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Le journal du professeur Blequin (177)

Publié le 30 octobre 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le journal du professeur Blequin (177)Dimanche 24 octobre

9h : Parmi les œuvres que j’avais emmenées à Porspoder pour les exposer, il y avait ma peinture représentant la sorcière Hazel, devenue belle malgré elle dans Broom-stick Bunny, en bikini. Je m’attendais à ce que ça provoque pas mal de réactions mais, pour l’heure, le public a surtout été frappé par le faux Van Gogh peint par ma défunte tante et complété par mes soins. Il s’est quand même trouvé quelqu’un dont la curiosité a été éveillée et à qui j’ai donc pu expliquer que j’avais été marqué, étant enfant, par cette scène où cette sorcière hideuse (mais pas effrayante) se transforme en une superbe rouquine dont le physique doit autant à June Foray, la comédienne qui lui prêtait sa voix, qu’à la femme du réalisateur du cartoon, le grand Chuck Jones. En m’entendant prononcer ce nom, mon interlocuteur a eu comme une illumination et m’a assuré qu’il avait entendu parler à la radio d’un chanteur français qui avait consacré tout un album à ce grand créateur de dessins animés, le seul qui pouvait rivaliser avec Tex Avery. Aussi, ni une ni deux, une fois rentré chez moi, j’ai fait une recherche sur le web pour en savoir plus… Et je n’ai rien trouvé.

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Renseignement pris, il s’agissait en fait de Jean-Louis Murat qui a consacré un album à… Buck John. Un musicos ringard qui rend hommage à une BD western ringarde, ça fait ton sur ton ! J’aurais dû me douter que mon visiteur ne connaissait pas grand’ chose aux cartoons et qu’il ne devait pas se trouver quelqu’un, parmi les chaussettes molles de la chanson française actuelle, qui soit capable d’apprécier à sa juste mesure le génie du créateur de Bip-Bip et Coyote ! Je suis presque soulagé, je suis dispensé de m’intéresser à la musique de ce vieux con de Murat ! Vous me trouvez injuste ? Sachez donc que c’est en faisant cette recherche que j’ai appris que ce crétin soutenait Eric Zemmour ! En plus, il affirme que ce qu’il aime chez ce sale type, c’est son côté « Fuck the system »… Croire que Zemmour est anti-système, c’est comme croire que Mc Donald’s est diététique ou que Cyril Hanouna est drôle ! Moi, ce que je n’aime pas chez Murat, c’est son côté « degré zéro de la réflexion politique » ! Entre autres !

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17h30 : L’expo à Porspoder touche déjà à sa fin, le moment est venu de remballer. Pour ma part, le bilan n’est pas négatif, j’ai réussi à rentabiliser l’emplacement grâce à mes produits dérivés – livres, calendriers, badges, etc. Tout le monde ne peut pas en dire autant : même l’asso organisatrice n’a pas collecté assez d’argent pour rentrer dans ses frais, elle ne pourra pas faire un don à Emmaüs comme elle le prévoyait… Je dois avoir un sens des affaires plus développé que je ne l’imagine moi-même, mais je ne suis pas non plus un Jeff Koons de la dérision : comme disait Wolinski, « ces artistes aidés par des exécutants qui obéissent à un canevas rigoureux et à un nuancier d’une précision extrême pour réaliser des Popeye gonflables, des rabbit, des homards géants exposés à Versailles, je n’envie pas leur succès »… Moi non plus : je suis déjà assez fier de moi quand on m’annonce que le dessin dont j’avais fait don à la tombola a été gagné par une femme de goût.

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Je l’admets : une jeune fille en maillot, c’est toujours joli…

17h45 : La présidente de l’association est censée me ramener à Brest, mais nous devons d’abord dîner ensemble puis assister à un concert de Benoît Blue Boy organisé dans le cadre du festival Aber Blues : comme elle doit encore finir de ranger alors que j’ai assez vite fait de remballer mes affaires, je décide de faire un tour sur la plage toute proche pour patienter. Je regrette assez vite d’avoir mes des chaussures de ville, je ne pensais pas un instant, ce matin, que j’aurais l’occasion de faire une promenade ! Je ne m’éloigne pas trop, pour ne pas m’égarer dans cette commune où je ne connais personne, ce qui me permet de croiser une famille en goguette dont les deux jeunes filles, malgré la température de l’eau qui ne doit pas être très élevée, piquent néanmoins une tête… Je ne m’attarde pas pour ne pas être traité de voyeur (de toute façon, je regardais surtout leurs chiens qui jouaient) et j’aboutis finalement sur les dunes avoisinant le restaurant Le Chenal, où je retrouve, de façon fortuite, une ancienne collègue de lycée ! Celle-ci est aujourd’hui institutrice et mère de deux jolies jeunes filles, visiblement métisses… Je suis content pour elle, même si ça me donne un coup de vieux ! C’est ça, le tragédie de la vie telle que la comprenait Albert Camus : il faut accepter que le temps passe, que rien n’est éternel et que la mort est inévitable pour pouvoir apprécier ce que la vie a à nous offrir. C’est ce qu’il appelait le « consentement pathétique et joyeux »… Et dire qu’il y a des imbéciles qui disent que Camus n’était pas un grand philosophe ! En revanche, quand je vois les deux petites métisses de mon ancienne camarade, je me dis que les discours de Zemmour n’ont décidément rien à voir avec la réalité : Jean-Louis Murat n’a donc aucune excuse ! On parlera encore de Camus quand Murat et Zemmour seront oubliés depuis longtemps !

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Albert Camus

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20h30 : Le concert de Benoît Blue Boy commence. De son vrai nom Benoît Billiot, c’est déjà un vieux de la vieille (il est plus âgé que mon père !) qui porte encore casquette sur l’œil et chemise à carreaux et chante en français des airs de blues, accompagné de deux musiciens qu’il présente plusieurs fois dans la soirée – il est vrai que le guitariste et le bassiste assurent comme des bêtes. Il fait même une reprise des Chats sauvages ! De quoi ravir Didier L’embrouille… Ou pas. Plus sérieusement, cette approche « frenchy » du blues est plutôt bien menée et pas du tout incongrue (n’oublions pas que la musique noire s’était épanouie dans des Etats américains où le Français est encore parlé de nos jours) on sent l’expérience du chanteur et c’est rafraîchissant de se retrouver happé par une ambiance populaire à l’ancienne (sans connotation péjorative), loin des polémiques bidon, des réseaux sociaux, des idéaux frelatés, de la promotion de la réussite sociale… On se surprend à avoir envie de siroter une bière bas de gamme dans un bistrot crado qui sentirait encore la clope et où des gros beaufs en bras de chemise liraient L’équipe ! Je suis d’autant plus privilégié que la salle n’est pas pleine, ce à quoi les organisateurs du festival, à ce que j’entends, n’étaient pas habitués : visiblement, les gens continuent à avoir peur de sortir… Quelle tristesse !
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21h30 : Un spectateur fait un malaise. On ne peut s’empêcher de paniquer dans de telles circonstances, surtout dans le contexte actuel : je me vois déjà considéré comme « cas contact » et confiné pendant une semaine alors que je suis à jour de vaccin ! Même sans penser à ça, convenons qu’il n’est jamais amusant de se dire que quelqu’un est en train de mourir sous vos yeux ! En fait, ce monsieur avait seulement du mal à respirer et a été vite remis sur pied : il en sera quitte pour être conduit aux urgences par précaution… Ma voisine, la femme qui doit me ramener à Brest, a fait montre d’un stoïcisme assez exceptionnel pendant ce petit drame : c’est une dame qui a vécu, qui a vu suffisamment de choses pour ne pas paniquer au premier imprévu, qui a « dû faire toutes les guerres pour être si si forte aujourd’hui »… Je l’admire d’autant plus qu’elle me parle de temps à autre des célébrités qu’elle a côtoyées au cours de son existence : je finis par lui dire, ironiquement, « vous aurez plus vite fait de me dire qui vous n’avez pas connu », mais au fond, elle m’impressionne : il faut remonter à ma rencontre avec Geneviève Gautier pour que je retrouve le souvenir d’une femme d’âge mûr à ce point digne d’être l’héroïne d’un roman…

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Lundi 25 octobre

10h : Il y avait déjà quelques temps que je ne m’étais plus permis une grasse matinée ; mais cette semaine, la rédaction de Côté Brest m’a assuré que je pouvais lever le pied, ce que je fais avec plaisir après ce week-end chargé. Je travaille néanmoins sur quelques-uns des mes projets à long terme, à commencer par le livre inspiré du périple de Yann Quénet qui fait le tour du monde à bord de son voilier de quatre mètres appelé Baluchon ! Ne riez pas : il a déjà fait plus de la moitié du parcours ! Après avoir traversé trois océans, il vient de quitter la Réunion et vogue maintenant vers l’Afrique du Sud ! Et tout ça sans les énormes moyens financiers dont bénéficient la plupart des navigateurs médiatiques, ni le moindre sponsor ! Evidemment, ça commence à attirer l’attention : n’ayons pas peur des mots, il est en train de devenir une vedette, les médias s’intéressent de plus en plus à lui. Au passage, ça fait une sacrée publicité à mon copain Jean-Yves qui avait peint une de ses fameuses poules sur la coque du bateau… En tout cas, Yann nous prouve, si besoin était encore, qu’il faut avoir le courage de croire en ses rêves et d’aller jusqu’au bout de sa passion (à condition d’en avoir une, bien sûr) : je ne serai pas étonné que nous soyons nombreux à l’accueillir en triomphe quand il rentrera en Bretagne, et ce sera mérité… Je ne sais pas ce que j’ai, en ce moment, à dire du bien de presque tout le monde !

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14h : Je continue à retravailler le recueil de nouvelles de Geneviève Gautier. J’en ai déjà relu plus de la moitié et une évidence me saute aux yeux : étant donné que chacune de ces histoires a pour toile de fond un cadre historique et géographique bien précis, si je veux pouvoir organiser une manifestation scientifique autour de cet ouvrage, la meilleure chose à faire sera de contacter directement les chercheurs spécialistes des périodes et / ou des aires géographiques concernées ! Je m’en veux presque de ne pas y avoir pensé plus tôt ! Non seulement l’éventail est assez large (des Ardennes pendant la guerre de 1870 au Brésil de la fin du XXe siècle en passant par l’Afrique fraîchement décolonisée) mais surtout, j’ai assez de relations dans les milieux universitaires pour trouver les bonnes personnes ! De surcroît, j’ai reçu une lettre d’un parent de feue Geneviève qui me confirme que j’ai les coudées franches pour décider du sort de ses écrits : si j’étais mégalo, je dirais bien que j’ai tort de sous-estimer mon pouvoir…

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Mardi 26 octobre   

23h30 : Je me couche inhabituellement tard : j’ai passé la journée à dessiner, ne m’interrompant que pour manger. Il faut dire que je n’ai pas d’excuses pour ne pas me consacrer à corps perdu à mon œuvre : la librairie Dialogues, qui recrutait pour les mois de novembre et de décembre, a rejeté ma candidature… Est-ce que j’ai eu tort de leur préciser que j’étais autiste Asperger ? Je ne pense pas : ils auraient vu de toute façon que j’avais quelque chose de « pas normal ». Est-ce que j’étais trop diplômé pour eux ? C’est bien possible : de toute évidence, ils voulaient des « losers » à qui confier les tâches « ingrates » et mal payées (et donc les plus indispensables au bon fonctionnement de la boîte)… Vous trouvez que j’en parle avec désinvolture ? Peut-être, mais avec tout ce que nous venons de subir ces derniers mois, je relativise de plus en plus de choses, et puis je ne veux plus laisser qui que ce soit me faire croire que je n’ai pas de valeur ! On ne veut pas de chez moi chez monsieur Kermarec ? Tant pis pour eux, ils ne savent pas ce qu’ils perdent ! Cela dit en toute modestie, bien entendu…

Mercredi 27 octobre

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13h : Relevant mon courrier et mes messages, j’encaisse deux mauvaises nouvelles : premièrement, les responsable du Comœdia, à qui j’avais envoyé un book, me fait savoir que mon travail ne correspond pas à ce qu’ils souhaitent exposer. J’aurais dû me douter que le dessin d’humour tel que je le pratique n’était pas assez « classe » pour ces messieurs-dames ! Bon, à leur décharge, ils ont quand même l’amabilité de me renvoyer mon dossier, ce qui me permettra d’essayer ailleurs… Deuxièmement, une de mes meilleures amies m’apprend que ses deux enfants ont été déclarés « cas contact » ! Résultat : test PCR pour toute la famille (aïe !) et une semaine de confinement… Tous ses projets pour les vacances de la Toussaint sont à l’eau alors que je suis prêt à parier qu’elle n’a rien du tout ! Voilà la France d’aujourd’hui : on met des gens en bonne santé en quarantaine ! Curieusement, ça n’a pas l’air d’émouvoir outre mesure tous ces abrutis qui considèrent la vaccination comme une atteinte à leur liberté…

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15h : Je n’en reviens pas, j’ai enfin réussi le montage sur lequel je peinais depuis deux semaines ! Je vais pouvoir travailler sérieusement sur le contenu de ce sketchbook qui est dans mes projets depuis déjà des mois… De mes échecs passés, je tire une conclusion que je vais formuler sous la forme d’un bon conseil : quand vous devez exécuter une tâche à laquelle vous n’êtes guère habitué, arrangez-vous pour dégager au moins une demi-journée au cours de laquelle vous n’aurez que ça à faire, de manière à ce que le stress généré par l’utilisation d’un nouvel outil ne soit pas aggravé par l’obligation de respecter un horaire ! En clair, cette tâche doit retenir toute votre attention pour avoir une chance d’être menée à bien et ne doit pas être intercalée entre deux autres travaux importants voire entre deux rendez-vous à ne pas manquer ! On devrait toujours pouvoir travailler dans des conditions confortables : vous ne me ferez pas croire que les partisans du management par le stress obtiennent des résultats satisfaisants sur le plan du rendement… Une fois délesté de ce montage, je me lance dans une tâche répétitive : un grand dessin que je dois compléter d’une toile de fond faite de petits points. J’apprécie ce genre de travail où ma créativité n’a pas à être mobilisée, ça me repose l’esprit ; je ne dois pas être le seul : dans Le fait du prince, Amélie Nothomb exprimait déjà son goût pour ces tâches apparemment ingrates qui ne sollicitent pas la réflexion et qui, pour cette raison justement, se révèlent apaisantes malgré la somme d’efforts qu’elles nécessitent…
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19h : Début de l’Open Mik à La Raskette. Les cours publics des Beaux-arts n’ayant pas lieu pendant les vacances scolaires, je peux me permettre d’y arriver plus tôt que de coutume. Quand Eléonore, la maîtresse de cérémonie de cette scène ouverte hebdomadaire, me présente au public, elle dit, entre autres, que la dernière fois, j’avais fait une « diatribe anti-Disney »… Anti-Disney, moi ? C’est beaucoup dire ! Mon texte, intitulé « Les temps ont changé », n’était pas dirigé contre la firme Disney en tant que telle : je reconnais que cette entreprise produit de l’animation de qualité, suivant les principes édictés en son temps par l’oncle Walt, et que même le long-métrage le plus insipide sorti de leurs studios contiendra au moins un moment de bravoure qui méritera à lui seul qu’on s’attarde sur ce film ! Disons que ce que j’attaquais, c’était le conformisme latent qu’on peut encore sentir dans ces productions, mais ce n’était qu’un prétexte pour rappeler aux mâles blancs que les gens « différents » ont le droit d’exister. De toute façon, ce soir, comme le bar a été décoré pour Halloween, je préfère proposer mes slams consacrés aux meurtrières célèbres : Charlotte Corday, Hélène Jégado et… Bernadette Malgorn. Comment ça, elle n’a tué personne ? Ah si : elle assassine l’intelligence à longueur de journée ! Et puis elle n’en est pas moins monstrueuse, non ?

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A gauche : la jeune chanteuse ch’ti. A droite : Slamity Jane.

20h : Tout en écoutant les autres participants, je déguste une poutine. Il y a longtemps que je voulais goûter ce plat québécois dont on m’a dit… Tant de mal. C’est vrai que des frites et du fromage fondu, il est difficile de trouver plus anti-diététique : il faut avoir vraiment faim ! Mais désolé : je me régale ! Presque autant que quand je mange la tartiflette de ma mère, ce qui n’est pas peu dire ! Pour ne rien gâcher, au cours de la soirée, je découvre trois artistes qui valent vraiment le détour : premièrement, un jeune chanteur et conteur qui nous raconte une histoire où une femme sauve la vie d’un prince sans rien demander en retour, ce qui répond bien, avec deux semaines d’écart, à mon slam dans lequel je dénonçais les stéréotypes de genre véhiculés par les productions Disney… Deuxièmement, une jeune chanteuse particulièrement douée qui nous vient des Hauts-de-France : quand je m’approche d’elle pour lui remettre ma carte et lui montrer le croquis que j’ai fait d’elle, elle semble presque intimidée, et c’est finalement sa mère qui réagit le plus vivement en me demandant l’autorisation de prendre une photo pour la mettre sur la page de la demoiselle… Une jeune chanteuse aussi timide que talentueuse soutenue activement par sa mère, voilà qui me rappelle un peu Johanna Alanoix ! Troisièmement, enfin, une jeune femme, chanteuse et guitariste, qui nous gâte avec une reprise d’Anne Sylvestre ! Je la remercie vivement : il est réconfortant de constater que cette grande dame n’est pas complètement oubliée et puis ça nous change des sempiternelles reprises de Goldman ou d’Aznavour ! En point d’orgue, mon amie Claire Morin, alias Slamity Jane, nous offre son dernier slam pour lequel elle s’est surpassée… Bref, une bien belle soirée ! Faites-moi penser à casser la gueule au prochain qui osera encore dire qu’il ne se passe rien à Brest…

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Jeudi 28 octobre 

17h : Le jeudi, entre mon ménage et mon courrier, je consacre l’après-midi au dessin. Ayant assez travaillé pour aujourd’hui, je prends ma planche à dessin et je la secoue par la fenêtre pour la débarrasser des dernières saletés qui y subsistent. Un conseil : avant de faire ça, assurez-vous que rien n’est resté posé dessus ! Ainsi, en ce qui me concerne, j’avais oublié que le bouchon de mon Rotring y était encore : je l’ai donc fait tomber du deuxième étage et je me retrouve sous la pluie à le rechercher ! Imaginez si ç’avait été ma plume ou mon encrier… C’est dans des moments comme celui-là que je comprends mieux pourquoi personne ne me prend complètement au sérieux ! A commencer par moi-même, bien sûr…

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Vendredi 29 octobre

10h : Passage à Bureau Vallée pour faire imprimer la liste d’émargement qu’il faudra que je fasse signer aux étudiants qui suivent mon cours d’histoire de la BD : je n’ai plus d’encre noire dans mon imprimante et comme je ne suis pas sûr de pouvoir disposer dans l’immédiat d’une cartouche pleine, je suis bien obligé de déléguer. Quand j’annonce de quoi j’ai besoin, on me dirige vers un poste informatique pour que je fasse le boulot moi-même : jusqu’ici, ça va, je m’y attendais (hélas !) et puis je dois convenir que ce n’est pas un travail difficile, a priori… Oui, je dis bien a priori car je déchante assez vite : d’abord, le poste vers lequel on m’oriente ne reconnait pas mon disque dur externe ! Tout arrive : j’ai trouvé plus attardé que moi sur le plan informatique ! Déjà contrarié, je m’installe à un autre poste : cette fois, mon disque dur est reconnu… Mais ça ne marche pas ! Pourquoi ? Je vous le donne en mille : je ne peux pas imprimer de document Excel sur leurs postes, il aurait fallu que je le convertisse en PDF ! Furieux, je descends vers une autre boutique de reprographie, à deux pas de la fac, où j’avais juré de ne plus jamais mettre les pieds suite à un certain nombre de mésaventures du même acabit… Et cette fois, ça marche ! Leur matos est pourtant encore plus rudimentaire ! Je me demande pourquoi je m’obstine à aller à Bureau Vallée : plus nuls qu’eux, tu meurs !

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Gotlib

14h : Je donne mon cours, déjà le dernier du semestre, dans des conditions un peu spartiates : d’abord, la porte était une nouvelle fois fermée, j’ai encore dû déranger une responsable ! J’avais pourtant bien prévenu la prof qui passe avant moi, mais madame n’avait rien voulu entendre… Ensuite, bien sûr, toujours pas moyen de projeter mon diaporama malgré les belles promesses du technicien… C’est définitif, l’année prochaine, je reviendrai aux polycopiés et tant pis pour l’argent que ça coûtera à l’université ! On m’a sollicité pour mes connaissances sur la bande dessinée, pas pour mes compétences en informatique qui sont à peu près nulles… Malgré les difficultés, les étudiants semblent satisfaits : seule la moitié de l’effectif est présente, mais ce n’est pas si mal pour un vendredi après-midi suivi d’une semaine de vacances ! De surcroît, on ne me fait plus de remarques sur mon débit oratoire, il y en a même un qui me dit qu’il ne trouve pas de questions à me poser parce que mon cours est suffisamment détaillé ! Je le prends comme un compliment… Bref, le contact est bon, à tel point que, quand j’évoque l’enfance de Gotlib, je me permets cette pointe : « Il s’est retrouvé très tôt orphelin de son père, raflé par la police française… Pardon, pouf pouf : par les nazis, parce qu’il est bien évident que la police française est innocente, n’est-ce pas ? Et d’ailleurs, comme l’a dit un politicien honnête et droit, le maréchal Pétain a sauvé des Juifs, tout le monde le sait ! » Comment ça, je ne devrais pas faire de politique pendant un cours ? Désolé, mais quand des contre-vérités aussi énormes sont proférées sur la place publique, il n’y a pas de bon ou de mauvais moment pour les dénoncer ! Bref, je peux être satisfait de ce que j’ai fait avec « mes » élèves, mais quand je sors, je suis quand même perclus de fatigue : mon directeur de thèse m’avait bien prévenu que l’enseignement usait vite, mais je n’imaginais pas que c’était à ce point ! Il est vrai que travailler dans des conditions aussi merdiques n’aide pas… Mais je n’écouterai pas du Jean-Louis Murat pour me détendre !


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