Le journal du professeur Blequin (10)

Samedi 28 septembre

10h30 : J’arrive au centre-ville de Brest, où a lieu la Foire Saint-Michel, avec, sur le dos, un carton annonçant que je propose aux déballeurs et aux badauds que je peux leur faire leur caricature pour cinq euros. Mon panneau attire l’attention d’un gros bras de la sécu qui me demandent si je viens manifester ! Quand je me retourne pour leur montrer la nature de mon activité, ça les tranquillise. Pourtant, je ne portais même pas de gilet jaune – et je n’en porterai jamais.

10h45 : A peine ai-je trouvé un premier client sur la Place de la Liberté que je me fais refouler par un autre gros bras qui me dit que l’espace est réservé aux enfants et que je ne peux pas y faire mon petit commerce. Il m’autorise néanmoins à terminer le dessin de mon client. Je l’ai néanmoins mauvaise, et je pense à ces années où je défilais sur la place avec le même carton sans que personne ne trouve rien à y redire et où les enfants étaient même ravis de me voir… Hé, vous les fachos qui pignez sur l’air de « On peut plus rien dire » dès qu’on vous dit à quel point vos propos sont nauséabonds, sachez qu’à cause de gens comme vous, on ne peut plus rien faire, ce qui est autrement plus grave que les limitations de votre liberté de dire des conneries !

11h : J’arrive au Square Kennedy où se tient, comme chaque année, le village des artistes : le responsable m’y explique que s’il ne m’a pas recontacté pour participer cette année, c’est parce qu’il a perdu mon adresse électronique suite à un piratage informatique… J’ai souvent vanté la pérennité du papier par rapport aux supports numériques et en voici une nouvelle confirmation : depuis l’avènement du portable et d’Internet, on perd beaucoup plus facilement les coordonnées des gens qu’au temps où on avait des répertoires et des annuaires en papier ! Et imaginez donc un pirate informatique essayant de pirater votre carnet d’adresses en papier ! Il faudrait non seulement qu’il le trouve dans votre poche mais aussi qu’il réapprenne à écrire à la main !

Ce dessin a été réalisé en 2016, année où seuls les enfants avaient le droit de déballer. Quand j’ai vu un adulte revendre ses poupées gonflables, je me suis dit que la réalité rejoint parfois la caricature…

15h : Après avoir déambulé parmi les déballeurs, parmi lesquels j’ai reperé un gus qui revendait des poupées gonflables (beurk !) et avoir fait trois clients (c’est mieux que rien), me revoilà au Square Kennedy où j’ai le plaisir de retrouver deux amies artistes, la chanteuse Lyz’An et la slameuse Claire Morin. J’ai même droit à deux annonces dans le micro pour signaler que je suis prêt à faire des caricatures et à dédicacer mon album. Mais je rentrerai deux heures plus tard, épuisé, sans avoir rien vendu de plus. On ne peut pas n’avoir que des jours de gloire…

20h : Je regarde en replay « Un putain de Guignol », l’émission spéciale que Canal+ (ou ce qu’il en reste) a diffusée à l’occasion de la mort de Chirac. Honnêtement, ils ne se sont pas foulés, on a déjà vu mille fois les sketches sélectionnés, mais je ne peux pas nier qu’ils sont encore drôles, et puis c’était déjà bien d’apporter une note un peu dissonante et humoristique dans le concert de louanges, plus ou moins sincères et justifiées, qu’on entend dans tous les médias depuis que cette vieille crapule a rejoint son général bien-aimé… Quand j’arrive à la fin de la vidéo, j’ai une larme à l’œil : pas pour Chirac, je suis définitivement incapable d’éprouver pour lui l’affection que lui témoigne encore mon ami Jérôme (voir son article), mais pour les Guignols qui, je vous le rappelle, ont disparu de l’antenne l’année dernière et que Canal a donc réduits à l’état de pièces de musée. Il parait qu’Yves Le Rolland travaille sur un nouveau projet d’émission satirique avec des marionnettes, mais trouvera-t-il un programmateur aussi « couillu » que l’avait été le génial Alain De Greef ? Je l’espère sans trop oser y croire…