Norman à la rescousse du mâle blanc

Alors comme ça, la dernière vidéo de Norman fait polémique ? Pourtant, il est méritant, ce type-là : moi, je n’oserais pas traiter de sujets graves si je n’avais pas de talent ! Hé, il ne faut pas se prendre pour Desproges quand on est juste bon à déconner sur la vie quotidienne devant un public de geeks boutonneux ! Mais s’il a vraiment fait une bêtise, inutile de le traîner devant un tribunal : il suffit de lui confisquer son smartphone ou sa playstation ! En général, comme punition pour les ados attardés de son espèce, c’est pire que la prison ! Bon, plus sérieusement : Norman érige donc au rang de héros prenant un risque inconsidéré celui qui s’aventurerait à faire des blagues sur les « minorités » au sens large du terme, c’est-à-dire les Arabes, les Noirs, les Juifs, les femmes, les handicapés, les homosexuels… Bref, tout ce qui ne ressemble pas à un mâle blanc valide et hétérosexuel. 

En fait, ce que le célèbre youtubeur semble ne pas voir, c’est qu’on prend bien plus de risques justement en faisant de l’humour à l’encontre dudit mâle blanc qui reste en position force dans la société : osez dire que les électeurs du FN sont des gros cons, que le public du tour de France est composé de gros beaufs ou que les petits chefs qui harcèlent sexuellement les femmes au boulot sont des gros porcs et vous pouvez être sûr que tous les mâles blancs de France vous tomberont dessus ! Et vous risquez d’être véritablement ostracisé car ils restent les plus forts et les plus nombreux dans ce foutu pays où les migrants sont encore traqués comme des chiens, où les femmes restent moins payées que les hommes à travail égal, où le droit des handicapés à l’accès au logement vient d’être sérieusement rogné par une loi imbécile, où les actes homophobes sont en hausse, où Cyril Hanouna est toujours à l’antenne après avoir humilié publiquement un homosexuel sous prétexte qu’il est homosexuel et où, de façon générale, ce qu’on appelle les « minorités visibles » restent sous-représentées dans les médias et à l’Assemblée nationale.

Si ces « minorités » ont le malheur de réclamer un surcroît de respect, le mâle blanc présente cette revendication comme une intolérable atteinte à sa liberté d’oppression. Si un homme blanc ose rappeler ces tristes vérités, même (et surtout) sur le ton de l’humour, les mâles blancs le percevront comme un hypocrite qui se donne bonne conscience voire comme un traître et, pour le faire tomber, ils ont une arme redoutable, l’accusation de mépris de classe. Parce qui oui, le mâle blanc a beau rester comme maître chez lui en France, il n’en aura pas moins le culot de présenter la moindre remise en cause de sa suprématie comme la marque d’un dédain à l’égard de ce qu’il appelle « le peuple » qui ne serait composé que de mâles blancs. Bref, tout porte à croire que Norman a pris au premier degré la phrase de Coluche « En France y a moins d’étrangers que de racistes : tant qu’à faire, j’aime autant me fâcher avec les moins nombreux »…