Dernièrement, sur France Inter, l’excellente Sophia Aram a commenté la récente recrudescence d’actes homophobes en expliquant pourquoi on peut (et doit) établir une corrélation entre ces agressions et les paroles discriminantes proférées dans le cadre du débat sur l’élargissement du droit à la PMA. Ce n’était pas la plus drôle de ses chroniques mais c’était assurément l’une des plus justes ; elle y a déclaré notamment que « tout discours fondé sur la discrimination est porteur d’une violence intrinsèque, d’une violence contenue dans l’ADN même la discrimination et que cette violence finit toujours par s’exprimer. » Alors là, je dis merci ! Merci à toi, belle Sophia, d’avoir enfin mis des mots sur ce que je voulais répondre aux défenseurs des néo-réacs depuis des mois ! En effet, chaque fois qu’on essaie de faire comprendre aux idiots utiles des Zemmour, Dieudonné, Finkielkraut et consorts à quels points les horreurs que profèrent leurs idoles sont intolérables, ces crétins invoquent la liberté d’expression : ce qu’ils sous-entendent en détournant ainsi la liberté au profit des ennemis de la liberté, c’est que les discours de ces derniers ne seraient « que » des discours et qu’on devrait pouvoir les laisser s’exprimer tant que ça ne se traduit pas par des actes. En clair et pour prendre un exemple, on aurait le droit de dire « mort aux Juifs » tant qu’on ne s’en prend pas physiquement aux Juifs. 
Les défenseurs des néo-réacs nient donc la puissance performative du verbe : ils nient le fait qu’à partir du moment où une parole a été prononcée, celle-ci ne peut pas être sans conséquences concrètes, fussent-elles larvées. A partir du moment où la discrimination à l’égard des femmes, des immigrés ou des homosexuels a été légitimée verbalement dans l’espace public sans rencontrer de véritable contestation, il n’y a aucune raison pour que cette discrimination ne soit pas appliquée concrètement, fût-ce par un déséquilibré en mal d’action ! Empêcher la légitimation verbale de la discrimination, ce n’est donc pas agir en ennemi de cette liberté, c’est au contraire préserver la liberté des personnes visées par ladite discrimination. Quand des débiles agressent une personne sous prétexte qu’elle est homosexuelle ou d’origine étrangère, les néo-réacs jurent leurs grands dieux qu’ils n’y sont pour rien : il est vrai qu’ils n’appellent jamais ouvertement à accomplir de tels actes mais, en ouvrant la boîte de Pandore de la discrimination, ils n’en banalisent pas moins la violence envers tout ce qui ne ressemblent pas à un « mâle blanc » et il devient pour ainsi dire inévitable que la société récolte ce que les néo-réacs ont semé.

