur l’art, ça fait un peu le même effet que si on barrait la route vers la bibliothèque pour assurer la visite de Zinedine Zidane ! J’ai un peu honte d’être dans la position du gros beauf » qui attend pour se faire signer un livre qu’il ne lira probablement jamais mais qu’il a tout de même acheté parce que tout le monde en parle ! Pire, quand un particulier me demande de me lever de mon siège pour lui permettre de voir les livres que je cache, la seule phrase qui me vient aux lèvres est « Vous choisissiez bien votre moment ! » Je me suis levé quand même, notez…
16h : François Hollande arrive, suivi de près par le maire de Brest : au début du quinquennat de Hollande, j’avais caricaturé Cuillandre en caniche fidèle du président, je ne peux pas m’empêcher de repenser à cette image… Mais ce qui m’impressionne le plus, ce sont les applaudissements nourris avec lesquels Hollande est accueilli : pour quelqu’un dont tout le monde réclamait le départ il y a à peine plus d’un an et que certains appellent « le petit François », on ne peut pas dire qu’il soit traité avec mépris ! Ou bien je me trompe fort ou bien mes concitoyens sont vraiment versatiles !
Mon intolérance au bruit ne m’a pas aidé dans ma vie de collégien…16h05 : Hollande a commencé son pitch ; malgré les haut-parleurs, je n’entends rien. En effet, pour éviter les gènes provoquées par mon concubinage forcé avec monsieur Asperger, je prends soin de me munir de boules Quiès à chaque fois que le niveau sonore risque de dépasser mon seuil de tolérance auditive, ce que j’ai donc fait bien évidemment pour pouvoir poursuivre ma lecture de Charly 9 de Jean Teulé dans une relative quiétude malgré le brouhaha des conversations émanant de la file derrière moi. Je ne juge pas utile de me déboucher le conduit auditif pour apprécier la logorrhée de notre ancien président, d’autant que je sais d’expérience que le son des haut-parleurs n’est jamais pur et pâtit d’une saturation qui le rend inaudible pour moi : en clair, même si je le voulais, je n’apprécierais pas.
16h25 : La causerie prend fin. Je me relève, enlève mes boules Quiès, sors ma carte de visite et prépare mon dictaphone et mon appareil photo ainsi qu’un exemplaire du journal à lui offrir : l’interview sera très courte, inutile de la faire traîner en longueur au risque de devenir la bête noire des chasseurs de dédicaces. Quand Hollande se présente, une employée lance « au premier », ce à quoi une dame, qui n’était qu’à côté de moi, répond « alors c’est moi » et s’avance benoîtement vers l’ancien président ! J’étais pourtant arrivé avant elle, mais je sais d’expérience que les cons sont méchants et je suis lâche : je n’ose pas faire valoir mes droits mais cette scène en dit plus que bien des discours sur la mentalité du chasseur de dédicaces moyen ! J’ai toujours effaré de voir à quel point ces gens, qui devraient pourtant être unis par leur intérêt (je n’ose pas écrire passion) commun pour un auteur, forment une meute hostile dont les membres sont haineusement opposés les uns aux autres, comme si leur vie dépendait de leur droit inaliénable d’avoir chacun un gribouillis exécuté à la va-vite sur un livre qu’ils ne rouvriront probablement jamais… Vous me direz que je ne vaux guère mieux : je vous réponds que j’avais un autre but qui n’était certes pas la lecture de l’ouvrage mais ne se limitait pas à l’obtention de la dédicace et l’achat du livre était le seul moyen pour moi d’y parvenir… Piteuse défense ? Peut-être…
Petit hommage à Julien Péluchon dont je vous recommande encore une fois le roman « Prends ma main, Donald » : il en vend moins que Hollande, mais il est sûr que ceux qui l’achètent le lisent, lui !16h30 : Une employée me fait savoir que Hollande ne dédicace que les exemplaires de son livre : je n’ai pas l’intention de lui faire signer autre chose, mais cette jeune dame est induite en erreur par le numéro de Côté Brest que je porte dans ma main. J’ai dans l’idée qu’elle a souvent été confrontée à des cas où l’on tendait à un auteur des feuilles volantes, des blocs-notes, des livres d’or, etc. Mon tour arrive enfin : je me présente à « monsieur le président », lui demande une dédicace pour la rédaction du journal et lui pose la question « Quels sont les quatre lieux brestois qui vous ont marqué » afin d’alimenter la rubrique « Le Brest de… » Ma démarche a du sens puisqu’il y est déjà venu plusieurs fois à Brest, et pas seulement pendant son quinquennat – c’est notamment à Brest qu’il est devenu premier secrétaire du PS. Il m’avait fallu tirer les vers du nez à certaines personnes, pourtant bien Brestoises, pour leur arracher une réponse à cette question : à ma grande surprise, Hollande y répond le plus naturellement du monde, comme s’il l’avait déjà préparée ! Mon dictaphone tourne et enregistre la réponse, il se laisse photographier, l’objectif est atteint ! je vais pouvoir repartir la tête haute…
A suivre…