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« We Are Four Lions » : Al Qaida a aussi ses Marx Brothers

Publié le 29 décembre 2010 par Le_bruit_et_la_harpie

Alors ça, c’est une première ! We Are Four Lions vient clore mon année de baroudage ciné en beauté et avec une idée des plus originales, qui se trouvait pourtant juste devant nos yeux : le terrorisme et l’extrémisme religieux. Comme le répète le proverbe : on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. Suffit d’en être convaincu. « We Are Four Lions » : Al Qaida a aussi ses Marx Brothers

Souvent quand je regarde un film, je me dis que certains aiment bien se lancer des défis, de vrais challenges de gagnants. Il est évident que sur le tournage de We Are Four Lions, Chris Morris a dû pas mal suer. L’histoire n’est pas évidente, et tient même plutôt du registre de l’extrêmement délicat : quatre jeunes britanniques n’ont qu’un seul but dans leur vie : embrasser totalement le djihad, ce qui inclue également, et surtout, la case bombe et explosifs. Menés par Omar, la tête pensante du groupe, ces terroristes de pacotilles s’escriment à reproduire avec assiduité tous les gestes du bon taliban extrémiste, afin de faire parler d’eux et mourir en martyrs. Leur seul problème : savoir dans quel lieu public ils se feront exploser.

Présenté comme cela, j’en entends déjà qui poussent des « Oh ! Mais c’est affreux ! Mais quelle violence gratuite ! ». Et pourtant, tout cela reste très acceptable. « Oh ! Mais elle a écrit acceptable, c’est une honte ! ».

Je ne résiste pas à vous inclure la bande annonce de ce film, hilarante à elle seule, qui donne un excellent aperçu du film. Et appréciez-moi cette accent british please en passant !

Peut-être que cette vidéo vous aura mis sur la piste : ce film est hilarant. Sans aucune hésitation, c’est de loin le plus drôle que j’ai pu voir cette année. La question que l’on se pose immédiatement, après le premier éclat de rire, c’est de savoir si notre réaction, ce film, ne serait pas déplacé. Rassurez-vous, ces instants pensants et pesants seront balayés au fou rire suivant, qui a le chic pour arriver quasiment la minute d’après. Exit la sensation honteuse de s’amuser de vidéos de revendications ratées, oubliés l’embarras devant les énergumènes qui transportent des explosifs en plein cœur de la ville. Tout paraît normal et frais, c’est un petit miracle.

Il est vrai que cet article tombe très mal : aujourd’hui est le triste anniversaire de la capture de Stéphane Taponnier et Hervé Ghesquière. Il est vrai aussi que We Are Four Lions s’attirera sûrement les foudres de reac’ aux opinions disproportionnées, qui ne verront dans ce film qu’une nouvelle provocation gratuite ou un désintérêt de mauvais goût pour l’actualité sanglante. Permettons-nous, de grâce, une certaine légèreté, même très temporaire. Les acteurs sont formidables, parfaitement dans le ton, à l’aise dans les baskets de leurs personnages sortis tout droit d’une tête très imaginative.

Rappelons-nous aussi que cet angle si discutable dessert d’autant plus le terrorisme, tourné au ridicule. L’embrigadement et la confusion des convictions sont justement sous l’un des spotlights les plus dangereux pour la crédibilité puisque ces concepts sont ouvertement moqués. Chris Morris a eu la bonne idée de garder une constance inaliénable tout au long du film : il ne bouge pas d’un iota sa prise de position, des plus surprenantes, en abordant le sujet à coups d’humour.

Si on osait, puisqu’ils sont Britanniques et qu’ils sont drôles, on pourrait presque les qualifier ces acteurs de Monty Python modernes, mais ce serait avoir la main lourde de stéréotypes. Mais vu que ça ne me dérange pas de tomber dans les stéréotypes, je l’écris : ce sont les Monty Python modernes. Même auto-dérision, même humour cinglant, la succession de scènes faisaient réellement penser à un véritable spectacle où s’enchaîneraient les sketches bidonnants. Le parallèle avec ce groupe d’humoristes est trop tentant : les Monty Python adorait toucher aux sujets « interdits », comme avec la quête du Saint Graal (Sacrée Graal !) et la vie de Jésus (The Life of Brian) pour moquer la dévotion sans compréhension, et faire accepter l’idée que tout peut prêter à rire.

Cerise sur le gâteau, en sortant j’ai prononcé LA phrase que je ne laisse entendre qu’avec parcimonie : « Je pense que j’achèterai le DVD« .

Profitons-en, on ne devrait pas être en mesure de rire autant sur un sujet pareil dans les années futures, compte tenu du climat politique de plus en plus tendu. Au final, celui qui se marrerait peut-être le moins à voir ce film, ce serait sans nul doute Ben Laden. Pas sûr que l’on prévoit des sorties ciné dans les camps d’entraînement d’Al-Qaida de sitôt.


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