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Le journal du professeur Blequin (72)

Publié le 27 mars 2020 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le journal du professeur Blequin (72)Mardi 24 mars

10h : Albert Uderzo nous a quittés. Il y a de quoi être attristé car c’était sans doute le dernier grand nom de l’époque héroïque de la BD franco-belge. Bien sûr, il est mort riche et reconnu, mais ce n’est que justice : on peut toujours discuter de la qualité de ses derniers scénarios, ça n’enlevait rien à son talent de dessinateur, qu’il avait eu pourtant bien du mal à imposer. En effet, à ses débuts, les éditeurs voyaient d’un très mauvais œil ce « métèque » (il était fils d’immigrés italiens) qui faisait des gros nez à tous ses personnages, et il a longtemps galéré avant de rencontrer un autre « métèque », un juif ashkénaze, lui aussi méprisé des éditeurs qui le trouvaient trop intellectuel (c’est dire s’ils croyaient en l’intelligence de leur lecteurs), et avec lequel il allait donner naissance à un sympathique petit Gaulois… La suite, vous la connaissez. Bref, il ne l’avait pas volé, son pognon ! Il avait 92 ans, il est mort de vieillesse, c’est une consolation. Manu Dibango est mort lui aussi. De vieillesse lui aussi. Si, si, ne me dites pas le contraire : à 86 ans, de toute façon… 

16h : Sur les réseaux sociaux, certains internautes vilipendent les gens qui, selon eux, feraient fi du confinement et sortiraient faire des balades en famille histoire de profiter du soleil… S’ils le pouvaient, ils les dénonceraient à la Kommandantur ! Bien entendu, les inciviques irresponsables, ce sont toujours les autres, jamais nous ! C’est un peu facile de juger : qu’est-ce qui nous dit que tous ces gens ne sortent pas par nécessité ? Quand on habite dans une grande ville, même si on limite les déplacement au strict nécessaire, il ne faut pas s’attendre à avoir l’impression de vivre en plein désert ; il ne faut pas non plus se fier à l’attitude des gens : s’ils paraissent souriants et insouciants, c’est peut-être aussi parce qu’ils ont leur attestation sur eux, et ils n’ont pas de souci à se faire s’ils sont en règle… Le virus ? Toutes les régions ne sont pas touchées au même degré, et puis les gens vont finir par le savoir, qu’il n’est mortel que dans une infime proportion des cas. De toute façon, quand bien même une telle ambiance régnerait au centre-ville de Brest, je ne la retrouve pas dans mon quartier de « sauvages » : je sors faire quelques courses et je croise peu de gens, les seuls à prendre des risques pour leur santé sont ceux qui font la queue… Au bureau de tabac ! Ils ont plus de chances de mourir d’un cancer que du covid-19…

Mercredi 25 mars

11h : Il y a un an jour pour jour, on me remettait les clés de mon appartement. J’espérais certes qu’un an plus tard, j’y serais tellement bien que je n’en sortirais plus, mais ce n’était pas exactement comme ça que je voyais les choses…

Jeudi 26 mars

13h : J’ai honte de le dire, mais j’ai bien du mal à me sentir vraiment concerné par ce qui se passe. Comprenez-moi : quand j’ouvre mes volets, le ciel est bleu, les insectes volètent, les oiseaux chantent, le voisin qui a un jardin joue au ballon avec son petit garçon… Si encore j’avais des raisons de m’inquiéter pour mes proches : je n’avais que deux personnes contaminées parmi mes connaissances et elles sont déjà guéries ou en voie de rémission. Sorti de ça, aucune nouvelle alarmante. Tout ce que je vois, c’est que tous les événements auxquels j’étais censé contribuer sont annulés ou reportés, que je me retrouve seul comme un con dans mon appartement, que je ne sers plus à rien, que je ne manque à personne… Bon, je ne suis pas à plaindre non plus : bien sûr, si j’étais dans une région où le taux de contamination est plus élevé, si je travaillais dans un hôpital, si j’étais obligé d’être dehors la plupart du temps, je raisonnerais autrement !


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