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Sur la route, de Yaoundé à Garoua-Boulaï

Publié le 19 novembre 2018 par Stella

Sur la route, de Yaoundé à Garoua-Boulaï

Yaoundé, c’est la grande ville. Dans les hôtels, même les plus modestes, il y a de l’électricité et de l’eau courante, chaude. L’intérêt de ce voyage va résider essentiellement dans le fait que nous allons sortir de ces lieux privilégiés pour aller « à la campagne ». Lire ou se faire raconter à quel point la vie est difficile dans les provinces est une chose, c’en est une autre que d’y plonger.

La traversée des quartiers populaires permet toujours de se faire une idée sur l’état du pays. Pas très brillant… Les bicoques succèdent aux masures, et seule l’abondance de produits agricoles sur les petits marchés permet de penser que les gens mangent à leur faim. Régimes de bananes plantains – c’est la saison – et ignames voisinent avec les oranges et l’inévitable manioc. Au cours de ce voyage, je mangerai beaucoup de pâte de manioc, qui coupe la faim sans apporter la moindre protéine. Du « matefaim » aurait dit ma grand-mère. Pas l’idéal.

On remarque toutefois une dynamique commerciale qui ne se voit pas partout : il y a certes les minuscules échoppes que l’on trouve partout en Afrique, mais dans cette banlieue de Yaoundé, les locaux d’entreprises sont très nombreux. Il n’empêche que la rue soit complètement défoncée, l’écoulement des eaux usées ou pluviales inexistant, tout comme le ramassage des ordures. Les inévitables bouteilles et autres sacs plastiques trainent un peu partout. Il seront encore là dans dix ans. Cette incurie donne une image très dégradée de ce qui pourrait être un lieu en pleine expansion. C’est un comble, mais je ne peux m’empêcher de penser au Rwanda, à son interdiction des sachets plastiques et à sa propreté respectueuse…

Le quartier Nkomo s’étend à l’est, c’est ça le « vrai Yaoundé » et pas les rues et les immeubles du centre. On y croise bien sûr des écoliers en uniforme, un groupe d’une centaine de jeunes coureurs de fonds – des militaires à l’entraînement – des églises en nombre, une synagogue et quelques mosquées. La religion est bien présente partout. Les grandes demeures entourées de jardins soigneusement entretenus vont clore cette expansion territoriale. Là, l’architecture est déterminée par le maître de maison, avec une petite propension à la mégalomanie parfois, comme en témoigne cette statue faîtière représentant un gigantesque aigle, tête penchée et ailes mi-repliées comme pour protéger l’édifice.

Une fois hors de la ville, la brume exhalée par les arbres devient visible. Elle s’arrête près du goudron, comme s’il y avait une différence de température qui l’en maintienne écartée. Un dispensaire, une école, une tombe ou parfois deux, du linge à sécher : c’est un village. Désert à cette petite heure du matin : les habitants – et les habitantes ! – sont aux champs. Le soleil perce les nuages, il est à peine 7 h.

Sur cette route circulent surtout des grumiers en provenance de Centrafrique et, en sens inverse des bâchés soigneusement ficelés, souvent estampillés « Dangoté », du nom du magnat nigérian qui possède entre autres une grosse entreprise de transports. A l’arrêt sur le côté, un énorme convoi de matériel des Nations unies, blindés, voitures médicalisées, citernes, vraisemblablement à destination de la Minusca, la mission de maintien de la paix en Centrafrique. On sent que les problèmes ne sont pas loin.

A Gado, non loin de la frontière, est implanté en amont de la route un vaste camp de réfugiés centrafricains. Les tentes du HCR ont presque toutes été remplacées par des cases de banco, preuve que leurs habitants n’ont aucune intention de retourner chez eux. Ils sont là depuis 2000. Les Nations unies s’occupent d’eux sur le plan matériel, mais… Une petite économie locale s’est mise en place, un village s’est créé sur le bord de la route, qui commerce avec le camp.

Aux abords de Garoua Boulaï, un autre camp de réfugiés a été construit par les Saoudiens « pour les musulmans » précise le chauffeur. Grosse différence avec Gado : murs en ciment, crépis et peints, toits de tôle, rues tirées au cordeau. Une mosquée, bien sûr. Seuls des hommes, en chèches et gandoura, se promènent ou regardent passer les véhicules.

Nous arrivons sur un vaste campus, attenant à un hôpital géré par les protestants. Temple, école biblique, tout y est ! L’hébergement semble idéal : moustiquaire, lumière et eau courante. Puis… plus de lumière ni d’eau courante. Je me disais aussi…


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