Il fut un temps où Stieg Larsson était loué comme le Dieu du renouveau littéraire : une trilogie qui faisait froid dans le dos, des personnages que l’on respectait plus qu’on ne les admirait, et un rythme déchaîné, sans limite. Surtout, je pense à tous nos amis amateurs de Petit Bac, on pouvait enfin un auteur dans la case « Auteur suédois« , parce qu’avant, ça ne se bousculait pas particulièrement au portillon au niveau renommée internationale du côté de la Suède.
Dans ce deuxième volet, Lisbeth est plutôt dans la merde. Mais pas le même genre de merde que vous et moi, du type « J’suis encore à découvert ce mois-ci« , « La machine à café du boulot est en panne« , ou « Je sue vraiment trop dans mon short« . Non, elle, elle se prend des balles, se fait attaquer par des sortes de Hell’s Angels suédois cro cro méchants (et rien que pour ça, le film vaut le coup), et est accusée d’un triple meurtre. Bref, petite journée pour la gothique, qui était plutôt habituée à être internée dans des asiles, à cramer son père ou pirater les ordinateurs de tout Stockholm.
Au début, je ne vous cache pas que j’ai eu quelques difficultés à me remettre dans le bain. Pas de petit récapitulatif du premier épisode, on est directement plongés dans le fjord (t’as compris la blague?) sans ménagement. N’étant pas familière avec la langue suédoise, parler d’une certaine impression de similitude dans les noms de familles suédois serait assez faible. Très heureusement, mon hippocampe ne m’a pas lâché, et après une petite lutte de dix minutes, je me suis souvenue.
Stieg Larsson n’est pas un Baudelaire suédois, et n’en a jamais eu la prétention. Il n’est même pas à la hauteur de mon pygmalion du polar, la très grande Agatha Christie. Non, mais Monsieur Krisprolls a réussi à coudre une histoire incroyable, à passionner des milliers, voire des millions, de lecteurs , à créer une atmosphère des plus particulières, totalement inédite pour nos cortex français. Dans la catégorie « polar », il a presque inscrit et créé un sous-chapitre bien à lui.
Cette particularité littéraire transparait dans l’adaptation du film. Comme pour le premier volet, j’applaudis la prééminence de la langue suédoise, qui a su résister aux sirènes hollywoodiennes de la production. L’authenticité de l’œuvre de Larsson ne pouvait qu’être conservé, et sublimé de l’avis de certains, par une interprétation dans sa langue natale.
Ici, pas d’explosion à tout bout de champ, pas d’histoire d’amour en parallèle, pas de dialogues griffonnés par le stagiaire entre la préparation des cafés et les photocopie. L’ambiance, on l’aime ou on la déteste, mais elle est différente de ce que l’on a pu voir auparavant au cinéma. Un brin exotique, des scènes crues, une multiplicité d’histoires qui se chevauchent mais, certes, un manque d’entrain assez inexplicable dans cet épisode. Trop de personnages, trop de situations à gérer dans notre esprit riquiqui, on se perd.
La culture suédoise a du mal à s’exporter à l’échelle mondiale, mais quand elle le fait, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle cartonne. Ikea est devenu notre réconfort d’avant-déménagement, que ce soit pour ces meubles ou ces sandwichs au poulet à 1 €. Abba, le groupe que l’on écoute en disant à ses potes « Attends, on va mettre une chanson pour se marrer« , alors qu’en douce, on se passe le disque en boucle tout seul. Et vous verrez bientôt que la gym suédoise que je pratique assidûment aura conquis la planète entière. Riez, riez les deux du fond, mais la Suède pourrait bien avoir plus d’emprise sur votre vie que vous ne le pensez.
Mais Stieg a perdu de sa superbe, et pour une raison lamentable : son film sort quasiment en même temps que Twilight, le troisième volet où Pattison va enfin mordre cette sangsue de Bella qui n’attend que ça. Trilogie contre trilogie, t’as perdu Stieg, tes producteurs n’ont pas fait assez de mugs estampillés de la tête improbable de Lisbeth. J’ai mal au cinéma et à la littérature.
PS : Je vous remercie d’apprécier cette trouvaille exceptionnelle, l’affiche du film en espagnol por favor! On mesure l’adaptation interculturelle de l’iconographie : là où la Suède fait dans le glauque, l’Espagne nous la joue vulgos et kitsch en collant des ailes à Lisbeth, qui a l’air d’être une star des années 80 sur le retour et se remodèle sa réputation dans toutes les discothèques du pays. C’est bon les échanges européens.