Vendredi 8 juin
8h : Il faudra qu’on m’explique un jour d’où vient l’expression « belle comme le jour » car toutes les journées ne sont pas belles, loin de là ! Celle-ci commence bien mal : j’espérais enfin en finir aujourd’hui avec mes démêlés avec Pôle Emploi et, dès le lever, je reçois un coup de fil qui m’annonce que le rendez-vous est annulé et qu’ils m’exigent un document dont je n’ai jamais vu la couleur… On dit que s’il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard : s’il s’agit d’une pluie aquatique, pas de problème, pas une goutte n’est tombée sur Brest aujourd’hui ; mais s’il s’agit d’une pluie d’emmerdes, je suis mal barré ! Une amie me confie qu’elle s’est fait sucrer ses allocations pour ne pas avoir remis des justificatifs qu’elle a pourtant bel et bien envoyé : j’en conclus que tous les documents qu’on leur envoie ne leur servent à rien, qu’ils ne les lisent mêmes pas et qu’on ne nous demande toute cette paperasse pour que nous faire ramper et nous faire comprendre que nous sommes rien !
10h : Je confie mes problèmes à une amie qui travaille dans l’administratif et qui est comme une mère pour moi : je lui explique qu’à l’école, je m’efforçais toujours de traverser dans les clous et que ça devient de moins en moins possible ; elle me fait remarquer que, sans le vouloir, j’ai trouvé le mot juste : en clair, elle reconnait elle-même, qui est pourtant de la partie, qu’il est impossible de satisfaire toutes les exigences de l’administration ! Nous sommes tous des hors-la-loi pour la bonne et simple raison que les règlements ne peuvent pas être respectés à la lettre ! Chaque citoyen, à moins d’avoir les moyens de se payer une armée d’avocats, est donc menacé d’une épée de Damoclès : comme personne ne peut respecter parfaitement la loi, tout le monde peut être menacé de poursuites judiciaires du jour au lendemain pour peu que cela arrange une autre personne plus haut placée ! On ne pourrait pas rêver mieux pour faire taire efficacement un opposant politique…
14h : Je tombe sur la « une » de Marianne qui titre : « Après la Grèce, l’Italie, les marchés contre le peuple » ! Donc, pour l’hebdomadaire, c’est clair : le triomphe d’un discours homophobe et anti-immigration, c’est le triomphe du peuple ! Comment insulter le peuple en ayant l’air de le défendre… Donc, si je comprends bien, soit je continue à lutter contre la mainmise des marchés financiers et « donc » je dois prendre parti pour la haine et l’intolérance, soit je rejette le fascisme et la xénophobie et « donc » je serai considéré comme un valet du grand capital, c’est ça ? C’est exactement le raccourci qu’opèrent les fans de Dieudonné et les militants Front National, voilà qui n’honore pas le journal fondé par Jean-François Kahn… Dans le même ordre d’idée, la même « une » oppose Barthès à Hanouna, qualifiant le premier de « bobo choc » et le second de « popu choc » ! Asséner qu’Hanouna est la voix du peuple, c’est afficher un mépris du peuple phénoménal ! J’ai l’impression qu’on me dit « On te sert de la merde parce que c’est bien assez bon pour toi, sale non-riche » ! Comme quoi il n’y a pas que l’administration qui cherche à nous faire comprendre que nous ne sommes rien !