L'ogre et le violon enchanté

Il était une fois l'histoire d'un ogre très gros et très gourmand.  
Celui-ci entretenait une véritable passion pour la nourriture et passait la plupart de son temps à bavarder avec son estomac.
Le géant vivait avec sa femme, une douce paysanne aux mains rougies par les travaux des champs, dans une vielle maison isolée située tout au fond d'une immense forêt.
Chaque jour, la malheureuse élue de son coeur devait se réveiller avant l'aube afin de lui préparer une centaine de ses gâteaux préférés pour le petit-déjeuner. Si l'ogre ne les trouvaient pas à son goût, il se mettait alors très en colère, montrait ses dents et menaçait de la dévorer tout crû.
La pauvre femme tremblait tellement elle était effrayée, car une fois où elle avait oublié d'ajouter un peu de ceci ou de cela, il s'était jeté sur elle et l'avait mordu au bras jusqu'au sang.
Mais elle aimait toujours très fort son ogre de mari et ne le jugeait pas.
A l'aube d'un matin ennivrant de rosée, alors qu'elle s'était rendue dans la forêt pour y ramasser des fagots, la pauvrette découvrit sous un tas de feuilles mortes une vielle boîte en bois toute vermoulue. Intriguée, elle posa un genou à terre et l'ouvrit immédiatement.
Des notes de musique les plus enchanteresses s'échappèrent alors de la boîte. Un violon magnifique se trouvait à l'intérieur et celui-ci lui dit en souriant : "Do, ré, mi, fa, sol, la, si : il faut manger pour vivre et non vivre pour manger... Do, ré, mi, fa, sol, la, si : que l'amour devienne une science et rassasie les esprits"... puis il entama la plus magnifique des symphonies...
La femme resta alors un instant subjugée par tant de beauté puis se gratta la tête en souriant. Elle referma le couvercle, mit la boîte sous son bras et se hâta de rentrer chez elle en chantant.
Elle ne prépara ce jour là qu'une dizaine de gros gâteaux, dressa le couvert et attendit sans aucune appréhension le réveil de son ogre de mari.
"Femme, j'ai faim" ! ! hurla -t-il en posant un pied par terre ;
"Ouiiiii mon ami, répondit-elle tout en ouvrant la précieuse boîte en bois. Instantanément, la musique du violon se répandit dans toute la maison, caressante et sensuelle, merveilleuse et douce, magique et enchanteresse.

L'ogre fît un pas en direction de sa femme et la prit par la main, puis il enroula son bras autour de sa taille. Tous les deux enlacés, ils se sont mit alors à valser autour de la table en riant puis se sont embrassés tendrement très longtemps.
Depuis ce jour, ils passent leur temps à apprécier tous les instants...