Vendredi 10 janvier
16h : J’ai été invité à la cérémonie des vœux du centre socioculturel de Guilers ; en faisant la route vers cette commune où j’ai grandi, je rumine deux problèmes auxquels je viens de faire face et qui me semblent symptomatiques de mon inadaptation chronique à cette époque. Premièrement, j’ai utilisé du déboucheur liquide pour mon évier et je ne sais que faire des flacons vides : à la mairie de mon quartier, on m’a suggéré d’aller à la déchèterie du Spernot… Mais il est impossible d’y aller sans voiture ! Deuxièmement, j’étais convoqué à la réunion d’une association, mais il y a eu un changement d’horaire et de salle au dernier moment : la secrétaire m’a prévenu par mail alors que j’étais déjà en route, je n’ai donc pas pu lire son message… Vu que mon portable n’est pas un smartphone ! Aux yeux de la société, un homme de mon âge est présumé possesseur d’un permis de conduire et d’un smartphone, je fais donc figure d’anomalie. Il est cependant hors de question que je fasse un effort « d’adaptation » (quel vilain mot !) : il serait illogique que je capitule devant le règne de la bagnole alors que je n’arrête pas de dire que la civilisation de l’automobile est la plus conne à avoir jamais vu le jour, et le portable « classique » m’est déjà un fil à la patte assez pesant sans y rajouter une connexion Internet permanente. De toute façon, depuis l’époque maudite du collège, je suis définitivement réfractaire à toute idée de conformation à une norme : intégration, piège à cons !
18h30 : La cérémonie des vœux commence. J’évite soigneusement de croiser le regard du maire de la commune, celui que j’appelle « Poivrot 1er » depuis qu’il a inauguré son premier mandat en prenant le volant en état d’ivresse, provoquant ainsi un grave accident de la route… Guilers a beau être la ville de mon enfance, quand j’y reviens, je me sens généralement le cœur tranquille et sec, comme quand je visite un quartier qui ne m’intéresse pas. Mais ce soir, c’est un peu différent : je revois des gens qui m’ont connu très jeune, qui ne m’ont pas oublié, qui suivent ce que je fais avec intérêt et qui semblent curieux de ce que je deviens. Je sens monter en moi une certaine émotion : non pas de la nostalgie, car je sais pertinemment que tout n’était pas rose quand j’étais un adolescent de Guilers, mais je suis touché par ces marques d’affection…
Samedi 11 janvier
10h : Après une nuit dans la maison de mes parents, momentanément absents (ce qu’ils font de leur retraite ne vous regarde pas), je reprends la route pour Lambézellec avec deux sacs pleins à bloc : dans l’un, une bonne partie de ma collection de Fluide Glacial, dans l’autre, tous les Côté Brest auxquels j’ai contribué. Une fois rentré, je constate que j’aurais assez de places dans mes placards pour caser tous mes Fluide ; dans la foulée, je classe mes Côté Brest dans l’ordre chronologique, mettant juste de côté, en vue d’un autre projet de conférence, ceux où je parle d’une femmes de lettres native de Brest. J’ai ainsi un aperçu de la façon dont le journal a évolué en cinq ans : quand j’ai commencé à y publier mes articles, il avait encore un grand format, genre tabloïd, mais il n’a pas tardé à adopter une mise en page plus pratique. Je constate aussi que je n’y ai pas toute de suite publié des articles historiques : il m’avait fallu un bon mois pour trouver mes marques, ce qui est finalement peu de choses. C’était il y a cinq ans, déjà… Putain, cinq ans !