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Lettre à Pénélope.

Publié le 03 avril 2023 par Rolandbosquet

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Chère Pénélope,

Je ne reviendrai pas sur le mois que nous venons de vivre. Si l’on en croit la télévision, la France était à feu et à sang. (Tu as bien raison de ne pas la regarder.) Et pourquoi toute cette effervescence ? Parce que les gens manifestaient contre la retraite à 64 ans. Ils disent qu’ils veulent travailler moins ! Il y a dix ans, ils manifestaient contre le chômage en scandant des slogans révolutionnaires tels que on veut travailler plus ! Va comprendre. On a parfois l’impression que le monde marche sur la tête. Mais nos amis américains proposent de nous aider à résoudre cette contradiction. Ils vont donner plein de subventions aux entreprises qui iront s’installer chez eux. Du coup, chez nous, on pourra travailler moins et ainsi tout le monde sera content. Sauf peut-être les chômeurs, bien entendu.

En attendant, ici, dans notre jardin perdu au fond de la campagne, la vie est bien plus calme. Les oiseaux chantent, les mésanges commencent à accumuler mousses et brindilles dans leur nichoir accroché dans le lilas au bout de la terrasse, les merles se chamaillent dans l’herbe de la pelouse que je viens de tondre, un couple de pies fait la police autour de l’érable pourpre, sans doute pour y établir un nid lorsque soleil daignera réchauffer vraiment l’air pour recevoir comme il convient papillons, chardonnerets et bergeronnettes. Les randonneurs du troisième âge eux-mêmes évitent de jaboter entre eux comme d’habitude pour mieux entendre la brise fredonner des ritournelles de leur enfance dans les forsythias en fleurs.

Tu me diras que tu sais tout cela aussi bien que moi. Et comment le saurais-tu puisque, depuis une quinzaine de jours, tu sors chaque soir pour ne rentrer qu’à l’aube et dormir le reste de la journée ? Saches que tu passes à côté de bien des merveilles. Mais, au fait, où vas-tu donc ainsi ? Tu ne vas pas à la discothèque du village puisqu’elle n’a pas réouvert ses pistes de danse après les confinements. Tu ne vas pas à la chasse non plus puisque, à ton retour, alors que l’aurore au pied léger caresse doucement les courbes voluptueuses des collines des Monts, tu grattes à la porte pour que je t’ouvre et tu te précipites sur ta gamelle de croquettes que tu vides gaillardement avant d’aller t’allonger de tout ton long sur le canapé jusqu’à la nuit. Alors, dis-moi, coquine, où vas-tu donc ainsi ?


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