La semaine dernière, à l’un des journaux du soir, le journaliste de la chaîne de télévision argentine d’information continue que je regarde fréquemment, traita coup sur coup de deux drames de l’actualité locale : un accident de bus longue distance qui avait fait plusieurs morts et une cinquantaine de blessés, et immédiatement après, un incident au cours duquel un navire de guerre avait heurté et tué une baleine franche – espèce protégée - au large de la péninsule Valdès.
Le premier sujet était abordé uniquement sous l’angle des conséquences : les morts, les blessés... Les responsabilités éventuelles des différents acteurs étaient à peine évoquées. Tout juste
mentionna-t-on que le bus roulait très vite selon les survivants. Temps de repos du chauffeur payé au voyage, état des routes et des véhicules, absence de voies de chemin de fer pour relier les
grandes villes du pays, tous ces maux pourtant bien connus des Argentins ne furent pas évoqués.
Plus de huit mille personnes meurent sur les routes chaque année, ce qui rapporté à la population donne trois fois plus de chances de mourir d’un accident de la route à un résident en Argentine qu’à quelqu’un qui habite en France. Individuellement, les Argentins confondant mettre des limites et réprimer - comme je l’expliquais dans un précédent article - chacun d’eux refuse d’admettre sa part de responsabilité. Pour commencer, pourquoi donc respecter la toute bête priorité à droite ? Les accidents de la route sont donc à leurs yeux une fatalité, et les criminels de la route, à peine inquiétés. J’ai en tête le souvenir précis d’une fillette de sept ans écrasée il y a plusieurs mois par un bus urbain sur un passage protégé qu’elle traversait alors qu’elle avait la priorité. Le drame n’a même pas fait la une des journaux !
Pour ce qui est de cette pauvre baleine par contre, le journaliste ne manqua pas de faire état du message d’excuse des autorités militaires, de la commission d’enquête prochainement mise en
place, de la réunion qui aurait prochainement lieu au ministère concerné pour éviter que l’incident ne se reproduise, etc. Et le présentateur de conclure sur la nécessité d’agir en raison
des milliers de touristes qui chaque année viennent admirer les mammifères marins sur les côtes du sanctuaire marin naturel.