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Histoire d’Artaud-Mômo : oui, mais…

Publié le 04 mars 2015 par Stella

Damien Rémy AArtaud

J'étais hier au théâtre des Mathurins pour voir Histoire vécue d'Artaud-Mômo, une pièce on ne peut plus sombre, jouée par un comédien unique : Damien Rémy. Le texte, difficile, est tiré de la note manuscrite qu'Antonin Artaud avait apportée, le 13 janvier 1947, et qu'il devait lire devant le tout-Paris artistique et intellectuel, au théâtre du Vieux-Colombier. S'y mêlent également des bribes d'histoire de ce poète dit surréaliste, qui fut "suicidé par la société" en étant interné neuf ans dans des hôpitaux psychiatriques et, surtout, soumis à près de soixante électrochocs.

C'est donc ce rescapé, ce génie devenue presque épave, qu'incarne Damien Rémy. Soutenu par une mise en scène intelligente, il offre une prestation remarquable, on ne peut le nier, même si hélas, il n'est pas tout-à-fait convaincant. Ou plutôt : il n'est pas tout le temps convaincant.

Sa transformation physique est hallucinante : on le dirait effectivement cinquantenaire et à peine sorti de l'enfer. Son costume informe flotte sur son corps, ses longs doigts fins se tordent étrangement et son regard... ah, son regard : il faut le voir ! C'est à lui seul l'un des intérêts de ce spectacle. Sa gestuelle heurtée, hésitante, exubérante parfois en font un homme brisé mais vivant, proche de la fin mais résistant encore. Le Antonin Artaud, en un mot. Il est également servi par une lumière qui met en relief sa fragilité tout en lui donnant une incontestable stature. Mais... Il y a un mais.

En effet, les excès auxquels Damien Rémy a parfois recours : registre vocal un peu trop aigu, quelques cris et vociférations inutiles, font malheureusement retomber le soufflé. Nous sommes alors brutalement arrachés à l'illusion d'avoir devant nous le vrai Antonin Artaud, celui qu'au bout du compte nous étions venus écouter. Désarçonnés, nous sommes rejetés "à l'extérieur", en face d'un pauvre clown dont les propos nous deviennent dès lors incompréhensibles. Peut-être est-ce l'effet voulu ? Je veux bien le croire, mais c'est dommage et ça ne fonctionne pas. Il faut alors attendre de longues minutes une nouvelle fulgurance, un nouvel éclair de génie théâtral pour rentrer dans la souffrance et le génie de Mômo, ange mystérieux et incompris, car le texte, difficile comme je le disais plus haut, ne nous y aide pas.

Dommage, car une fois encore Damien Rémy est un extraordinaire comédien. Le mien ami que j'accompagnais dans cette étonnante expérience et moi-même sommes donc sortis un peu perplexes, mais je persiste à trouver que ce spectacle vaut le déplacement.


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