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Pas nul, par ailleurs…

Publié le 06 novembre 2019 par Legraoully @LeGraoullyOff

Pas nul, par ailleurs…A l’occasion des 35 ans de Canal+, notre ami Blequin ressort de ses cartons quelques réflexions sur les émissions qui ont fait la gloire de la chaîne à péage. Il conclut aujourd’hui cette série d’article en traitant de Nulle Part Ailleurs et plus précisément des fameux personnages d’Antoine de Caunes.

Au travers des textes de Laurent Chalumeau et de leur interprétation par Antoine De Caunes, Didier L’embrouille me paraissait un voyou d’une espèce rare. Je veux dire un voyou « intelligent » dont l’agressivité, qui n’était pas complètement gratuite, répondait à des mobiles à la fois simples et profonds : à travers sa défense obsessionnelle de son idole Dick Rivers, il promouvait, bien plus qu’une musique, une certaine attitude, peu courtoise mais digne, face à la dureté de la vie. Quand Didier traite de « tapette » un particulier, il stigmatise moins l’homosexualité réelle ou supposée de son interlocuteur qu’il ne lui reproche publiquement son manque de fermeté face au péril : de sa jeunesse passée dans la jungle de béton, il a tiré un code d’honneur pratique qui lui permet de garder la banane haute dans l’adversité. Depuis, nous avons vu arriver d’autres types de voyous autrement primaires, issus notamment de la culture rap, aux préoccupations beaucoup plus terre-à-terre, allant de l’accumulation monétaire aux conquête féminine  : Didier, s’il reste caricatural et pas tout à fait étranger à ces préoccupations basiques, n’en est donc pas moins un personnage doté d’une richesse qui le distingue des autres créatures de Laurent Chalumeau, ce qui explique en partie sa phénoménale popularité ; en particulier, il a été l’un des rares à être crédité d’un père (joué par Philippe Gildas) et d’un frère (joué par José Garcia), et donc d’une famille complète.

Peu de personnages d’Antoine De Caunes peuvent donc rivaliser avec Didier en terme de supplément d’âme, à part peut-être le pauvre Ouin-Ouin dont l’un des mérites, et non des moindres, aura été de briser le tabou du harcèlement en milieu scolaire avec au moins 25 ans d’avance : ce scout qui a le malheur d’être la tête de turc de ses camarades prête à rire, mais il est difficile de ne pas le plaindre, de ne pas avoir envie de le soulager ; Chalumeau et De Caunes auront donc invité leur public à plaindre le souffre-douleur de service à une époque où on le représentait encore sous les traits d’un « premier de classe » qui mériterait l’agressivité de ses camarades… Quoi qu’il en soit, le dénominateur commun de tous les personnages créés par ce duo de choc aura été de permettre à leur interprète de dire aux invités de Philippe Gildas des vérités qui auraient fâché dans n’importe quelle autre bouche. Tous sauf un : l’abominable Gérard Languedepute, en effet, rapportait des propos qui n’auraient sans doute fâché personne sans le ton fielleux avec lequel cet échotier odieux les citait ; on a su bien après que tout ce que disait Languedepute était vrai, mais ce qui n’était souvent, à l’origine, que petite pichenette verbale proférée sur un ton complice devenait, dans sa bouche, un véritable coup de poignard . De ce point de vue, Languedepute était sans conteste le bouc émissaire de Chalumeau et De Caunes qui l’ont chargé de toutes les méchancetés gratuites afin que leurs autres personnages soient définitivement exemptés de cette tentation.

Vous le constatez, ces sketches m’inspirent des réflexions assez profondes : pas étonnant, donc, qu’on n’ait, par la suite, retrouvé une telle qualité, en matière d’humour télévisé, pour ainsi dire… Nulle part ailleurs !


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