Mardi 5 novembre
17h50 : Je rentre de Guilers où j’étais allé faire un saut au domicile de mes parents (actuellement en vacances) histoire de récupérer quelques affaires que j’y avais laissées. Je suis donc passablement chargé, ce qui me ralentit quelque peu, au Terminus, pour sortir du bus : le temps de reprendre mes bagages et de me diriger vers la porte, celle-ci se ferme déjà ! J’essaie d’en avertir le chauffeur, de même qu’un autre passager retardataire, mais le conducteur n’en a rien à foutre et une fois les autres voyageurs rentrés, il sort, vraisemblablement pour s’en griller une… Je fais donc ce qui est théoriquement interdit, je sors par l’entrée qui, elle, reste ouverte. Peu après, je monte dans un autre bus pour rentrer chez moi et je tombe sur une foule de passagers chauffés à blanc : le bus aurait dû partir depuis dix bonnes minutes mais il n’y a toujours pas de chauffeur ! Visiblement, il y a une embrouille dans l’organisation des relèves… En deux jours, j’aurai eu trois occasions de tâter le mépris dont les usagers du bus sont l’objet ! Pas forcément du personnel de base, bien sûr, mais certainement des chefs qui doivent prendre leurs décisions par-dessous la jambe parce que oh, hein, on va pas se casser le cul pour des minables qui sont pas foutus de passer leur permis, quand même.
Mercredi 6 novembre
11h : Je rentre de Guipavas où j’étais allé interviewer les représentants d’une association locale et une élue en vue d’un article. Cette fois, je ne suis pas beaucoup plus chargé à l’aller, j’ai juste dans mes poches une invitation à un vernissage que m’a donnée l’élue : c’est marrant de voir comme les gens se sentent obligés de vous gâter dès que vous représentez un média ! En tant que correspondant de presse, je ne suis pas payé cher, mais j’ai de sacrés avantages en nature… Quoi qu’il en soit, dans le bus, je croise un musicien de mes connaissances qui m’en apprend de belles : d’abord, qu’une chroniqueuse de LCI s’est permis de faire la leçon à une smicarde en disant qu’on ne divorce pas quand on est au SMIC ! Mon interlocuteur me suggère d’en faire un dessin : je lui répond que j’ai cessé de gaspiller mon petit talent à commenter toutes ces polémiques bidon qui seront oubliées au bout d’un mois. De toute façon, ça fait longtemps que je sais que la télé est le porte-voix des riches : si les gens tendent de plus en plus à délaisser les médias « traditionnels » au profit des réseaux sociaux, ce n’est pas pour rien… Au fil de la conversation, mon interlocuteur me fait savoir qu’il fait lui aussi partie des admirateurs de Reiser, Cabu, Wolinski et tous ceux qui avaient fait l’esprit « Charlie » ; mais peu après, il m’avoue aussi croire en Dieu ! Je n’ai pas pensé à lui demander comment il pouvait concilier les deux… Bon, j’avais déjà rencontré un prête catholique qui lisait Charlie Hebdo, mais je pensais que je ne verrais ça qu’une fois dans la vie !
Jeudi 7 novembre
9h : Je débarque chez l’infographiste de la fac pour voir un point de mise en page à propos d’un article que j’ai rédigé pour la revue Ridiculosa. Tout à coup, le bureau est plongé dans l’obscurité et les écrans des ordinateurs deviennent noirs : panne de courant ! Elle ne dure même pas deux minutes, mais ça suffit pour que le travail non-sauvegardé soit perdu ! Au risque de me répéter, c’est là qu’on voit la fragilité d’une civilisation basée sur l’électronique : je crois que ceux qui seront restés fidèles au papier auront un pouvoir immense dans un futur proche…
9h50 : Je sors des bureaux de Côté Brest avec, sous le bras, un gros paquet d’exemplaires du supplément Les quartiers insolites de Brest dont j’ai moi-même rédigé les textes : fier comme un pou et ayant un paquet à expédier, je me dirige vers la poste, mais celle-ci n’ouvre que dans dix minutes pour des raisons obscures. Je décide donc de profiter de l’occasion pour distribuer quelques exemplaires aux autres personnes qui attendent : une femme refuse et me sort un laïus sur « les fonctionnaires qu’on entretient à ne rien foutre et qui ouvrent à dix heures ». Ne voyant pas le rapport avec la publication que je lui propose et étant excédé par ce genre de discours (je n’oublie pas que mon père, enseignant, était fonctionnaire), je la traite de « poujadiste » et je m’écarte pour ne pas subir davantage d’imprécations. Et qu’on ne m’accuse pas de mépriser mon public : puisqu’elle a refusé de me lire, elle ne fait PAS partie de mon public !
15h : Conférence de presse pour le salon « A livres ouverts » au Centre Social de Kerangoff : Harold Kiefer en profite pour évoquer les coups de feu qui ont récemment retenti dans ce quartier et ont défrayé la chronique locale ; Harold a roulé sa bosse, il considère que la police ne sera pas longue à mettre la main sur les petites frappes qui ont fait ce chambard. Je n’en suis pas étonné : Brest n’a en commun avec le Bronx que les deux premières lettres de son nom, les délinquants sont généralement plus bêtes que méchants et ils ne sont pas des modèles de témérité. Alors la peur des « cailleras », laissez ça aux lecteurs du Figaro !
16h : En attendant un autre rendez-vous, je sirote un chocolat chaud à la boutique de la Brûlerie du Léon aux Capucins : la tasse me coûte trois euros mais le contenu est d’une telle qualité que je me dis que ça vaut bien ce petit plaisir qui n’a rien de quotidien… Une jeune femme que j’ai connue quand elle était encore doctorante me remarque et s’approche de moi : comme je dessine tout en consommant, elle me dit « Toujours les jolis dessins ! » Je réponds : « Jolis, je ne sais pas, mais toujours des dessins, oui. »