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Les harceleurs ont leurs raisons…

Publié le 01 septembre 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Bon, je sais, on va encore me reprocher de ressasser mes mauvais souvenirs de collège. Mais ce n’est pas de ma faute si on ne se remet jamais vraiment d’avoir été harcelé en plein âge tendre. Ce n’est pas non plus de ma faute si le harcèlement en milieu scolaire reste une réalité et qu’on n’en est encore qu’aux balbutiements de cette lutte contre ce fléau qui conduit des jeunes gens innocents au suicide. Si le monde était moins chiant à vivre, je le serais peut-être aussi.

Et puis il y avait longtemps que je voulais souligner un aspect du harceleur moyen qui m’a toujours marqué : il ne reconnaîtra jamais, ou alors des années plus tard, le mal qu’il fait à sa victime. Pire, il est même souvent persuadé de bien agir. En soi, ça n’a rien d’anormal : en général, le harceleur a à peu près le même âge que le harcelé, ce qui veut dire qu’il est déjà assez grand pour faire le mal mais pas encore assez pour s’en rendre compte. D’où les énormités que j’ai entendu proférer par mes tourmenteurs qui, en tant que telles, n’auraient été que d’une gravité limitée si les adultes n’avaient pas été disposés à y prêter foi.

La « stratégie » la plus répandue par le harceleur essayant de plaider sa cause consiste bien entendu à nier purement et simplement le mal qu’il fait à sa victime : il peut dire « on ne fait rien de mal, on joue » ou alors « c’est de l’humour » ; dans tous les cas, il accuse ainsi implicitement le gamin en larmes à côté de lui de jouer la comédie pour se faire plaindre ou alors d’être un rabat-joie qui ne sait pas s’amuser. Cette défense marche auprès de certains adultes, surtout si le harceleur a l’idée géniale d’ajouter « il prend tout au premier degré » : en général, il ne sait pas ce que ça veut dire, mais ça suffit, aux yeux des majeurs naïfs, à lui donner l’air intelligent.

Le tourmenteur qui n’ose pas nier les faits peut aussi essayer de retourner la situation en sa faveur en s’érigeant en victime : au mieux, il se dit victime du système scolaire en accusant les adultes de le harceler, sur l’air de « c’est toujours moi qui prend », au pire, il prétend que le tourmenté mérite le traitement qu’il lui inflige ; dans ce cas, comme c’est rarement l’imagination qui l’étouffe, il ne s’embarrasse pas d’imaginer une agression qui l’aurait mis en état de légitime défense et préfère présenter les prétextes l’ayant conduit à choisir sa victime comme des raisons valables pour lui pourrir la vie : il peut lui reprocher d’être mauvais en sport de le pénaliser sur la seule matière susceptible de sauver sa moyenne, d’être favorisé parce qu’il est meilleur élève, d’avoir une sale gueule… Quand on se cherche une tête de turc, tous les prétextes sont bons, et quand on n’en trouve pas un, on en invente un ! Ce serait presque drôle si les adultes n’étaient pas si sensibles à ces arguments de merde : combien de fois n’ai-je pas entendu des pions, des profs ou des surgés me dire que je devais faire des efforts pour m’intégrer, ce qui peut se traduire par « on ne peut pas demander aux autres d’être moins cons, alors essaye d’être moins intelligent » !

Mais la pire des défenses, d’autant plus perverse qu’elle paraît innocente, est celle qui se résume à la phrase « je n’ai fait que suivre le mouvement », version à peine édulcorée du tristement célèbre « je n’ai fait qu’obéir aux ordres » qui a fait la carrière que l’on sait à Nuremberg en 1945, à cette différence près que celui qui « suit le mouvement » n’a jamais, contrairement à celui qui « obéit aux ordres » l’excuse de risquer la prison ou une balle dans la peau. Quoi qu’on en dise, celui qui « suit le mouvement » ne risquerait absolument rien à agir autrement que le reste du troupeau. Ce n’est donc pas une excuse valable et il est du devoir des adultes d’expliquer clairement que personne n’est obligé de régler sa conduite sur celle d’une quelconque grande gueule, surtout si les conséquences peuvent être néfastes pour autrui.

Désolé si je parais moralisateur, mais vous l’avez compris : ce sujet m’affecte trop pour que je puisse faire montre de… Second degré !


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