Jeudi 10 mai
23h : Il n’y pas si longtemps encore, sur ce site, je tenais plus ou moins régulièrement une rubrique littéraire intitulée « la bibliothèque du professeur Blequin » (un titre très modeste, je sais) dans laquelle je commentais tous les livres que je lisais. J’ai arrêté quand j’ai réalisé que la plupart des ouvrages que j’y présentais n’étaient pas de la plus brûlante actualité (ce qui n’était pas très gênant) et avaient déjà été chroniqués mille fois partout ailleurs (ce qui était déjà plus embêtant). Ainsi, je viens de lire, avec quatorze ans de retard, Acide sulfurique d’Amélie Nothomb : je suis rarement déçu par cette romancière (la seule et unique fois, ce fut avec Le crime du comte Neville) et ce livre ne fait pas exception. Je ne vais pas vous le présenter dans le détail, cent personnes ont dû le faire avant moi à sa sortie en 2005, je vous dirai donc simplement que jamais je n’ai été à ce point en colère contre mes semblables en lisant un roman : comme toute bonne romancière, Amélie Nothomb nous fait croire pleinement à ce qu’elle raconte, mais dans le cas d’Acide sulfurique, c’est peut-être tout simplement parce qu’elle exagère à peine ! Cette histoire où la vie dans un camp de concentration fait l’objet d’une émission de télé-réalité et où les téléspectateurs finissent par voter pour désigner quels prisonniers seront exécutés (je précise ça au cas où vous ne l’auriez pas lu, bande d’ignares) n’est qu’une extrapolation de ce qui se faisait déjà à la télévision en 2005 ! D’ailleurs, cinq ans plus tard, France 2 a diffusé le documentaire Le jeu de la mort qui prouvait que si la télé ordonnait aux gens de faire souffrir voire de tuer un homme, même sans rien leur promettre en échange, quatre personnes sur cinq obéiraient sans remords ! Autant dire que madame Nothomb avait vu juste (et qu’elle se serait probablement bien passé d’avoir eu raison)…
Vendredi 11 mai
10h : Le lendemain, encore un peu secoué par la lecture quelque peu éprouvante que je viens d’évoquer, je jette un œil sur le programme télé et je constate que Koh-Lanta est toujours diffusé, qui plus est en « prime-time ». Le cauchemar continue… Dans la foulée, j’apprends que le tournage de la prochaine saison a été suspendu, vraisemblablement à cause d’une agression sexuelle. Non pas parce que l’audience s’éroderait, encore moins par remords de conscience des programmateurs depuis qu’un candidat est mort en plein tournage, mais à cause d’un délit que l’actualité (balance ton porc, etc.) interdit (à juste titre cependant) d’ignorer : ça me fait à peu près le même effet que si le tribunal de Nuremberg n’avait condamné Hermann Goering que pour vol d’œuvres d’art et avait ignoré tous ses autres crimes ! En 2001, quand M6 a lancé son fameux loft, j’étais encore au collège, j’étais le seul de ma classe à ne pas regarder l’émission et à dire ouvertement que je trouvais le principe honteux : mon avis sur la télé-réalité n’a pas changé d’un iota depuis ! Les programmateurs de télé-réalité sont des assassins, les téléspectateurs sont leurs complices !