Vous reprendrez bien une petite dose de don-quichottisme ?
J'ai besoin de pousser un GROS coup de gu... !
En juin dernier, l'un de mes enfants s'est planté à l'écrit de l'épreuve anticipée de français du bac. Une vraie grosse mauvaise note, du genre qui va peser dans le décompte des points à l'examen final.
Jusque-là rien d'exceptionnel.
Ça arrive, malheureusement.
Ironiquement, il était beaucoup plus pessimiste en sortant de l'oral. Il faut dire qu'il était tombé sur une charmante examinatrice, qui n'avait pas daigné lever le nez - même quand elle posait des questions - de son écran d'ordinateur. Ordinateur sur le clavier duquel elle a frénétiquement pianoté tout le long de l'interrogation. Mais elle lui a mis une note correspondant à ses dons littéraires : moyen-plus, dirons-nous.
Comme la note à l'écrit était donc, elle, très en-dessous des performances de l'année de notre fiston, nous avons tenté d'avoir des explications.
Et c'est là l'objet de mon coup de gu... : le courriel de l'enseignant.
A lire ce monsieur, qui a relu la copie (nous n'avons pas voulu le faire, nous) notre fils est responsable à 200% de cet échec. Il n'y a pas l'ombre d'un doute dans son message. Pas le début de la moindre remise en cause de son propre travail de l'année, pas l'ombre d'un discret sentiment d'échec personnel. Qu'un gamin qui se montre dans l'ensemble soucieux de son avenir et désireux de bien faire, et qui est doté par ailleurs de qualités intellectuelles certaines ainsi qu'en témoignent ses notes dans d'autres matières, se plante à ce point après un an dans sa classe, ne provoque chez lui pas la moindre remise en question, ni le moindre regret.
Le pompon, c'est un commentaire sur l'orthographe de notre rejeton. Elle est mauvaise, je ne dirai pas le contraire. Sachant qu'il est arrivé dans cet établissement (français) en milieu d'école primaire, s'il a une mauvaise orthographe, c'est un peu la faute de tous les enseignants dont il a fréquenté les classes, et au système en général, non ?
Je ne peux m'empêcher de repenser à la méthode de pointe utilisée pour l'apprentissage de l'orthographe par la première institutrice à qui il a eu affaire dans cet établissement : elle avait trouvé astucieux de prendre son (mauvais) travail en exemple et de le mettre sur le rétroprojecteur, faisant de notre fils la risée de toute la classe, et pour longtemps⁽¹⁾. Aucun égard pour son parcours jusque-là, pour notre arrivée récente, ni pour le fait qu'à même pas dix ans il en était à son deuxième déménagement intercontinental et entamait l'apprentissage d'une cinquième langue⁽²⁾... Une pédagogue hors pair, à l'avant-garde en matière de sciences cognitives, vous dis-je. Un exemple de l'égalité des chances à la française ? Apprendre à tous la même chose en même temps, et tant pis pour les déchets ?
Pendant les huit ans que nous avons vécu en Thaïlande, ma tribu a fréquenté trois écoles internationales britanniques différentes, de la maternelle au collège, alors oui, j'ai parfois la dent dure pour le système français.
J'ai la dent dure pour ces compte-rendu de conseils de classes envoyés aux parents par leurs délégués et qu'on croirait rédigés par le porte-parole du parti communiste chinois tellement ils sont vides, sauf pour accuser les élèves de bavardages. On prend même le soin de nous préciser que la personne qui présidait et représentait le proviseur, a relu le compte-rendu rédigé par les représentants des parents avant qu'ils ne nous le transmettent. Histoire de vérifier que les discussions sur le retard pris dans telle matière ou l'absentéisme chronique de tel enseignant n'y sont pas mentionnées ?
J'ai la dent dure pour ce qui rend ces élèves totalement tétanisés à l'idée de se tromper, au point que même en tête-à-tête avec une répétitrice bienveillante (moi...)⁽³⁾, ils préfèrent ne rien répondre et attendre que je leur donne le résultat, plutôt que de tenter de proposer une solution à leur problème de maths.
J'ai la dent dure pour ces sujets de maths du bac (ES surtout) où il n'est pas rare que les élèves aient à répondre à des questions du même niveau que celle concernant la couleur du cheval blanc d'Henri IV. D'un côté on fait cadeau de points en maths avec des questions tellement idiotes que les élèves cherchent frénétiquement un piège, de l'autre on saque en français... Il faudrait savoir !
Ecole de la confiance, dit M. le Ministre... Y'a du boulot !
Récemment un journal en ligne pour les expatriés se félicitait des excellents résultats des lycées français à l'étranger. Comprendre : le taux de réussite et de mentions au bac. Le contraire serait scandaleux, vu les milieux socio-économiques dans lesquels ils recrutent : ultra-majoritairement des enfants de cadres francophones et francophiles, expatriés ou locaux.
Moi, ça m'intéresserait de savoir comment les lycées français à l'étranger se situeraient dans ce classement-là. A voir dans le nôtre, ne soit-ce que le manque d'enthousiasme pour organiser régulièrement des devoirs surveillés longs pour les lycéens, je ne parierais pas sur un bon score...
Soyons clairs : j'ai la certitude que l'immense majorité des enseignants font du mieux qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent, et bien souvent des programmes surchargés et pas toujours marqués par le bon sens. Je sais aussi le manque de reconnaissance dont ils souffrent en termes de salaires, ce qui inévitablement influe sur leur motivation.
C'est pourquoi je tiens à rendre ici hommage à quelques enseignants en particulier : celui qui a fait bosser dur et suffisamment donné confiance en lui à notre fiston pour qu'il présente et réussisse un test de certification en anglais d'un niveau supérieur à ce dont il se croyait capable ; celui qui a eu les honneurs d'un grand quotidien local pour l'organisation d'un concours de robotique qui prend chaque année plus d'ampleur et fait naître des vocations d'ingénieurs jusqu'à la maternelle ; celle qui, dyslexique elle-même, enseigne l'orthographe avec inventivité et empathie ; celui qui enseigne la biologie avec une telle conviction qu'il est à l'origine d'un nombre impressionnant de vocations de biologistes ; celle qui...
Je m'arrête là, il faudrait en citer trop !
(1) Ça m'étonne toujours que, lorsqu'on parle de harcèlement scolaire, on n'évoque jamais la possibilité que les enseignants eux-mêmes soient parfois harceleurs.
(2) Un aperçu des joies du multilinguisme précoce
(3) Je me définis comme répétitrice en maths et non comme prof de maths, qui n'est pas mon métier. Je n'ai pas la prétention de faire concurrence au prof de l'élève. Au contraire, je pars de son cours que je réexplique si nécessaire, on fait les exercices qu'il donne, on (re)corrige les devoirs et les contrôles, etc.
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