Le 2 avril, journée de sensibilisation à l'autisme, tombe cette année Vendredi Saint. On comprend dès lors que La Croix ait pris un peu d'avance pour évoquer le sujet, sous l'angle de l'insertion professionnelle des personnes avec autisme.
Rappelons d'abord que les troubles autistiques revêtent de multiples formes. On parle désormais de continuum ou de spectre autistique. Et c'est bien ce que montrent les différentes personnes évoquées dans les articles du dossier du 30 mars : il y a autant de formes d'autisme que de personnes autistes.
Certaines semblent atteintes, comme moi, du syndrôme d'Asperger.
Pour quelques-uns, médecins, associations, parents d'autistes profonds, ce ne serait pas une "véritable" forme d'autisme. Trop discret ? Chez les femmes, c'est même une différence invisible pour reprendre le titre de la bande dessinée dans laquelle Julie Dachez raconte son parcours. Je ne la contredirais pas, moi qui n'ai compris qu'à l'approche de la cinquantaine que j'étais concernée.
Et c'est justement l'invisiblité de ma différence qui complique tout.
Y compris là où on pourrait croire que la bienveillance pour toutes les différences va de soi : je veux parler de ma paroisse.
Oui, mais voilà : quand je m'engage, je ne sais pas faire les choses à moitié, je les fais à fond, ou pas ; j'ai une idée à la minute ; je vois des problèmes là où personne n'en voit ; et au contraire je n'en vois pas là où tout le monde en voit ; pour pouvoir exprimer correctement ce que je pense dans une réunion, il ne faut pas plus de quatre personnes autour de la table, et encore à condition que je ne sois pas déstabilisée par une éventuelle agressivité diffuse, voire un humour que je ne comprends pas, sinon je bafouille et je me referme comme une huître ; le small-talk m'est étranger, et parce que je n'y participe pas, on me pense hautaine, voire méprisante ; je passe sur la sensibilité permanente à la lumière et au bruit qui m'épuise et m'oblige parfois à m'isoler, ce qui est interprété comme du dédain. Et cætera, et cætera, et cætera...
Alors je me suis attiré de solides inimitiés. Un jour que j'évoquais ma dernière idée, la réaction de mon interlocuteur a été cinglante : "tu vas encore te fâcher avec tout le monde !"
Je crois bien avoir entendu parler de quelqu'un qui s'était fâché avec tout le monde, il y a 2000 ans. Il a fini sur une croix. C'est d'ailleurs précisément ce qu'on commémore ce 2 avril dans toutes les paroisses catholiques du monde.
Moi, on ne m'a pas crucifiée, certes. Juste humiliée en réunion de catéchistes, pour ne reprendre que ce souvenir cuisant. A cette époque, j'étais en cours de diagnostic, je n'étais pas étiquetée autiste. Est-ce que cela aurait changé quoi que ce soit ?
J'avais pourtant connu quelques années auparavant une autre paroisse où au contraire j'avais été très bien acceptée, telle que j'étais, par le curé lui-même et par suite, par toute la petite communauté. Mon regret : avoir eu la naïveté de croire que toutes les paroisses de France et de Navarre seraient également accueillantes pour ma différence.
Autistiquement vôtre,