Magazine Humeur

Les petits mouchoirs sont sales et éparpillés

Publié le 23 octobre 2010 par Le_bruit_et_la_harpie

Salut Guillaume,

Ça fait plusieurs jours, voire semaines, que dès que j’allume ma télévision, je te vois tout propret avec un grand sourire vendre ton troisième film à un animateur ou un présentateur télé. Comme tu répètes que c’est un film à copains réaliste qui concerne tout le monde, « un film qui parle quoi  » , je me suis dit que j’allais tester ça de mes propres yeux. Les petits mouchoirs sont sales et éparpillés

Pour l’universalité, on repassera. Parisiens jusqu’au bout des ongles, les personnages se retrouvent chaque année dans la maison de leur pote Max (interprété par François Cluzet), la plus grosse baraque du Cap Ferret pour les connaisseurs. Grand luxe, apéros nonchalants tous les soirs et sorties en bateau, on ne peut qu’applaudir la justesse de ton du jeu des acteurs, qui incarnent parfaitement la bande de trentenaire urbains et nantis. Pour faire court, la majorité de la population française ne se retrouvera pas dans cette épisode de vie. Ce qui devait être un film de copains est en fait un film de parisiens en vacances : dommage.

Ce qui est sûr, c’est qu’on sait qui est ta meuf et que tu l’aimes beaucoup. Ça, on l’aura bien compris. On te l’accorde, tu offres un rôle inhabituel à Marion Cotillard : non pas celui d’une diva, mais celui d’une fille au centre d’une bande de copains qui est quand même vachement craquante dans son short en jean. Bref, au final, soit l’aura de Marion est trop forte pour le septième art et crève définitivement l’écran quelque soit le personnage qu’elle incarne ; soit il y a fort à parier que t’as voulu la sublimer un peu par-ci par-là mon cochon. Disons poliment que t’as fait un peu de favoritisme sur les sorts de chacun et que Pascale Arbillot (Isabelle dans le film) n’était pas ta préférée.

Puis Guillaume, tu t’es quand même pris la tête sur deux trois personnages, non ? Que tu leur affubles un ou deux problèmes, je veux bien, mais qu’ils se retrouvent tous avec tous les malheurs du monde, t’y va un peu fort, tu ne trouves pas ? Jouer sur l’individualisme de chacun face à une souffrance commune (l’accident de leur pote Ludo), voilà une idée intéressante à exploiter. Mais avec mesure Guillaume. L’ajout de millions de détails étouffe l’histoire centrale, qui se noie peu à peu dans le tourbillon de futilités personnelles et perd le spectateur.

Je suis ressortie du film en ayant l’impression d’avoir passé 5 heures d’affilée dans la salle. Trop d’actions tue l’action ; le mieux est l’ennemi du bien. Sans parler des 2h34 de film, que l’on réserve généralement aux maîtres du cinéma et où aucun plan n’est à jeter. En l’occurrence, tout ce bordel d’anecdotes aurait pu être facilement réduit, et tu nous aurais peut-être moins ennuyé sur certaines scènes où je soupirais d’impatience.

Les acteurs sont brillants, à l’exception peut-être de Laurent Laffite qui a eu la lourde tâche d’endosser le rôle d’Antoine, le plus agaçant et le plus inutile du film. Gilles Lelouche semble ne pas se forcer, Marion Cotillard apporte pile poil ce qu’il faut à son rôle. Mention spéciale pour François Cluzet qui excelle en névrosé en proie à ses angoisses et Benoit Magimel qui colle parfaitement à son rôle de jeune trentenaire en pleine crise identitaire. On comprend bien que t’as voulu faire jouer tes potes mais, et c’est bien la seule fois de ma vie que je le dirais, la présence de Maxime Nucci, c’était quand même un peu de poudre aux yeux. Agréable certes, mais sans intérêt.

En ce qui concerne la bande originale, je n’ai malheureusement pas de bonnes nouvelles. Les titres sont du déjà vus au cinéma et le film en perd de sa personnalité. « Lust for life  » pour marquer la déchéance de Ludo (Dujardin dans le film), c’est le rapprochement inévitable avec Trainspotting et c’est un peu téléphoné non ? « Kozmic Blues  » de Janis Joplin aurait presque pu coller s’il n’avait été coupé par un plan improbable d’un bateau naviguant sur le Bassin. En bonne ado retardée, je ne demandais pourtant qu’à être possédée toute entière par la musique, et laisse-moi te dire que c’était chose facile.

Puis cette fin Guillaume, sérieusement ? Le pathos engloutit tout ce que tu as essayé de nous faire passer pendant le film. La fin tarde à venir, on commence à sérieusement s’agiter sur nos sièges. A trop vouloir provoquer l’émotion dans ton film, il ne se passe plus rien.

Le mitraillage des soucis de tous tes personnages est trop rapide, trop inégal pour que l’on arrive à se concentrer correctement sur quoique ce soit. La structure s’effondre sans qu’on ait pu la comprendre : on enclenche rapidement le pilote automatique en avalant les images sans chercher la signification profonde des scènes. Et on n’en retient que la fin, naïve et trop facile, qui devrait régler tous les problèmes du film.

Film personnel, trop personnel, je me suis perdue Guillaume. Comme dirait Chabat,

« Je suis déçue, mais déçuuuuueee ! « 


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