On ne manque pas de reprocher à Macron de rendre hommage à Simone Veil tout en pratiquant une politique migratoire qu’elle aurait « désapprouvée ». Ce jugement est touchant de naïveté. Pourquoi ? Pour cinq raisons.
Et d’une : même pour la bonne cause, il n’est jamais très malin de parler au nom d’un mort. Par définition, un mort ne parle plus, ne pense plus, ne sent plus, il ne peut donc plus donner son avis et encore moins se défendre quand on défend en son nom une cause qui ne le concerne plus. En reprochant à Macron de récupérer la mémoire de Simone Veil, on s’expose donc à ce que ses sbires nous renvoient cette critique.
Et de deux : chercher à exterminer les Juifs, ça n’est pas tout à fait la même chose que refuser d’accueillir les réfugiés, même si ça n’est pas moins dégueulasse. Rien n’interdit d’imaginer, hélas, qu’un(e) ancien(ne) déporté(e) ne se sente pas concerné par le drame des migrants : on a bien vu des commémorations de l’holocauste dont les déportés homosexuels avaient été exclus, ce qui avait conduit Vuillemin et Gourio à commettre Hitler=SS.
Et de trois : je rappelle pour mémoire que madame Veil a quand même été ministre de Balladur, dans le même gouvernement qu’un certain Charles Pasqua qui ne débordait pas non plus d’humanité pour les immigrés sans que ça émeuve outre mesure la mère Simone. Charlie Hebdo avait même publié une couverture où Veil disait amoureusement à Pasqua « Tu me rappelles ma jeunesse ».
Et de quatre : à la même époque, elle comptait parmi les principaux artisans de la politique ultra-libérale voulue par la majorité RPR-UDF (Gérard Filoche l’a justement rappelé quand elle est entrée à l’Académie française), elle n’aurait donc probablement pas renié en masse la politique sociale de Macron.
Et de cinq : en 2007, elle a soutenu ouvertement Sarkozy qui multipliait déjà les appels du pied en faveur de l’électorat d’extrême-droite, aussi bien dans ses discours de candidat que dans ses actes de ministre de l’intérieur.
Conclusion : Simone Veil était incontestablement une grande dame, mais ce n’était pas une sainte. C’était une femme politique qui a commis des erreurs, comme tous ses collègues. Le fait d’avoir été une martyre de la Shoah et une championne des droits de femmes ne la rend pas blanche comme neige et on ne peut absolument pas être sûr qu’elle serait montée au créneau contre la politique de Macron. Inversement, Emmanuel Macron est incontestablement un salaud, mais ce n’est pas le Diable. Quand il rend à la mémoire de madame Veil l’hommage national qui lui est dû, il ne fait que son rôle de chef d’Etat. Il n’allait quand même pas envoyer son cadavre à la fosse commune rien que pour faire plaisir aux hérauts de la cohérence idéologique ! Et il est certain que rendre hommage à une femme née en France doit moins lui coûter que si elle était née à l’étranger : s’il rendait hommage à une personnalité d’origine immigrée, là, oui, on pourrait parler de contradiction majeure. En attendant, mes amis, économisez votre force d’indignation, vous n’avez pas fini d’en avoir besoin !