http://legraoullydechaine.fr/2020/06/12/ces-mots-durs-a-dire/
Il y a des mots durs à dire, mais les agents des forces de l'ordre ne sont pas tous des pourris : témoins ces flics américains qui ont désavoué leurs collègues meurtriers de George Floyd et ont même posé le genou à terre en signe non seulement de solidarité envers les victimes de violences policières mais aussi de défi envers Donald Trump. On ne s'y attendait pas, on a plutôt l'habitude que l'obéissance aveugle à l'autorité et le corporatisme s'expriment quand des perdreaux assassinent un individu qui ne ressemble pas à un mâle blanc.
Il y a des mots durs à dire, mais les militaires ne sont pas tous des dégueulasses : témoins les officiers américains qui ont refusé d'obéir à Donald Trump et de charger les manifestants qui bravaient les risques sanitaires pour crier leur dégoût du racisme et de la violence d'État. D'habitude, quand l'armée n'obéit plus au pouvoir, c'est mauvais signe mais, dans le cas présent, ça évoque davantage la révolution des Œillets au Portugal que le coup d'État de Pinochet au Chili, tant il est vrai que Trump n'évoque que d'assez loin Salvador Allende.
Il y a des mots durs à dire, mais les hommes d'Église ne sont pas tous des salauds : témoin le Pape François qui a ouvertement condamné toute forme de racisme. Bien sûr, venant du chef d'une institution qui a été rarement regardante concernant la tolérance de ses représentants et de ses ouailles, ça sent fort le repentir tardif (quoique bienvenu) voire l'opportunisme pur et simple, mais si ça peut détourner les croyants du racisme ordinaire, ce sera déjà bien : ils ne seront pas moins bêtes, mais ils seront déjà moins méchants, et comme disait le poète, quand les cons sont braves....
Il y a des mots durs à dire, mais les chefs d'État ne sont pas tous irrécupérables : témoin Boris Johnson, que l'on aurait pu croire plus proche de Donald Trump et qui a pourtant déclaré que le racisme " n'avait pas sa place dans nos sociétés ". Il aurait très bien pu dire le contraire, il n'est pas à une connerie près et le sort des Noirs, en Amérique ou ailleurs, ne doit pas empêcher de dormir son électorat pro-Brexit : tant pis s'il veut seulement éviter de charger excessivement son ardoise pour le jour où les Britanniques retourneront aux urnes, c'est peut-être l'amorce d'un reflux des dérapages xénophobes auxquels nos politiciens nous ont habitués.
En fait, tous ces mots ne sont pas si durs à dire : j'ai beau détester le pouvoir et tous les corps constitués, je sais bien qu'un policier, un militaire, un curé et un politicien sont tout de même des êtres humains même s'ils font un sale métier. Non, ce qui est vraiment dur à dire, c'est qu'il faut encore parler, crier, manifester, argumenter... Bref, lutter contre le racisme. Alors que nous sommes déjà en 2020. Alors que l'esclavage est aboli depuis plus d'un siècle et demi. Alors que nos constitutions sont censées garantir l'égalité entre les hommes. On est encore à devoir combattre le racisme à notre époque : ça, oui, ce sont des mots durs à dire. Très durs à dire.