Magazine Journal intime

... Years ago...

Publié le 02 février 2012 par Chez
Je ne vais même pas mentionner son prénom, tiens, ça lui ferait de la pub par ricochet et pas de la bonne. C'était en 1989, ma première année de fac. Je me baladais alors volontiers avec un T-Shirt THE QUEEN IS DEAD, parvenant à faire abstraction qu'il représentait tout de même cette vieille baderne d'Alain Delon.
C'est à la cafétéria, pas bonne, de la fac, que l'individu m'accosta. Lui aussi avait un T-Shirt des Smiths et un grand blouson de daim, qu'il ne quittait jamais, hiver comme été, pas plus qu'il n'abandonnait les écouteurs de son walkman, diffusant, vous l'aurez deviné, les Smiths en boucle.
C'était en fait ma première rencontre avec un fan hardcore des Smiths. Enfin, je veux dire, plus hardcore que moi. Lui, il n'écoutait QUE les Smiths. Que ça. Les Housemartins à la rigueur. Il n'avait entendu parler des Primitives que parce que le Moz portait un de leurs t-shirts en concert. Oui : En 1989, ce mec ne connaissait pas les Primitives. Pas une tare en soi : Les fans de Bonnie Tyler ou de Tina Turner ne connaissaient sans doute pas non-plus l'existence des Primitives. Mais un fan d'indie-rock anglais? "Putain, j'adore le foot! Tottenham? Connais pas! Ils jouent dans quel championnat?"
L'autre particularité de ce garçon était d'être vraiment TRES con. Moi, faut avouer, ça me déprimait. J'avais tendance à penser que quelqu'un qui aime les Smiths ne peut pas être con. Un peu comme quelqu'un qui aime Mark Knoppfler ne peut pas être intelligent (euh, ça je me demande si je maintiens pas quand même).
En plus de tout ça, il était monomaniaque. Une glue. je finissais par raser les murs pour éviter qu'il ne m'alpague - surtout lorsque je tentais désespérément de ne pas dormir tout seul le soir- et ne me tienne la jambe durant des heures, sans se soucier de savoir si je l'écoutais (la réponse est : non), tandis que je voyais bientôt la paire de seins que je convoitais comme oreiller se retirer sur la pointe des pieds d'un timide "bon, ben je vous laisse". Je l'aurais tué. Je lui jetais des regards assassins, mais il ne les voyait pas.
Tout s'expliqua enfin un jour où il se risqua à me poser une question sur une chanson du premier album : Pretty Girls Make Graves. "Euh, tu t'y connais en anglais?"
Je gromellais une réponse vaguement bienveillante, quand il m'assoma littéralement en me demandant ce que ça voulait dire quand Morrissey disait qu'il avait "perdu sa foi dans le bois des femmes." Les connaisseurs apprécieront, mais je ne me privais tout de même pas de lui préciser que Womanhood ne signifie pas "le bois des femmes" (pourquoi pas "la touffe des pouffes" tant qu'on y est?) mais "la féminité". Il me regarda l'air interdit et m'avoua qu'en fait, il ne comprenait pas un mot de ce qu'il écoutait. Rassuré, je lui tournai définitivement le dos. C'est pas juste, mais ça soulage.

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