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Le journal du professeur Blequin (187)

Publié le 15 janvier 2022 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (187)Petit hommage aux Guignols

Lundi 10 janvier

13h : Il n’y a pas si longtemps, j’en étais encore à scruter l’actualité, en quête d’un fait susceptible de m’inspirer un dessin drolatique. Aujourd’hui, j’en vois de moins en moins l’utilité, tant la réalité ressemble à la caricature que l’on peut en faire. Souvenez-vous : quand les Guignols mettaient en scène Monsieur Sylvestre qualifiant de « pays de merde » à peu près tous les pays du monde sauf les Etats-Unis, ou encore Jacques Chirac soupirant « qu’est-ce que je m’emmerde », c’était drôle justement parce qu’à l’époque, on ne pouvait pas imaginer sérieusement les « grands de ce monde » s’exprimer en ces termes pour le moins orduriers. Aujourd’hui, les Etats-Unis ont eu pendant quatre ans un président qui a vraiment utilisé l’expression « pays de merde » et le président français a véritablement employé le verbe « emmerder » : comment voulez-vous être plus caricatural que ça ? Pourrais-je au moins épingler les « petites gens » qui utilisent Internet pour répliquer à Macron sur le même ton ? Même pas : cette attitude trahit une telle médiocrité de pensée et une telle pauvreté d’invention que ça ne vaut pas le coup de s’en moquer… Je me sens un peu las, pas vous ?

Mardi 11 janvier

10h : Il y avait déjà un certain temps que je n’avais plus eu l’occasion de descendre la rue Jean Jaurès à pied pour acheter du matériel ; chemin faisant, je constate que je ne suis pas le seul à braver l’obligation de porter un masque. Mais ce qui m’étonnera toujours, c’est le changement radical d’ambiance dès qu’on passe le quartier de l’Octroi : au-dessus, c’est quasiment le désert, au-dessous, la vie reprend ses droits, comme si la « frontière » de jadis, celle au-delà de laquelle il fallait payer un droit d’entrée sur les marchandises, se recréait dans la tête des gens… C’est comme un « membre fantôme » ! Mais ce n’est pas fait pour m’étonner : les gens continuent bien à respecter l’église et l’armée alors qu’ils n’y sont plus obligés, comme s’ils étaient encore menacés par un sabre et un goupillon invisibles…

Le journal du professeur Blequin (187)
10h30 : Au niveau de la Place de la Liberté, une manif de met en branle : des antivax ? La présence des drapeaux CGT m’en fait douter. Je me renseigne donc : il s’agit des soignants. Et oui, comme je l’avais prévu, les louanges dont on les a couverts en 2020 n’ont pas été suivis d’effets concrets et ils sont tous redevenus des « salauds de fainéants de fonctionnaires » qu’on paie au lance-pierre et qui n’ont que la manifestation pour s’exprimer… Leur colère est on ne peut plus légitime, mais ne comptez pas sur eux pour faire la révolution : passons sur le fait qu’ils portent (presque) tous le masque, admettons que ce soit encore nécessaire pour un rassemblement de grande ampleur, mais ce que je remarque avant tout, c’est que PAS UN SEUL de ces manifestants n’ose s’aventurer au-delà des grilles en fer qui ferment l’accès à la place ! J’avais déjà exprimé mes récriminations sur ces manifestants qui n’avaient pas le courage de perturber le marché de Noël : maintenant que cette foire à l’artisanat bidon est enfin terminée, ces braves gens continuent à respecter l’espace délimité, alors même que la place est vide ! Pas de doute, les crapules dont ils contestent la politique doivent trembler ! A ce tarif-là, autant manifester chez soi en pantoufles… Il y a sept ans, jour pour jour, nous étions des millions, partout en France, pour crier notre attachement à la liberté d’expression face à la menace terroriste : ce n’est pas aujourd’hui qu’une autre manif fera oublier celle-là ! Et il ne faut pas compter sur les antivax : je prendrai ces cinglés au sérieux quand ils seront eux aussi trois millions dans les rues ! Ce n’est pas demain la veille, à mon avis…

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Josef Schovanec vu par votre serviteur.

14h : Brève entrevue avec un complice pour traiter d’un projet commun. Il me fait remarquer que les forces de l’ordre ont été déployées un peu partout en ville : j’avais cru que c’était lié à la manif des soignants, mais mon camarade m’explique que c’est pour protéger les 54 ministres de la défense et des affaires étrangères européens qui se réunissent aux Capucins jusqu’à jeudi… Cela me rappelle ce que disait Josef Schovanec sur la sécurité des dirigeants : mine de rien, cette mobilisation massive de la police en dit long sur le climat de confiance qui règne entre les gouvernants et leurs peuples. Si les gens n’avaient pas de raisons de se plaindre des décideurs politiques, ces derniers pourraient circuler librement en rue, sans même un garde du corps à leurs côtés, au lieu de se retrancher dans des prisons dorées, fussent-elles ambulantes ! Ces ministres peuvent-ils au moins se sentir en sécurité maximale derrière leurs vitres blindées et leurs gardes armées jusqu’aux dents ? Même pas : même le dispositif de sécurité le plus blindé n’est pas infaillible, et ils ne seront jamais plus en sécurité que s’ils n’avaient pas de raisons d’avoir peur du peuple…

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18h : Je reçois la visite d’une amie qui, me dit-elle, vient de se mettre en télétravail, entre autres parce qu’elle n’en peut plus du protocole sanitaire ; son cas n’est pas isolé, j’ai entendu la même chose de la part d’une autre amie qui travaille elle aussi en entreprise… Dans de telles circonstances, j’aimerais réconforter mon interlocuteur (-trice) en lui disant qu’on va bien finir par voir la fin de cette pandémie, mais je n’ose pas : j’ai peur d’être ridicule et de paraître obscènement positif… Moi-même, je suis à bout de patience : ça fait bientôt deux ans qu’on nous promet la fin de cette merde, nous avons fait des sacrifices énormes, nous avons respecté des consignes dont l’efficacité ne nous a jamais été vraiment confirmée, nous sommes allés nous fait piquer deux ou trois fois… Et nous en sommes encore à devoir parler à des mutants sans visages, à être soupçonnés d’être vecteurs de maladie mortelle rien qu’en existant et à subir des messages de prévention à longueur de journée ! Tout ça pour une maladie qui est bénigne dans la majorité des cas et qui est même de moins en moins virulente ! Pour résumer, nous en avons tous ras la bolée de cidre, moi le premier ! Vivre avec le virus, c’est d’abord vivre !

Mercredi 12 janvier

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11h : Je m’en doutais depuis longtemps mais j’en suis désormais tout à fait sûr : nous sommes bel et bien gouvernés par des technocrates qui vivent dans les chiffres et n’ont pas la plus petite idée de la façon dont vivent vraiment les gens. Imposer aux salles de spectacle une jauge de 2000 personnes est une idée particulièrement stupide : si Emmanuel Maquereau, Jean Casse-tête et leurs ministres se renseignaient un minimum, ils sauraient qu’en France, il n’y a pas que de gigantesques salles prévues pour accueillir Johnny Hallyday et qu’il y a aussi une multitude de salles beaucoup plus modestes où il est de toute façon impossible de caser 2000 personnes, même en les serrant comme des harengs ! Quand je vais participer à une scène ouverte dans un bistrot de Brest, ou quand je vais encourager mes copains de Putain 2 Renaud dans une petite salle, vous croyez qu’on pourrait faire entrer 2000 spectateurs ? Même dans les rêves les plus fous des patrons des établissements concernés, ce serait impossible à moins d’abattre plusieurs murs et de racheter au moins deux maisons mitoyennes ! Et croyez-moi ou non, c’est dans ces petites salles, où l’on a donc toujours le droit d’être entassés comme on le souhaite, que bat vraiment le cœur de la culture française ! Mais pour le savoir, évidemment, il faut s’intéresser à la culture autrement qu’en assistant à des cocktails mondains et s’intéresser au pays dans lequel on vit autrement qu’en lisant Le Figaro

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13h30 : « Maison Départementale des Personnes Handicapées » : c’est joli, comme appellation, non ? On imagine aussitôt une humble mais chaleureuse chaumine où les gens en situation de handicap peuvent espérer accueil, réconfort et assistance… Ne vous y fiez pas : c’est une administration comme une autre, avec tout ce que ça implique, à commencer par la paperasserie, le gaspillage et les délais interminables. En effet, en ouvrant ma boîte aux lettres, j’y ai découvert un courrier de la MDPH : je m’attends à découvrir la réponse à ma demande de renouvellement de ma RQTH, j’ouvre donc l’enveloppe, le cœur battant… Et en fait, pour l’heure, ils ne font que me notifier qu’ils ont bien reçu ma demande, que je leur ai bien joint toutes les pièces qu’ils demandaient (ben oui, je ne suis pas débile, non plus !) et que je recevrai leur réponse dans quelques mois… Non seulement ils m’envoient un courrier papier pour rien, mais en plus, il leur faut quasiment un semestre pour décider de reconduire ma RQTH, comme si j’avais eu un embryon de chance de devenir un peu moins autiste en cinq ans ! Vive l’administration française…
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18h : Au cours du soir, nouveaux exercices à la gouache : cette fois, l’objectif n’est plus d’obtenir une composition à base d’aplats mais de tirer profit de la plasticité de la gouache pour restituer toutes les nuances de la carnation d’un modèle vivant. C’est plus complexe pour moi qui ai toujours eu un mal de chien à distinguer les zones éclairées des zone obscurcies : je fais rarement de telles nuances quand je colorie mes travaux personnels, à moins de faire des contrastes très violents en vue d’un effet particulier. Quand on me complimente sur l’état de ma palette, je suis très sceptique : pour moi, la palette n’est qu’un outil sur lequel on mélange les peintures pour obtenir des couleurs qu’on ne trouve telles quelles dans le tube, rien de plus, et la peinture qui reste sur la palette n’est que de la salissure, point barre. J’avoue avoir un peu de mal à accepter les compliments que je pense ne pas mériter… 

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21h30 : Après le cours, je suis allé dîner dans une crêperie où j’ai sans doute pris ce qu’il y a de moins diététique, mais c’est réconfortant…Enfin, quand même pas autant que ce spectacle qui réjouit l’œil quand je sors : la terrasse du bar La Petite Poésie, pleine du monde à une heure avancée ! Il y a un à la même époque, c’était tout simplement inimaginable… Tout ce qui nous venge de ces mois volés est bon à prendre !

Jeudi 13 janvier

20h : Ma journée a tenu en quatre mots : ménage, courrier, téléphone et peinture. Un jour à peu près sans histoire mais tout de même fatigant, d’autant que je ne peux m’empêcher d’avoir des angoisses que j’espère infondées. Je décide de me coucher tôt, dans l’espoir de me lever à une heure correcte : c’est demain qu’on m’injecte ma troisième dose de vaccin.

Vendredi 14 janvier

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9h30 : Je sors, un peu à contrecœur, je dois l’avouer. Au programme : poste, mairie, boulangerie et marché. Il fait un froid de canard : avec un peu de chance, il ne devrait pas y avoir trop de monde au bourg et mes affaires seront vite expédiées. Mais ce que je remarque tout de suite en sortant, c’est un panneau de BMH annonçant la démolition de la baraque que longe la ruelle ouvrant l’accès à mon immeuble et d’où une vielle folle m’avait jeté une boîte de conserve : j’accueille la nouvelle avec soulagement ! 

10h30 : Comme je l’espérais, les formalités ont été réglées en un temps record ; rentré au bercail, j’entreprends de photographier la peinture que j’ai achevée hier et qui a fini de sécher cette nuit. C’est un peu difficile : j’ai du mal à cadrer le plus droit possible et encore plus à éclairer correctement pour que la photo donne vraiment une idée de ce à quoi ressemble mon « œuvre »… Quand vous verrez la photo d’une toile célèbre, ayez une pensée non seulement pour le peintre mais aussi pour le photographe : lui aussi fait un vrai travail d’artiste !

14h : Mon père vient me chercher en voiture : l’injection doit se faire dans une pharmacie de Guilers. J’avoue que je préfère encore ça à l’hôpital ou au gigantesque centre de vaccination de Penfeld… Chemin faisant, mon père me rapporte qu’il gelait au petit matin et que la chatte n’a pas mis le nez dehors ! L’hiver est là, les climatosceptiques vont encore ricaner…

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14h30 : Me voilà à la pharmacie. La piqûre en tant que telle est assez vite expédiée : on la sent à peine et ça prend une fraction de seconde ! Le plus long, c’est de faire les papiers attestant que vous êtes vacciné ! Les Antivax n’ont vraiment aucune excuse… Mais l’important n’est pas là dans ma confrontation avec le pharmacien : premièrement, comme je ne suis presque jamais malade, ma carte vitale ne sert jamais et je n’ai donc pas pensé à la « mettre à jour », ce que l’apothicaire assure grâce à une machine prévue à cet effet. Deuxièmement, il me demande si j’ai entendu parler d’Omicron à la télé : je lui répond que je n’ai pas la télé. Troisièmement, enfin, quand il me donne mon nouveau pass sanitaire, il me dit que je peux flasher le QR code avec mon smartphone : je lui réponds que je n’ai pas de smartphone ! Il a dû se dire que j’étais un trentenaire d’une espèce rare…

Samedi 15 janvier

Le journal du professeur Blequin (187)

9h30 : Je me lève. J’ai bien une petite douleur à l’endroit où on m’a piqué, mais guère plus qu’après les deux premières injonctions. J’ai aussi quelques frissons, mais avec le froid qu’il doit faire dehors, ce n’est pas étonnant, et je n’ai qu’à régler les radiateurs pour me réchauffer… C’est donc ça, les effets secondaires si terribles ? Alors, une bonne fois pour toutes, les Antivax, sachez QUE JE VOUS EMMERDE ! Et je préfère me faire injecter tous les vaccins du monde plutôt qu’être confiné de nouveau ! Voilà, c’est dit.


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