Magazine Journal intime

Cruella familia

Publié le 14 janvier 2010 par Didier T.
Cruella familia
Photo Richard Billingham
Ma grand tante Margot n’a pas été une femme heureuse.Quand elle est morte personne ne l’a vraiment regrettée. Qui regretterait une femme malheureuse ?Ses sœurs n’en parlaient jamais qu’avec une pointe de colère acide dans la voix.Ce n’est pas que Margot ait été méchante, non, elle avait juste épousé le mauvais homme. Elle s’était trompée sur toute la ligne.Lui, je ne l’ai pas très bien connue en dehors des conversations familiales graves. Il me faisait de jolis cadeaux, c’est tout ce dont je me souviens précisément.Son premier tort aux yeux de ma famille maternelle est de ne pas avoir fait la guerre, d’avoir été assez malin pour échapper au calvaire, et, en plus, par-dessus le marché, d’avoir profité de ces temps durs et incertains pour s’enrichir en faisant du marché noir. S’enrichir, cela ne lui aura pas été pardonné. Lui, c’est au fric, au blé, aux billets de banque qu’il carburait ; toute sa vie durant, il aura manipulé, conspué, manigancé pour toujours un peu plus de sous. Les sœurs de ma tante ne lui pardonneront pas d’avoir été flouées par celui qu’elle avait choisi d’épouser. Elles lui rappelleront à toute occasion les conséquences de ses choix. Première conséquence, un fils unique râté qui a terminé la tête dans la cheminée. Faut dire qu’il avait ses raisons. Lui il était amoureux de sa petite voisine. Niet a dit son père « Pas assez riche ». Il a donc épousé celle qu’on lui a dit pour son plus grand malheur. Ma mère appelle sa nièce par alliance, et ma mère ne jure jamais c’est pas chic, « la salope ». C’est dire.Deuxième conséquence notoire : l’abandon par sa descendance. Même les hommes enrichis meurent. Ils laissent alors des veuves à la tête de rien puisque les hommes enrichis règlent leurs affaires avant leur dernier souffle et remettent les rênes des biens mal acquis à leur fils unique, même râté. Fils unique qui ne s’intéresse ni de près ni de loin aux biens matériels de ce monde, lui il n’aime que le souvenir de sa voisine, il n’en peut plus d’avoir de la peine d’avoir râté sa vie. Donc donc donc l’argent part à vau l’eau chez la belle fille de Margot, chez ses petites filles (à l’image de leur mère) et elle, elle a peine de quoi manger dans ses placards. Ses sœurs s’en fichent éperdument. Après tout elle a mérité ce qui lui arrive. Alors un jour, elle court en pleine journée chez son voisin l’agriculteur et subtilise les clés du tracteur. Elle démarre et va faire ses courses au centre ville. Evidemment les journaux locaux en tartineront des pages. La belle-mère de la fille du maire, abandonnée, obligée de faire ses courses en tracteur etc…Je vous laisse imaginer les têtes des gens concernés par cette petite histoire. Margot a gagné un ticket direct pour la maison de retraite où sa première initiative fut de se jeter par la fenêtre. Mais la mort n’a pas voulu d’elle cette fois-là et il a fallu attendre et encore attendre que les déchirements du cœur soient terminés pour que ceux du corps arrivent et finissent par l’achever en commençant par s’attaquer au pancréas. Pendant cette période, ses sœurs, notamment Marthe (à droite sur la photo de famille), ne manqueront pas de lui rappeler qu’elles accueillent régulièrement son fils sur le canapé de leur salon quand sa femme le fout à la porte à coups de pied dans le derrière. Marthe ajoute que parfois, elle était lunatique Marthe, elle n’a pas envie de l’accueillir, alors il dort dans une dépendance de sa maison, près du foin sans doute, là où elle ne le voit pas. Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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