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Henri Bergson, philosophe.

Publié le 11 mars 2020 par Perceval
Henri Bergson, philosophe. Henri Bergson, vers 1912

Plusieurs heures avant le début du cours de Henri Bergson (1859-1941), le valet de pied de la comtesse de Sallembier, retient sa place; puis une procession de voitures s'aligne devant le Collège de France. Bergson parle sans notes, parmi les auditeurs beaucoup d'hommes et de femmes du monde, et aussi des sténographes assermentés qui retranscrivent la parole du Maître avec exactitude...

Anne-Laure y croise également Charles Péguy, qui est un disciple fervent du philosophe... Depuis quelque temps elle fréquente le salon de Geneviève Bizet ( ex Straus, et née Halevy) au 104, rue de Miromesnil, et rencontre avec plaisir le clan Halevy, des gens cultivés et sans le moindre snobisme, en particulier Daniel Halévy (1872-1962), ami de Péguy et condisciple de Proust ... Geneviève Bizet lit tout ce qui parait et adore la conversation d'intellectuels... plutôt masculins; les femmes y sont moins nombreuses qu'ailleurs.

Bergson semble bien frêle, avec son col empesé ; mais quand il enseigne, ses paroles débordent d'énergie... Il propose de voir le monde dans leur épaisseur, et pour cela de ralentir le temps... Le réel c'est la durée, et « percevoir c'est immobiliser »... L'espace se loge dans les plis du temps, dans ses ondulations...

Henri Bergson, philosophe.

" (...) si vous voulez vous préparer un verre d'eau sucrée, fait-il remarquer à ses auditeurs du Collège en 1901, il faut attendre que le sucre fonde. Le temps de la fonte peut sembler inutile à celui qui a soif, il n'en a pas moins une valeur absolue. Car c'est à l'intérieur de ce temps que quelque chose de nouveau advient. Or ce quelque chose se donne à nous comme un bloc de durée, sans division possible. Ce que j'éprouve dans mon attente, ce n'est pas le "temps-longueur" des mathématiciens et des pendules, mais le "temps-invention", flux universel qui se creuse, s'intériorise, au lieu de s'écouler mécaniquement d'un point à un autre. C'est l'univers même en train de se faire. Décomposer la fonte en une infinité de petits morceaux de sucre qui se meuvent dans l'eau, c'est rater sa vérité profonde, car le monde n'est pas une somme de petits morceaux, pas plus que mon attente n'est faite de petites impatiences."

Henri Bergson, philosophe.

Bergson éclaircit des notions, qui sont traversées par le concept de durée, et qui vont occuper bien des scientifiques: le fini, l’infini, le relatif, l’absolu, le mouvement…

«Si j’envisage non plus du dedans mais du dehors le mouvement de mon bras qui se lève, si au lieu de le sentir, de me sentir l’accomplissant, je le regarde du dehors s’accomplissant, je vois qu’il traverse un point puis un autre point et ainsi de suite ; il parcourt autant de points qu’on voudra, et ce mouvement n’est pas autre chose, pour moi, que la succession des positions du mobile le long de sa trajectoire.»

La connaissance venue de dedans est absolue, «simple» et «indivisible». Celle que l’on a du dehors est relative, obtenue par «composition». C’est pourtant cette dernière qui est la connaissance d’usage, «car nous avons contracté l’habitude de considérer le mouvement comme étant essentiellement cela», une suite divisible de «positions qui se succèdent», mais qui, prises une à une, seraient autant…d’arrêts ( sources: Bergson côté cours de Robert Maggiori)

Henri Bergson, philosophe.

Le symbolisme est finalement une abstraction générale assez forte où les humains vont progresser de représentations en représentations pour signifier le plus de choses communes avec le moins de mots possibles.

La Quête qui nous motive ici, utilise le signe du Graal; ce signe fixe une attitude que nous exprimons par rapport à ce que nous souhaitons signifier... Le signe est un pont entre moi et la chose, il m'indique le trajet à suivre ... Le concept lui, s'inscrit plutôt dans une saisie intellectuelle...

Bergson emmène le lecteur vers une psychologie originale de la relation du sujet aux choses.

Henri Bergson, philosophe.
la Durée - Bergson - Alice Dell'Arciprete

Pour ''connaître ''; il est nécessaire de conceptualiser, et de percevoir; le concept a tendance à figer...

« Il faut que, par un effort d’intuition, nous cherchions à nous replacer dans la chose que nous voulons penser. Au lieu de prendre, du dehors, des vues sur elle, il faut que nous cherchions à sympathiser avec elle » Henri Bergson, Histoire de l’idée de temps. Cours au Collège de France

La pensée religieuse ou magique comme la pensée « scientifique » ne nous montrent qu’un aspect relatif de la réalité : ils symbolisent le monde plus qu’ils ne nous le montrent tel qu’il est.

La Quête du Graal, interroge l'âme, la mort et l'existence d'un ''au-delà''. Anne-Laure en cherche un écho dans l'oeuvre de Bergson...

Bergson entend intégrer dans sa réflexion, les témoignages de la science, mais aussi l'expérience mystique...

Dans le contexte de la psychologie de l’époque de Bergson, l’hypnose ( par exemple) renverse la subordination de l’esprit au corps en montrant l’action causale de l’esprit sur le corps.

Henri Bergson, philosophe.
Bergson au Collège de France

Dans le contexte de la IIIe République, la raison doit empêcher un retour en arrière vers la superstition... A l'inverse, Bergson pense que le fait religieux exprime un besoin biologique de l’espèce qu’aucune morale laïque ne saurait satisfaire.

Par la croyance, la nature humaine réagit en défense contre sa raison qui désenchante, contre l'inévitable mort et le néant possible, contre l'annihilation de la personne... Ces scénarios sont eux-même produits par l'intelligence ( la raison) parce que l'homme a la possibilité d'accéder à l'être, par sa négation ...

« Les philosophes ne se sont guère occupés de l’idée de néant. Et pourtant elle est souvent le ressort caché, l’invisible moteur de la pensée philosophique. Dès le premier éveil de la réflexion, c’est elle qui pousse en avant, droit sous le regard de la conscience, les problèmes angoissants, les questions qu’on ne peut fixer sans être pris de vertige » L’évolution créatrice, H Bergson

L'angoisse du néant, chez l'homme, est pour Bergson consubstantielle à l'intelligence; c'est en quelque sorte le ''péché originel'' de l'homme...

La mort est un ''scandale'' pour l'esprit. Nous avons l'expérience de la durée, et nous ne pouvons envisager l'instant dernier... Notre seule expérience est celle de la mort d'autrui...

Cette faculté créatrice qu'est l'intuition nous amène au coeur de l'être. La conscience nous permet d'affirmer l'existence: entre, penser un objet et le penser existant, il n’y a absolument aucune différence...

L’expérience de la conscience révèle notre participation à un principe conscient plus grand et impérissable... Et, l’impossibilité à se représenter le néant pourrait signifier l'existence de l'Etre même ...

« Quand un instinct puissant proclame la survivance probable de la personne, (on a) raison de ne pas fermer l’oreille à sa voix . » L’Evolution créatrice.


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