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Le journal du professeur Blequin (168)

Publié le 18 janvier 2019 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (168)

Ma mamie…

Mercredi 16 janvier

13h15 : A quoi peux-tu penser quand tu viens de perdre un être cher ? Je veux dire : à quoi d’autre ? A rien bien sûr. Tu continues ton cirque, par réflexe, mais de façon robotique, en y pensant à peine. Tu te sens un peu plus seul qu’hier et moins que demain : celui qui a dit « un seul être vous manque et tout est dépeuplé » n’était pas le dernier des imbéciles. Et tu te fiches des pitreries de tes semblables relayées dans les médias : les pro-Brexit et les anti-Brexit, Macron et les gilets jaunes, les ceci, les cela… Tous des sauvages aveuglés de certitudes merdeuses ! Leur vie ne dure que le temps d’un souffle et ils la gaspillent pour des causes qui ne voudront déjà plus rien dire dix ans après leur mort ! Mais apprenez donc à aimer vos semblables tant qu’il en est encore temps ! Quand vous ne les aurez plus sous la main pour les engueuler, il sera trop tard pour les aimer ! Aimer son prochain comme soi-même, ce n’était pas la plus mauvaise idée des Chrétiens (ce fut aussi celle qu’ils ont le moins bien mis en pratique) : pensez-y de temps en temps ; la vie est courte, ne la gâchez pas en ressentiments !

Jeudi 17 janvier

Le journal du professeur Blequin (168)

10h15 : Je prends le tram pour aller acheter du matériel de dessin dans une galerie commerciale. J’avise, juste derrière moi, deux enfançons, un tout petit et son grand frère (du moins je suppose) assis sur le rebord de la fenêtre (il est large et on ne peut pas ouvrir la fenêtre) à se faire des câlins… Je fonds devant cette scène « crô mignonne ». Seule ombre au tableau : leur mère (ou du moins la femme qui les accompagne et que je suppose comme telle) les photographie avec son smartphone… Pauvre conne, cette scène adorable aurait pu rester un souvenir à jamais gravé dans ton cœur si tu t’étais contenté de la regarder : là, tu en as fait un vulgaire échafaudage de pixels qui disparaîtra avec ton joujou, lequel sera bon pour la casse quand tes petits mignons n’auront pas dépassé leur dixième année ! J’espère au moins que tu ne l’as pas publiée sur les réseaux sociaux : te rendrais-tu compte du gâchis que ça représenterait ? Cette image, qui pourrait être unique et n’appartenir qu’à toi seule, livrée en pâture à la meute des bouffeurs d’images prémâchées, devenue propriété objective et exclusive de quelque geek décérébré (un pléonasme, excusez-moi) devenu un « big brother » faussement cool doublé d’un milliardaire véreux qui planque dans les paradis fiscaux sa fortune accumulée sur le dos de ladite meute… Il n’y a pas que la notion de vie privée qui a été mise à mal par l’explosion des réseaux sociaux : il y a aussi celle de moment privilégié. Pour ma part, les plus beaux souvenirs que m’a laissés ma grand’mère, on ne pourra pas me les voler, ils sont gravés dans mes tripes.

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Le journal du professeur Blequin (168)
1h45 : Je feuillette un journal et j’apprends que le Haut Conseil à l’égalité a rendu un rapport sur le sexisme en France qui montre du doigt, notamment… L’humour. Oh non, pitié ! Ne nous infligez pas une affaire Dieudonné-bis ! Je veux dire, ne mettez pas les humoristes au pilori juste parce qu’il y a deux-trois trous du cul qui traitent les femmes plus bas que terre sous prétexte de déconnade ! Vous donnerez un nouveau prétexte en béton armé aux néo-réacs de tout poil pour prendre l’humour en otage au profit de leur croisade contre les droits de tout ce qui ne ressemble pas à un mâle blanc ! Je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut donner un blanc-seing à tous ceux qui se prétendent humoristes et que de gros lourdauds comme Hanouna méritent d’être sanctionnés quand ils font des blagues ouvertement machistes : mais est-ce qu’un bureaucrate est capable de faire la différence entre le premier et le second degré ? Je veux dire : est-ce qu’il saura saisir la nuance qui différencie un vrai macho comme Tex d’un maître du second degré comme Geluck qui reprend régulièrement à son compte le discours phallocrate pour mieux le dénoncer ? Franchement, je n’en suis pas sûr !

Vendredi 18 janvier

19h30 : Voilà, les funérailles sont passées, tout est consommées. Bien sûr, je pourrai toujours me dire quelle n’a pas souffert. Je pourrai toujours me rappeler qu’elle nous a quittés le jour de sa fête (elle s’appelait Yvette), comme si elle avait choisi. Je pourrai me souvenir qu’à l’arrivée au centre funéraire, il y avait un double arc-en-ciel magnifique, comme si les éléments eux-même voulaient lui rendre hommage. Je pourrai aussi penser à la présence de l’excellent Gildas Rousseau au piano et au beau poème de Jacques Arnol que j’ai lu à l’assistance, surmontant mes larmes. Mais rien de tout ça ne pourra combler le vide qu’elle laisse dans ma pauvre âme. Contre qui je vais me blottir quand mon cœur d’adulte est trop gros, maintenant ? Qui me dira comme elles est fière de son petit-fils ? Il va falloir s’habituer à un grand vide, à présent…


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