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Le journal du professeur Blequin (89) Ma première sortie post-confinement (1)

Publié le 11 mai 2020 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (89) Ma première sortie post-confinement (1)

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Lundi 11 mai

8h : Je me lève. Le ciel est gris, le vent souffle fort, il fait froid. La météo ne s'était pas trompée. De mon point de vue, je distingue peu d'animation, mais j'habite probablement dans un des coins les plus tranquilles de la ville et le confinement n'y avait pas changé grand' chose. J'imagine que beaucoup de gens auront été dans la même situation, suffisamment en tout cas pour relativiser la dureté de cette épreuve... Cela dit ce n'est pas un jour ordinaire qui se lève : j'ai bien l'intention de marcher jusqu'au centre-ville et je n'aurai sûrement pas fait d'aussi longue marche depuis le 16 mars ; peut-être même avant !

9h : Je sors de mon appartement, porteur d'un chargement qui remplace avantageusement l'attestation désormais inutile. Dans ma main gauche : un sac plastique bourré de déchets recyclables ; dans la droite : mon cabas contenant mon carton à dessins car je dois numériser quelques planches trop grandes pour mon scanner ; dans mon sac à dos : du courrier à poster et un casse-croûte. Je constate que le ménage a été fait dans les couloirs de mon immeuble : si les employés chargés de cette besogne lancent une pétition pour réclamer une augmentation de salaire, je jure de la signer les yeux fermés.

9h15 : Un surcroît d'animation semble avoir gagné le petit bourg de Lambé : tout le monde n'est pas masqué, ce qui me réconforte. Je profite du conteneur à déchets recyclables, présentement vide, pour évacuer le contenu de mon sac plastique. Ce petit élément de mobilier urbain est orné d'une affichette précisant qu'en raison du non-ramassage des poubelles jaunes, il ne faut rien mettre dans le conteneur quand il est déjà plein ; j'ai ainsi la confirmation que le ramassage des poubelles jaunes est suspendu et j'avoue que je ne comprends pas pourquoi les déchets non-recyclables sont prioritaires en temps de crise sanitaire.... Je passe la boulangerie, la seule ouverte le lundi : la baguette classique m'y a déçu, mais une tradition me suffira à tenir jusqu'à demain matin. S'il n'y avait pas les distances de sécurité à respecter dans la file, je pourrais croire que tout est normal, le port du masque n'est même pas obligatoire - et entre nous, quelle habitude de rustre, celle de se coller les uns les autres quand on fait la queue ! La baguette tradition coûte 1,10 euro : heureusement, car j'avoue que ça me fait un peu mal de dégainer la carte bancaire pour moins d'un euro ! En sortant, je laisse s'envoler mon ticket de caisse : je me sens obligé de présenter mes excuses aux balayeurs que je croise ! Ces braves travailleurs, peu habitués à ce qu'on respecte leur labeur, ont dû croire que j'étais malade d'autre chose que du coronavirus...

9h45 : J'arrive au bureau de tabac où je dois retirer un colis. Je dis au patron qu'il fait froid mais que c'est bien agréable de sentir le vent après toutes ces semaines de semi-réclusion ! Je suis sincère et, le croiriez-vous, il ne me contredit pas ! De toute façon, profitons de la fraîcheur, il parait que l'été va être chaud ! La rentrée aussi, sûrement, mais pour d'autres raisons...

10h : Au niveau de Saint-Martin, je m'offre une pause en sonnant à la porte de Jean-Yves, mon vieil ami graphiste : je dois être son premier visiteur ! Il est ravi de me revoir et n'en finit pas de me parler : tenir une vraie conversation a dû lui manquer. Je lui montre mes planches en exclusivité, ses compliments me réchauffent le cœur. Avant que je ne parte, il me signale qu'un particulier, lors d'une soirée un peu " légère ", a tagué des poules sur des culs féminins et a publié son " œuvre " sur les réseaux sociaux... Je tiens donc à faire une précision : OUI, c'est bien, lui, Jean-Yves, qui tague des poules un peu partout à Brest, ses gallinacés ont même fait le tour du monde sur des voiles ou des coques de bateaux, mais NON, il n'est pour rien dans cette initiative que je trouve pour le moins douteuse ; attention, je ne suis pas bégueule, ils suffit de fouiller un court instant dans ma production graphique pour s'en rendre compte. Seulement voilà : qu'on fasse des tags sur des culs féminins, passe encore, mais je trouve pour le moins déplacé qu'on étale ça sur Internet. Je vous prie donc instamment de ne PAS associer mon ami Jean-Yves, respectable grand-père de quatre enfants, à des dégueulasseries de ce genre : pigé ?

10h45 : J'arrive au Bureau Vallée de la rue Yves Collet et profite de la solution hydroalcoolique mise à la disposition des clients à l'entrée : non que je sois inquiet, mais c'est quand même bien agréable, quand on a marché pendant un certain temps, de se laver les mains... Je fais scanner mes planches : sorti du fait qu'il fallait parler aux employés derrière une espèce d'hygiaphone, le changement n'est pas énorme. Une fois cette formalité accomplie, j'en profite pour acheter une cisaille, des enveloppes, du chatterton, des essuie-tout, des serviettes en papier et une bouteille d'eau de source : ça vous étonne qu'on trouve ces trois derniers articles dans une boutique de fournitures de bureau ? Et bien moi, non ! Je ne suis pas surpris, mais je suis bien chargé et mon périple est loin d'être fini...

11h30 : J'ai descendu la rue Jean Jaurès avec mon chargement. Dernière étape : le bureau de poste du haut de la rue de Siam. Ouf, il est ouvert ! Bien entendu, il faut faire la queue dans la rue : heureusement que ça avance bien, sinon on risquerait davantage la pneumonie que le covid-19 ! Une fois entré, je suis bien surpris de constater que le masque n'y est pas obligatoire ! Un postier me prend en charge, mais son ordinateur refuse de délivrer les vignettes pour affranchir mes trois enveloppes : il m'oriente donc vers les automates dont j'aurais spontanément usé si je n'avais pas été orienté vers un employé de chair et de sang... Dire qu'il n'y a pas si longtemps, j'allais d'emblée au-devant des postiers et rouspétais quand on m'orientait vers les automates : curieux retour des choses, quand même ! Alors que j'achète mes vignettes, un jeune employé zélé se sent obligé de me préciser que je pourrais gagner du temps, vu que j'ai plusieurs enveloppes, en appuyant sur " acheter plusieurs produits " : je n'en fais rien car j'ai peur de m'emmêler les pinceaux au moment de coller les vignettes ; de surcroît, j'ai horreur qu'on me dérange quand je suis concentré sur une tâche quelconque, surtout si c'est pour me prendre pour un môme ! J'ai bien du mal à rester poli en donnant congé à cet interlocuteur indésirable : à ma décharge, comment ne pas être agacé par ces intrusions intempestives qui n'ont pour but que celui de forcer les gens à utiliser les machines comme on l'a prévu pour eux, comme de bons petits soldats ? La prochaine étape, c'est quoi ? Ils nous en donneront l'ordre en aboyant comme un adjudant de carrière et on devra leur répondre " chef, oui, chef ", peut-être ? Voilà qui n'émeut pas plus que ça ceux qui avaient hurlé au totalitarisme dès l'annonce du confinement - mais ça ne m'étonne qu'à moitié.

A suivre...

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