Il fut un temps où lorsque nous cherchions l’orthographe d’un mot, nous ouvrions le bon vieux dictionnaire familial élimé pour trouver notre bonheur. Plus question dorénavant de se faire les muscles en soulevant le Titan des livres à un bras, on se plaît à jouer élégamment du bout des doigts sur les touches de notre ordinateur.
Récemment, j’écoutais de jeunes étudiantes linguistes qui expliquaient comment elles avaient réussi à déterminer la définition et le statut de plusieurs termes, à savoir s’ils étaient « lexicalisés » (présents dans le dictionnaire) ou non. La réponse tient en un mot : Google.
« En fonction du nombre d’occurrences sur Google, nous décidions de leurs statuts. Plusieurs milliers d’occurrences suffisaient à nous convaincre de notre choix. »
Google est devenu notre référence évidente, notre guide spirituel sur l’autel de la grammaire. En clair, ceci implique que si vous voulez avoir un bon référencement sur certains mots clés pour votre site, il vous faudra parfois les écrire avec des fautes d’orthographe, puisque c’est ainsi qu’ils sont le plus souvent tapés. Débarrassez-vous de ses accents inutiles, de ces cédilles prétentieuses, de tout ce qui fait la particularité de la langue française, le Dieu Google ne trouve pas ce que vous cherchez.
Si nous sommes pleinement conscient de la relativité orthographique de nos trouvailles sur Google, nous ne lâcherons pas le moteur de recherche pour autant, à la manière de junkie geeko nerd qui auraient besoin de leur dose de HTML.
On juge également de sa popularité sur Google. Plusieurs divergences sur ce phénomène ont déjà lieu : doit-on dire « se googler » ou « se googliser » ? De nouveaux néologismes ont très certainement déjà émergés à l’heure où je vous parle, car la deuxième caractéristique de Google, c’est d’être aussi rapide que la lame de rasoir Gillette Mach 3. C’est dire.
Que celui qui n’a jamais tapé son nom dans Google me jette le premier clavier. Nous sommes tous tentés de connaître l’envergure de notre notoriété sur le Web, même s’il ne doit être présent que sur le premier lien de la page 1 : celui de notre page Facebook. Les regrets viendront plus tard…
On peut également faire des Google Fight entre copains, où l’unique but est de comparer le nombre d’occurrences sur le Net entre deux termes. Amusons-nous dans dix ans à comparer « buzz » et « ramdam », pour voir si le Secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie avait raison de chambouler tout notre langage habituel. En attendant, ça donne plutôt cela :
« Je te dis que c’est Samantha Fox la plus populaire sur le Web, et pas Paula Abdul ! »
Gagné, c’est Samantha. Même en sachant que ça nous fait une belle jambe, on peut rester longtemps à s’amuser sur ce petit jeu.
Mon correcteur orthographique me chagrine et me dessine l’humiliante ligne rouge sous le mot « Google ». Puisqu’il s’agit d’un mot étranger, je devrais le mettre en italique, selon les règles typographiques strictes. Et bien non, puisque c’est la débandade sur le Net, je ne compte pas soutenir le temps de retard qu’a ce foutu correcteur : Google est depuis longtemps devenu un nom commun, de manière officieuse certes, mais tout de même.
Que je le dise ou non, l’avenir s’annonce rose mais je cèderai néanmoins à la facilité : longue vie au roi Google. Car j’ai bien peur qu’à l’heure où on trouvera son successeur, je serai une vieille conne aigrie et réfractaire à tout changement.