Magazine Journal intime

Oradour sur Glane, triste histoire

Publié le 28 juillet 2014 par Stella

Oradour sur Glane

Oradour, village martyr. Figé pour l’éternité dans un cri désespéré. Il n’y a plus aujourd’hui que des pignons et des pans de mur à moitié écroulés mais qui lancent encore vers le ciel leurs bras implorants. Les pierres pleurent, mais nulle oreille humaine ne les entend plus. Il y eu tant de vacarme, en ce 10 juin 1944, que seul le silence est désormais capable d’en apaiser la violence. Il y eut 180 hommes, répartis dans six lieux d’exécution, hachés par les mitrailleuses. Il y eut 350 femmes et enfants, enfermés dans l’église, brûlés vifs ou mitraillés. Et tout un village incendié. À peine quelques survivants pour témoigner, des années plus tard, de ce qui, dès le lendemain de la tragédie, relevait déjà de l’indicible. Une infinie brutalité.

Certes, il y eut un procès, qui fut d’ailleurs problématique car au sein de la division Das Reich, qui commit le massacre, figurait une dizaine d’Alsaciens, Français d’origine, ces malheureux « malgré nous » enrôlés de force dans la Wehrmacht. Mais que peut la justice quand il n’y a pas même un enfant pour en bénéficier. Rien ni personne ne pourra consoler Oradour. Soixante-dix ans plus tard, il y a toujours une immense tristesse qui sourd des décombres, de ces murs noircis léchés par le feu, des carcasses de voiture qui rouillent patiemment au soleil, des pauvres machines à coudre oubliées dans les ruines, et jusque dans le léger crissement des graviers sous les pas des visiteurs.

Pauvres victimes. Et malheureux bourreaux. Car dans l’horreur, le supplicié et le tortionnaire s’anéantissent l’un l’autre. Le temps passe, le souvenir perdure et les lieux de mémoire nous rappellent à tous ce que fut notre histoire. Elle nous est commune, même si nous étions chacun d’un côté et de l’autre de la barrière. Ou du fil de fer barbelé. J’y pense souvent : comment porter le terrible poids d’une culpabilité que rien ne vient atténuer ?  Il faut vivre, pourtant. Sans oublier.

Je viens d’une famille de résistants. De résistantes, plus exactement, engagées dès 1941 dans des aventures que je conterai peut-être un jour ici. Ma grand-mère m’a souvent répété combien nous avions de la chance : l’éthique familiale, un mélange de protestantisme calvinien et de crypto-communisme idéalisé, avait nous avait tous protégé et personne, dans la famille, n’avait commis le moindre acte répréhensible. « Pas même à la Libération ! » ajoutait-elle, preuve que ça n’avait pas dû être très simple pour tout le monde dans mon village natal. Mais la tristesse, Mamie, la tristesse… quelle éthique peut nous en préserver ?


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